Chapitre 6 : À la recherche de l'ordinateur
Laura Varet était aide-soignante dans l'EHPAD le plus proche de Jouville, la Résidence des Maronniers. Ewen et Maggie décidèrent de lui rendre une petite visite surprise. Ils présentèrent leurs cartes professionnelles à l'accueil avant d'être emmenés dans la salle du personnel par une petite secrétaire aussi haute que large. Malheureusement pour eux, leur cible n'était pas là.
« —Elle doit sûrement faire les soins d'un résident, s'excusa la petite femme d'une voix nasillarde à la limite du supportable.
—Vous savez quand aura lieu sa prochaine pause ? la questionna Ewen en tentant de dissimuler son agacement.
—Non, aucune idée. Quand elle aura terminé sa tournée, très certainement.
—Et elle l'a commencée quand, sa tournée ?
—Je ne sais pas. »
Après une ultime excuse, la secrétaire aux yeux de fouine et au nez de rongeur retourna à son poste, laissant seuls les deux détectives dans une sorte de cuisine aseptisée. La salle ne resta pas vide longtemps. Un homme de taille moyenne, blond, les yeux couleur chocolat et le corps consciencieusement entretenu par le sport fit son apparition. À la vue des inconnus, il se stoppa net.
« —Euh... commença-t-il. Bonjour. Vous êtes ?
—Bonjour, lui répondit poliment Ewen. Nous sommes Ewen Mercier et Maggie Annisterre, détectives privés. Nous recherchons Laura Varet.
—Je vais vous la chercher. »
À peine avait-il terminé sa phrase qu'il tournait déjà les talons et disparaissait dans les longs couloirs de la résidence. C'est longtemps, très longtemps après, qu'il revint enfin accompagné de la grande brune élancée. Elle ne cherchait pas à cacher sa contrariété d'avoir été dérangée par les détectives sur son lieu de travail.
« —C'est urgent au point de venir ici ? demanda-t-elle directement sans même les saluer.
—Bonjour Madame Varet, l'ignora Ewen, toujours très à cheval sur la politesse et le respect d'autrui. Nous aurions très bien pu attendre ce soir, mais étant donné que chaque seconde nous est précieuse si vous espérez retrouver votre sœur en vie, nous avons préféré cette option. J'imagine que vous nous comprenez aisément.
—Bien sûr, répondit-elle les dents serrées. Mais j'aurais quand même aimé être prévenue avant plutôt que de voir mes collègues mêlés à tout ça. Ma vie privée ne les regarde pas. »
Elle avait prononcé cette dernière phrase en fixant son collègue blond réapparu avec elle et qui était en train de grignoter une pomme, les yeux rivés sur son téléphone. L'air boudeur, il quitta la pièce de mauvaise grâce. Ce n'est qu'à ce moment que Laura proposa aux détectives de s'installer autour de la table aux chaises dépareillées. Elle se servit un café dans un gobelet en carton sans leur en proposer un.
« —Qu'avez-vous oublié de me demander hier soir ? attaqua l'aide-soignante en blouse verte de travail.
—Je pense que vous le savez très bien, lui répondit calmement Ewen sans la lâcher de son regard pénétrant.
—Non, je ne vois pas de quoi vous voulez parler.
—Vous ne souhaitez pas que nous retrouvions votre sœur ? Auriez-vous quelque chose à voir avec ça ? »
Laura reposa vivement son gobelet en serrant les dents. N'importe qui n'étant pas suffisamment observateur aurait pu croire qu'elle venait de se brûler avec son café. Ewen avait visé juste. Lentement, la femme prit une serviette en papier afin de s'essuyer la bouche. Comme si elle cherchait à gagner du temps avant de répondre.
« —Je vous promets que je n'ai jamais voulu vous mettre de bâtons dans les roues, se justifia-t-elle aussitôt à la grande surprise des détectives.
—Pardon ? lâcha spontanément Ewen qui ne s'était pas attendu à une telle réaction de la part de l'aide-soignante.
