Chapitre 8 - L'addition
Caleb
Plus les kilomètres défilent, plus la voiture prend de l'altitude. J'ai eu envie de l'emmener dans un endroit totalement différent des lieux qu'elle doit avoir l'habitude de fréquenter. Une belle vue dégagée sur la vallée se dévoile sous nos yeux. Le paysage est très beau.
Je m'arrête devant le restaurant « Waldhaus », qui est l'un des plus gastronomiques de la région. Alors que je sors de la voiture, ses paroles me stoppent net.
— Vous n'avez pas la lumière à tous les étages ! me lance-t-elle d'une voix inquiète.
Quoi ? Qu'est-ce que j'ai fait ?
— Pardon ? demandé-je, surpris par cette réaction.
— On ne va pas aller au Waldhaus pour manger !
— Pourquoi pas ?
— Mais, vous êtes fou ! C'est totalement hors de prix ! Pas question ! se révolte-t-elle.
— Bon, alors restez dans la voiture, le temps que j'aille manger. Vous pouvez également prendre le bus pour rentrer si le temps d'attente vous semble trop long. Au pire, vous pouvez marcher, c'est très bon pour la santé ! À tout à l'heure.
Je sors de l'habitacle sans lui laisser le temps de me répondre et me dirige vers l'entrée. Elle peut réagir au quart de tour quand elle est surprise et j'adore. Avec un sourire narquois, je prends place à la table qui m'a été proposée par le serveur et commence à regarder la carte. Je sais très bien que dans une minute, elle se posera sur la chaise en face de moi. Au même moment, je la vois arriver. Le contraste entre sa tenue et celle des autres clients me fait bien rire. Ils la dévisagent avec incompréhension et elle est mal à l'aise. Bon, ça, je ne le souhaitais pas. Avant qu'elle ne me voie, je baisse les yeux vers la carte, l'air de rien. Je l'entends s'asseoir et dirige mon attention vers elle. Léonie est dans un état de frustration extrême.
Mignonne.
— Changé d'avis ? lancé-je, victorieux.
Son regard noir se lève brièvement vers moi.
— Pas le choix, répond-elle froidement.
Ça promet d'être amusant. L'expression de son visage devient indéchiffrable, tandis que ses yeux se baladent sur la carte. En un instant, sa moue, celle qui trahit sa concentration, vient prendre place sur son visage. Cette gestuelle, je l'ai remarquée plusieurs fois, lorsqu'elle servait les clients au restaurant.
— Je ne sais pas quoi choisir et les prix sont effarants, dit-elle, les dents serrées.
— Je vous invite, au cas où.
— Mais bien sûr !
Arquant un sourcil, mon regard sévère se plonge dans le sien. Elle rougit et reporte son attention sur le menu. Deuxième victoire pour moi. C'est presque trop facile ! Quand le serveur nous apporte nos entrées, elle a quand même l'air enchantée par ce qu'elle voit. Nous prenons quelques bouchées en silence. Seuls le bruit de nos couverts et les conversations des clients, en arrière-plan, se font entendre. Ses yeux se ferment pour apprécier d'autant plus l'explosion de saveurs dans ses papilles gustatives.
— Alors, ça vous plaît ? demandé-je.
— Oui, c'est bon, répond-elle d'une manière neutre, très agaçante.
Ce n'est pas juste "bon", c'est délicieux ! Elle me fait un petit sourire hautain. Visiblement, elle a remarqué ma frustration et ça lui fait plaisir. Ce petit côté légèrement peste me plaît bien. On va bien se divertir, si je décide de continuer à jouer avec le feu et de me brûler.
— Vous venez d'où ? questionné-je.
— Du Valais et vous ?
— De Santa Barbara, en Californie, mais j'habite à San Francisco depuis quelques années.
— L'américain typique en gros, affirme-t-elle avec un sourire moqueur.
— Très drôle. C'est juste où naissent les meilleurs, c'est tout.
