Chapitre 5 : La collègue de Raphaël
Le lendemain matin, Maggie se sentait déjà plus reposée. Malgré lui, Alex était redevenu distant, bien qu'il essayait de ne pas trop faire subir sa frustration à sa petite-amie. Il avait espéré qu'elle finisse par accepter au terme de leur conversation, mais elle le laissait toujours autant dans un inconfortable flou.
L'ambiance au petit déjeuner était plutôt tendue. Les quelques sourires qu'Alex adressait à sa compagne se voulaient rassurants, mais son air crispé induisait tout l'inverse. Rapidement, Maggie sentait la boule d'angoisse reprendre possession de son corps.
Et s'il décidait de finalement me quitter ? s'inquiétait la jeune femme en avalant un quartier de clémentine. C'est le cœur toujours aussi lourd que Maggie rejoignit ses collègues dans leur agence.
« —Ça a pas l'air d'aller mieux, remarqua Ewen une fois qu'ils furent installés sur leurs sièges respectifs dans l'open-space.
—Je pensais que ça s'apaiserait, lui répondit sa collègue, parce qu'on a pu parler. Mais quand je lui ai demandé de me laisser encore un peu de temps de réflexion, il s'est à nouveau renfermé. Il essaie de me faire croire que tout va bien, sans succès...
—Qu'est-ce qui se passe ? demanda Béthanie tracassée. »
Maggie prit une grande inspiration avant de prononcer une nouvelle fois la phrase qui lui arrachait l'âme dès qu'elle devait la dire :
« —Alex veut un bébé. »
Instantanément, Béthanie sourit.
« —Et tu as peur, c'est ça ? demanda-t-elle avec douceur.
—Oui, acquiesça Maggie le regard bas de honte, j'ai terriblement peur.
—Je te comprends. À ta place, j'aurais peur aussi. Ça doit être impressionnant de s'occuper d'un petit être humain complètement dépendant de soi et dont l'avenir dépend en grande partie de l'éducation qu'on lui apporte. Surtout quand on n'a pas eu ses propres parents auprès de soi, mais toute une flopée d'éducateurs ou d'assistants familiaux. Quand je vois à quel point les enfants que ma mère accueille peuvent être détruits, je ne peux que te comprendre.
—Sans parler de la perte de liberté que ça représente, ajouta Djamila à la surprise générale. Honnêtement, je me sens encore trop indépendante pour avoir la patience de fusionner avec un petit machin qui te demande un temps et une énergie démesurés.
—Peut-être qu'il te faudra enfin trouver un mec avant aussi, pouffa Ewen. »
Djamila attrapa une gomme qui se trouvait à portée de main sur son bureau et l'envoya en direction de son collègue. En plein sur le coin de la tête.
« —Aïeuh !
—Tu as raison de ne pas te précipiter à lui répondre, reprit Béthanie en ignorant les chamailleries des deux amis. Il t'a posé un ultimatum ?
—Non, lui répondit Maggie. Il m'a dit qu'il pourrait accepter mon refus. Mais honnêtement, j'en doute. Ça a l'air de tellement lui tenir à cœur...
—Ça va s'arranger, ça finit toujours par s'arranger.
—En revanche, lança Djamila, ça ne s'arrangera pas du tout pour Caroline Palski si on continue à papoter. Désolée de ne pas te soutenir davantage Maggie, mais on n'est pas payés pour faire ta psychothérapie.
—Oui, approuva la concernée en reprenant confiance en elle, tu as raison. Je pensais qu'on pourrait aller voir Raphaël s'il est dispo. C'est sa collègue.
—Excellente idée, encouragea Béthanie. Vous n'avez qu'à y aller, Ewen et toi. Pendant ce temps-là, Djamila et moi, on continue ce qu'on a commencé hier. »
Une fois qu'ils se furent mis d'accord, Maggie se saisit de son portable pour envoyer un sms à leur collègue journaliste. À peine le message fut-il distribué qu'il était déjà lu et qu'une réponse revenait. Raphaël était disponible.
Reprenant la voiture de fonction qu'ils avaient l'habitude de conduire, Ewen au volant, les deux détectives se retrouvèrent en un rien de temps devant les locaux du journal local de Jouville. Le bureau de Raphaël se trouvait toujours dans le même cagibi, le plus loin possible de son rédacteur en chef qui ne le portait pas dans son cœur.
Heureux de retrouver ses deux collègues, il se dépêcha de pousser le bazar qui encombrait les chaises destinées à recevoir des visiteurs, et installa confortablement les détectives face à lui. Raphaël travaillait au journal local, mais sous les ordres de Patron. C'était leur fouine.
« —Alors comme ça, fit-il tout excité à l'idée de travailler avec eux sur une nouvelle enquête, c'est vous qui êtes chargés de retrouver Caro ?
—Oui, lui répondit Ewen. On nous a appelés hier après-midi.
