Prologue
Dans le passé...
L'enfant attendait patiemment sur la chaise bien trop haute pour elle. Ses petites jambes se balançaient dans le vide. Ses yeux intrigués détaillaient cette grande pièce vide et inhospitalière, bien qu'elle ne sache pas encore ce que cela voulait dire.
« —Ils arrivent bientôt mes parents ? demanda cette dernière en sentant l'impatience poindre en elle.
—Oui, lui répondit le gros bourru chargé de la surveiller, ils sont en route. »
Au même moment, la capitaine Monciatti entra dans la pièce, dos à la petite fille, face au sergent Dupontin. Elle avait tout entendu et elle lui lança un regard foudroyant. Le gros sergent moustachu haussa les épaules, l'air innocent.
« —Dupontin, fit la capitaine Monciatti entre ses dents, tu peux venir me voir deux minutes, s'il te plaît ? »
Mal luné, le sergent Dupontin alla la rejoindre dans la pièce insonorisée, derrière la vitre sans tain qui permettait de regarder dans la salle d'interrogatoires tout à son aise. Poings fermés sur les hanches, elle dévisagea son collègue avec sévérité.
« —T'es con ou quoi ? s'énerva Ginevra.
—Quoi ? ronchonna Dominique. J'sais pas faire, moi, avec les gosses, fallait pas me la coller dans les pattes.
—Allez, casse-toi, laisse-moi gérer ça.
—Avec plaisir. »
Sans se faire prier, Dominique Dupontin regagna son bureau où il s'assit lourdement sur son siège, et bâilla à s'en décrocher la mâchoire, du fait de l'heure avancée de la nuit. Il se saisit de sa tasse de café, se fit rouler jusqu'à la table commune, se servit de la boisson bien chaude tout juste coulée grâce à leur stagiaire, y mit trois sucres, et commença à boire en prenant garde de ne pas se brûler.
De son côté, Ginevra Monciatti rejoignit la petite fille qui attendait dans la salle d'interrogatoires, toujours assise sur sa chaise, jouant avec ses doigts. La capitaine s'accroupit à côté d'elle.
« —Ils sont arrivés mes parents ? Ca y est ?
—Écoute ma grande, j'ai quelque chose à te dire.
—Tu peux attendre mes parents pour me le dire ? Je suis fatiguée, j'ai envie de dormir dans les bras de mon papa.
—Tes parents ne vont pas venir te chercher.
—Pourquoi ? Ils connaissent pas l'adresse ? Tu peux pas chercher leur numéro dans l'annulaire pour leur dire ?
—Ton papa et ta maman n'ont pas réussi à sortir de la maison.
—Alors ils doivent m'attendre là-bas ! On peut encore habiter dedans même s'il y a eu le feu ?
—Non, plus personne ne peut habiter dans ta maison.
—Alors pourquoi papa et maman y sont encore ? »
Ginevra tournait autour du pot. Elle n'arrivait pas à se décider à annoncer la nouvelle. La belle italienne, fraîchement élevée au grade de capitaine, un exploit pour une femme de son époque, avait beau avoir une attitude naturellement douce, elle ne savait pas beaucoup plus y faire que son collègue avec les enfants.
La capitaine n'était pas encore mère et, quand elle regardait la petite fille si innocente qui se trouvait en face d'elle, elle ne souhaitait pas que cela arrive un jour. Son métier était à grands risques. Elle ne voulait pas savoir son rejeton dans une salle d'interrogatoires rébarbative à attendre qu'on lui annonce le pire comme elle s'apprêtait à le faire.
« —Ton papa et ta maman sont morts. »
Elle avait finalement lâché la phrase maudite. Ginevra se mit alors à fixer la petite dans l'attente d'une réaction.
Assise sur sa chaise, l'enfant portait une chemise de nuit pleine de suie, mais dont on devinait encore le motif à fleurs colorées. Son visage était noirci par les cendres qui s'étaient collées à sa sueur. Ses cheveux étaient tout ébouriffés, et la pointe de ce qu'il restait de sa longue tresse était cramée. Ginevra ne voulait imaginer ce qu'elle avait dû vivre cette nuit-là. Et pourtant, il fallait qu'elle mène l'enquête.
La petite fille ne répondit rien, ce qui déstabilisa franchement la capitaine Monciatti. Alors, elle se permit de donner son premier interrogatoire, celui de l'enfant qui venait de perdre ses parents presque sous ses yeux :
« —Euh, du coup, tu peux me dire ce qu'il s'est passé ce soir ?
—Il y a eu le feu à la maison, répondit candidement la petite fille.
—Mais encore ? Tu te souviens comment le feu a démarré ?
—J'étais dans la chambre avec ma maman. Elle pleurait beaucoup parce que papa il avait encore crié sur elle, et il l'a tapée parce qu'elle l'a pas écouté. Donc moi je lui faisais des câlins pour la consoler, comme à chaque fois que papa il nous tape ou nous crie dessus. Et puis papa il s'est mis à crier qu'y il avait feu.
—Alors vous avez fait quoi ?
—Papa il est entré d'un coup dans la chambre. Il y a eu beaucoup de fumée noire quand il a ouvert la porte. Ça piquait les yeux et ça brulait la gorge.
—Il a fait quoi, ensuite, ton papa ?
—Il a traversé les flammes avec moi dans les bras, et il m'a jetée dehors avant de retourner dans la maison sauver maman.
—Tu as entendu quelque chose ensuite ?
—C'était dur d'entendre parce que le feu faisait beaucoup de bruit. Il y avait des grandes flammes partout dans la maison. J'ai eu très peur.
—Tu as entendu quelque chose une fois que tu étais dehors, ou pas ?
—Je suis allée derrière de la maison où il y avait moins de flammes. Je croyais que papa et maman allaient sortir par la fenêtre de la salle de bain parce qu'il y avait pas encore les flammes là.
—Et qu'as-tu vu ?
—La fenêtre était ouverte et maman allait sortir. Elle criait mon prénom et me disait de partir loin en courant. Mais papa il l'a attrapée pour retourner dans la maison, et il lui a dit : « T'en fais pas, maintenant, on va bientôt être sauvés nous aussi », et puis j'ai plus entendu mes parents parce que les voisins sont venus me récupérer. »
La capitaine Ginevra Monciatti commençait seulement à réellement mesurer l'horreur de ce que cette famille avait pu vivre durant la nuit. Elle se rendait également compte que l'enquête qu'elle devrait mener ne sera pas des plus faciles.
Bien que ce ne fût que l'interrogatoire d'une petite fille d'à peine sept ans, elle sentait déjà qu'il y avait de trop nombreuses incohérences pour que ça ne soit qu'un dramatique accident domestique. Ginevra remercia l'enfant pour ses réponses, puis elle lui demanda si elle avait des questions à lui poser à son tour.
« —Oui, lui répondit l'innocente petite fille. Ils arrivent quand mes parents du coup ? »
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