—Je sais ce que vous êtes venus chercher. Et c'est bien moi qui l'avais.
—Évidemment que c'est vous qui l'avez. Toutes ses affaires étaient restées chez votre mère.
—J'ai dit « Qui l'avais ». Ça veut dire que je ne l'ai plus.
—Comment ça ? »
Le détective était complètement perdu. Il n'arrivait pas à suivre Laura.
« —Vous parlez bien de la pochette avec l'ordinateur ? demanda-t-elle soudain méfiante.
—Oui, répondit Ewen. Nous parlons bien de la même chose.
—Il était effectivement chez ma mère avec le reste des affaires. Coincé avec son sac à main entre les deux meubles.
—Pourquoi ne pas nous l'avoir donné hier avec le reste ?
—Parce que je vous ai donné uniquement ce que j'avais en ma possession.
—Alors où est cette fichue pochette ?!
—C'est Arnaud qui l'a. Depuis le soir de la disparition de Caroline, l'ordinateur est chez lui.
—Vous a-t-il dit pourquoi il le voulait ?
—Sûrement pour les mêmes raisons que vous. Il voulait creuser dans les investigations de sa femme pour tenter de trouver une piste.
—Mais pourquoi ne pas nous l'avoir dit hier ?
—Il m'a fait promettre de garder le secret aussi longtemps que possible.
—Pourquoi ?
—Pour se laisser le temps de fouiller l'appareil de fond en comble. »
Ou pour se laisser le temps d'effacer le moindre indice compromettant, s'énerva franchement le détective intérieurement.
« —Ça n'a aucun sens, râla Ewen. Il nous paie pour retrouver sa femme, mais il veut mener son enquête lui-même.
—Arnaud est un excentrique, rit Laura de manière totalement inadaptée à la situation.
—Et vous, pourquoi ne pas avoir gardé le secret plus longtemps finalement ?
—Parce que ça ne sert plus à rien de vous berner. Vous savez que l'ordinateur était chez ma mère et moi, donc vous savez forcément que je l'ai eu en ma possession et que je suis, à priori, la seule à savoir où il se trouve maintenant. Je ne veux pas passer pour une suspecte, alors je coopère.
—Vous êtes complètement suspecte à nos yeux. »
Laura tiqua. Son regard sombre se noircit davantage.
« —Vous avez terminé maintenant ? cracha-t-elle la mâchoire serrée. Je dois retourner travailler.
—On a terminé, lui confirma Ewen après un rapide coup d'œil à sa collègue qui acquiesça discrètement. »
Toujours sans les saluer, Laura sortit précipitamment de la salle de pause, jetant au passage son gobelet dans la poubelle. Les deux détectives attendirent un peu d'avoir suffisamment entendu ses pas s'éloigner pour se parler :
« —On est d'accord que ses explications son archi bancales ? demanda Ewen à sa collègue. Ou c'est moi qui suis fou ?
—Non, lui répondit Maggie préoccupée. Tu as raison, elle continue à ne pas tout nous dire. Mais nous n'aurions rien pu tirer de plus d'elle pour le moment.
—On va voir le mari maintenant ?
—Oui. Retournons à la voiture. Je vais appeler Djamila pour avoir l'adresse de son lieu de travail à lui aussi. Et j'ai besoin de lui demander quelque chose.
—Quoi ?
—Pas ici. »
Sans prononcer d'autre mot, les détectives retournèrent s'installer dans leur voiture de fonction. Aussitôt, Maggie sortit son portable et lança un appel à destination de Djamila. La détective décrocha presque instantanément, juste le temps de tendre le bras pour attraper son téléphone posé à côté d'elle, imagina Maggie.
« —Allô ? fit la voix propulsée par le haut-parleur du portable de la détective.
—Djamila, c'est nous, Maggie et Ewen.
—C'est pour quoi ?
—On aimerait l'adresse du travail d'Arnaud Palski s'il te plaît. »
Un bruit de pages tournées était parfaitement audible dans la voiture.
« —PubCom, 8 rue du Clos Petit, Jouville. Il est chef de publicité pour cette agence.