—Wow, c'était pas trop dur après la fête de samedi soir ? En tout cas, chapeau Maggie, c'était très réussi. »
Maggie sourit sincèrement de plaisir.
« —Bon, recadra Ewen avec sérieux, du coup, tu connais Caroline Palski ?
—Bien sûr, c'est ma collègue. Elle bosse dans le bureau juste à côté. Devrèche ne l'aime pas trop non plus.
—Pourquoi ?
—Parce qu'elle a un blog perso, et qui fonctionne bien en plus.
—Elle y met en avant les marginaux, c'est ça ?
—Ouep. Vous êtes allés y jeter un œil ?
—Non, pas encore. Tu as une idée de ce qui a pu lui arriver ?
—Absolument pas. Pour moi, Caro c'est une tranquille mère de famille qui ne pose aucun problème à personne. En plus, le travail d'investigation qu'elle mène en ce moment sur son blog, ça ne concerne qu'une communauté qui vit recluse à quelques kilomètres d'ici en essayant de s'auto-suffire grâce à un style de vie très simple. Un peu comme les Amish aux États-Unis.
—Et ici ?
—Elle écrit la rubrique sexo du journal et les annonces matrimoniales.
—Rien de particulier ces derniers temps ?
—Non, rien d'incroyable. »
Silence. Tous étaient perplexes.
« —Et comme collègue, elle était comment ? reprit Ewen.
—Super sympa ! J'adore travailler avec elle. Pleine d'énergie, toujours à te dépanner si tu te retrouves dans les emmerdes, beaucoup de volonté, et un fort caractère qu'elle utilise à bon escient.
—Elle s'était mis du monde à dos dans votre équipe ?
—À part Devrèche qui a du mal à supporter qu'un blog indépendant fasse presque autant de vues que son journal fait de ventes, je ne vois pas.
—C'est à ce point ?
—Les journaux papiers ne se vendent presque plus. On gagne plus grâce aux abonnements en ligne et aux personnes qui paient pour publier leurs annonces, que grâce à la vente physique. Et le blog de Caro cartonne, surtout depuis l'affaire Black Bird qui l'a propulsée sur le devant la scène. Son interview de Pierre Chevez post-enquête était incroyable.
—Tu penses qu'elle aurait pu partir d'elle-même ? »
Raphaël prit le temps de réfléchir avant de répondre.
« —Non, finit-il par dire. Je ne pense pas.
—Tu as l'air hésitant, remarqua Ewen.
—En fait, elle n'est pas heureuse dans sa vie personnelle. Son mari lui met des bâtons dans les roues car il ne supporte pas qu'elle puisse avoir une meilleure carrière que lui. Sa mère souffre d'Alzheimer, c'est un énorme tracas pour elle, une grosse responsabilité, et une tristesse infinie. Mais elle n'aurait jamais quitté ses filles. Elle les aimait trop. »
Le cœur de Maggie se serra. Ces deux petites filles qui devaient être mortes d'inquiétude en attendant le retour de leur mère, sans que personne ne puisse les rassurer à ce sujet.
« —Et si Devrèche devait lui avoir fait quelque chose, poursuivit Ewen, tu penses que ce serait quoi ?
—C'est une couille molle Devrèche, rit tout bas le journaliste. Il ne ferait rien à personne. En plus, il a passé la journée de vendredi ici.
—À propos de la journée de vendredi, tu connais l'emploi du temps de ta collègue ce jour-ci ?
—Je me suis repassé le film de cette journée en boucle dans ma tête depuis qu'on m'a dit qu'elle n'était pas rentrée chez elle le soir.
—Et donc ?
—Le matin, elle travaillait bien ici. Elle a reçu un vieil homme qui venait déposer une annonce matrimoniale pour trouver une femme qui voudrait bien partager la fin de sa vie de fermier. Ensuite, elle est allée manger chez sa mère, c'est là où elle aurait disparu. Après, elle aurait normalement dû rester travailler chez elle. Elle avait emporté son PC portable et tout le reste pour avancer sur son enquête perso. Vous savez, les sortes d'Amish dont je vous parlais tout à l'heure. Et le soir, elle devait repasser ici pour boucler et envoyer ses articles. »
Ewen et Maggie se lancèrent un regard entendu. Ils avaient pointé exactement la même incohérence.
« —Quoi ? demanda Raphaël qui ne comprenait pas ce que signifiait ce regard échangé.
—Tu dis que Caroline est allée manger chez sa mère avec ses affaires de travail ?
—Oui. Pourquoi ?
—Parce qu'on nous a remis son portable, son sac à main et sa veste qui étaient restés là-bas, mais pas d'ordinateur portable ou toute autre chose en lien avec le journalisme.
—Tiens ? Elle serait partie avec ça, mais pas son téléphone ?
—Ou alors, lâcha Maggie, un membre de sa famille ne nous dit pas tout. »
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