OK, je ne suis pas doué pour faire de l'humour.
— Bien sûr, confirme-t-elle avec ironie. Je me pose une question depuis un moment, que faites-vous comme métier ?
J'ouvre grand les yeux, ce qu'elle ne manque pas de remarquer. Je n'ai pas pensé une seule seconde qu'elle puisse me le demander, alors que c'est logique. C'est une des premières choses qu'on demande lors d'un premier rendez-vous. Enfin, nous ne sommes pas à un rencart. Je réfléchis le plus vite possible pour trouver une réponse acceptable et lui explique :
— Je suis le représentant d'une société privée internationale qui fait des investissements dans différents domaines à travers le monde.
Je viens de débiter cette phrase bien plus vite que je ne l'aurais dû.
— Vous avez répété votre texte devant le miroir ? On dirait un robot ! dit-elle, hilare.
Je m'étouffe avec la frite que je suis en train d'avaler, ce qui la fait éclater de rire et je me joins à elle. J'adore son rire. Heureusement, c'est de l'humour de sa part et pas une remarque fondée, car je n'aurais pas pu répliquer. Ce n'est pas très professionnel tout ça, moi qui suis censé pouvoir me sortir de n'importe quelle situation en quelques secondes. Le serveur dépose nos desserts, de délicieux millefeuilles, et la conversation reprend.
— Quel est votre circuit professionnel ? demandé-je.
Ayant fait ma petite enquête, il me sera facile de discerner dans ses dires le vrai, du faux. Un bon moyen de tester son honnêteté.
— Après l'école obligatoire, j'ai fait quelques séjours linguistiques, puis les saisons dans les restaurants sur les pistes de ski. J'ai fini par me faire engager à temps plein à l'hôtel. Les études n'ont jamais été faites pour moi. Et vous ?
— J'ai fait une école privée, expliqué-je sans plus de détails.
— En commerce, je suppose ? ajoute-t-elle.
— Tout à fait.
— Vous devez beaucoup voyager. Quels pays avez-vous visités ?
Je lui raconte quelques pays moins connus où j'ai pu aller, comme la Gambie, l'Uruguay ou encore le Guatemala. Cependant, je ne les ai pas vraiment visités, j'avais autre chose à faire. Je lui parle des cultures et du climat, des traditions aussi. Nous finissons notre café lorsque mon portable sonne et vient interrompre ce moment agréable. Le temps d'un instant, j'avais oublié la raison de ma présence en Suisse. J'aurais aimé passer cette journée avec elle, en toute tranquillité. En y jetant un coup d'œil, je fronce les sourcils. Pourquoi m'appelle-t-il maintenant ? Je décroche immédiatement.
— Oui ? ... Très bien. Je pars tout de suite.
Je boucle la conversation et m'adresse à Léonie, avec un regard désolé.
— J'ai une urgence au travail, je dois partir tout de suite. Un taxi va vous ramener, je suis vraiment désolé, m'expliqué-je.
— Oh, d'accord !
Voilà les seuls mots qu'elle répond, mélangés à un regard surpris et... triste ? Ou déçu ? Je ne suis pas certain, ce moment a été trop bref. Je me lève rapidement, ajuste ma chemise et lui adresse un dernier mot en souriant.
— À bientôt.
— À bientôt, me confirme-t-elle en souriant.
Une fois hors du restaurant, je me dirige au pas de course vers la voiture et, dès que je suis en route, je rappelle directement Nathan. Celui-ci ne prend pas le temps pour les formalités et me donne la raison de son appel.
— Il veut nous voir, tout de suite.
— Bien. On y est. Tu es prêt ?
— Oh que oui !
— OK. Je passe te prendre dans trente minutes et on fonce.
— À toute.
En raccrochant, je resserre mes mains sur le volant. Il a enfin besoin de nous. Sa confiance augmente et je vais l'anéantir.
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