—Super, merci.
—Autre chose ?
—J'ai besoin de l'une de vous deux pour une filature. »
Sourire aux lèvres jusqu'aux oreilles, Ewen se retourna vers sa collègue.
« —Je vais demander l'accord à Patron pour envoyer Béthanie. C'est pour qui ?
—Laura Varet, la sœur de la victime. J'ai besoin de vérifier quelque chose.
—Quoi ?
—Si je vous le dis, ce n'est plus drôle. Suivez-la et tenez-nous au courant de ses déplacements.
—Ça va durer combien de temps ?
—Le temps qu'il faudra.
—C'est vague. Bon, je préviens Patron et te tiens au courant.
—Merci. »
Djamila avait déjà raccroché.
« —Excellente idée, s'enthousiasma Ewen.
—Tu as la même hypothèse que moi ? lui demanda malicieusement son amie.
—Je pense. »
Après avoir échangé un sourire complice, ils se mirent en route en direction de l'agence PubCom dont Ewen en avait rentré l'adresse pendant que ses collègues échangeaient au téléphone. Étant donné que ce n'était pas une heure de pointe, la circulation était bonne, ils furent donc garés devant l'agence de publicité en moins d'une quinzaine de minutes.
Entre temps, Djamila avait renvoyé un message à Maggie. Patron acceptait la demande de filature. Béthanie serait envoyée dès le lendemain matin aux trousses de Laura Varet.
Arnaud Palski était là. Il fumait une cigarette avec un collègue, un peu à l'écart. À la vue des détectives, il jeta son mégot encore à moitié consommable, l'écrasa du bout de son pied, et le laissa polluer le sol. Blême, les traits encore plus tirés que la veille, il vint à la rencontre des nouveaux arrivants.
« —Bonjour, commença-t-il. Vous avez trouvé quelque chose ?
—Non, lui répondit Maggie, mais vous oui apparemment.
—Comment ça ?
—Nous venons de rendre visite à votre belle-sœur. »
Le visage de l'homme se ferma.
« —J'ai eu besoin de vérifier quelque chose, dit-il tout simplement d'une voix grave.
—Quoi comme genre de chose ?
—Pendant que Laura fouillait son téléphone, j'ai voulu savoir si... »
Il s'arrêta, coupé par l'émotion. Il eut besoin de ravaler ses larmes avant de poursuivre :
« —Je voulais m'assurer qu'elle n'était pas partie de son plein grès. Avec un autre homme par exemple.
—Vous avez trouvé quelque chose d'intéressant ?
—Rien en rapport avec un possible adultère. Laura non plus n'a rien trouvé en ce sens. Par contre, vous le verrez par vous-mêmes, elle a écrit des choses... étranges. »
Sans en dire plus, Arnaud se dirigea vers une magnifique BMW fraîchement passée aux rouleaux. Lorsqu'il fut suffisamment proche, elle se déverrouilla par elle-même grâce à une clé qui devait se trouver dans l'une des poches de son propriétaire. Alors, il ouvrit le coffre, en sortit une pochette d'ordinateur des plus basiques, et revint vers les détectives pour leur donner son bien.
« —Le voilà, fit-il en leur tendant la mallette qu'Ewen prit. Le mot de passe c'est LolaValentine2014. Les prénoms de nos filles et notre année de rencontre.
-Merci, lui répondit la détective en notant l'information sur son calepin qu'elle promenait toujours avec elle dans son sac à main.
—Vous avez besoin d'autre chose ?
—Oui.
—Je vous écoute.
—Que vous arrêtiez de nous mentir ou nous cacher des choses.
—Je le sais. C'était complètement idiot de ma part. Mais j'ai eu peur de me ridiculiser en vous envoyant chercher ma femme qui était peut-être partie avec un amant. J'ai eu besoin d'en avoir le cœur net.
—Laissez-nous faire notre travail maintenant. »
Sur ces paroles, les détectives retournèrent aux bureaux afin de découvrir quels secrets pouvait bien renfermer cet ordinateur.
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