Chapitre 23 : L'installation au Village
*TOC TOC*
Maggie se réveilla d'un bond.
« —Oui ? fit-elle paniquée.
—Je crois que tu as oublié de mettre ton réveil, répondit la voix étouffée de Baptiste derrière la porte.
—Merde ! »
En un temps record, Maggie se propulsa en direction de la salle de bain pour se préparer. C'est tout aussi rapidement qu'elle en ressortit, toute pimpante, et trousse de toilette à la main afin de sceller sa valise.
« —Tu ne déjeunes pas ? demanda Baptiste, une tranche de brioche grillée à moitié dévorée dans la main.
—Non, lui répondit la jeune femme en nettoyant le plan de travail de la cuisine qui était déjà dans un état nickel, je n'ai pas faim.
—C'est quand même magique le maquillage. On ne voit même plus que tu as pleuré. »
Maggie se figea, éponge à la main.
« —Tu m'as entendue ? J'ai fait du bruit ?
—Pas du tout. Par contre, j'ai quand même eu le temps d'apercevoir ta tête toute bouffie quand tu es sortie de ta chambre ce matin.
—C'est Alex.
—Je me doute. »
Maggie n'ajouta rien de plus. C'était déjà suffisamment douloureux comme ça.
« —C'est l'heure, l'informa Baptiste tandis qu'il enfilait son bombers. »
La jeune femme rinça son éponge qu'elle reposa ensuite sur le coin de l'évier, puis elle alla enfiler sa veste à son tour. Les deux complices se saisirent de leurs sacs et valises, et ils allèrent charger leur voiture de fonction prêtée par Patron. Le silence qui s'était installé entre eux était pesant, mais nécessaire.
« —Prête ? demanda simplement Baptiste.
—Oui, lui répondit la jeune femme avec une détermination à toute épreuve. »
Alors qu'ils roulaient en direction de l'adresse indiquée sur le flyer que leur avait laissé Sonia la veille, Baptiste se mit à manipuler simultanément le tableau de bord et son portable. Soudain, une mélodie résonna dans l'habitacle. Les haut-parleurs de la voiture se mirent à jouer Femme like U de K.Maro.
À la grande surprise de Maggie, Baptiste se mit à chanter chaque parole avec une parfaite maîtrise. Il doublait aussi bien les voix de Cyril Kamar que de Nancy Martinez. Emportée par l'allégresse de son compère, la jeune femme le rejoignit, offrant ainsi un duo du tonnerre :
« —Donne-moi ton cœur, baby, ton corps, baby, donne-moi ton bon vieux funk, ton rock baby, ta soul, baby, chante avec moi, je veux une femme like you, pour m'emmener au bout du monde, une femme like you, hey.
—Donne-moi ton cœur, baby, ton corps, baby, donne-moi ton bon vieux funk, ton rock, baby, ta soul, baby, chante avec moi, je veux un homme like you, bad boy tu sais qu'tu m'plais, un homme like you, hey. »
D'autres tubes issus d'un autre temps furent diffusés et massacrés à pleins poumons. Lorsqu'ils arrivèrent aux abords du village censé les accueillir, ils baissèrent le volume et se turent à contrecœur. Tous deux auraient aimé prolonger encore un peu ce moment léger, loin de leurs soucis.
La voiture s'engagea dans une allée de gravillons qui crissèrent sous les pneus. Ils roulèrent encore quelques minutes le long de barrières en bois avant d'atteindre un minuscule parking en terre où ne pouvaient tenir que trois voitures maximum.
« —J'ai bien l'impression qu'on va devoir terminer à pieds, fit Maggie en coupant le contact et en scrutant les alentours. »
Les deux complices sortirent de la voiture mais, ne pouvant estimer la distance qu'il leur resterait à parcourir, ne déchargèrent pas leurs encombrants bagages. Ils s'engagèrent ensuite sur un petit chemin sablonneux, seule issue de ce parking.
Maggie et Baptiste pénétrèrent ensuite dans un bosquet où chantaient des oiseaux qu'ils étaient incapables d'identifier. Le chemin poursuivait sa route à travers les arbres aux magnifiques feuillages d'été, jusqu'à atteindre une clairière où se dressait un bâtiment semblable à celui qui les avait accueillis quelques jours plus tôt, au départ de leur séjour avec la secte.
Le faux couple pénétra dans le bâtiment et se retrouva dans un vaste salon à l'ambiance réconfortante, chauffé par les rayons du soleil qui traversaient paisiblement les vitres parfaitement lavées. Un carillon suspendu au-dessus de la porte d'entrée avertit de leur arrivée. Sans grande surprise, Sonia fit son apparition dans la pièce par une ouverture située à l'arrière.
« —Booonjour ! chantonna-t-elle avec un sourire éclatant. Je n'ai jamais été aussiii heureuse de vous voiiir ! Et pourtant, chacune de nooos rencontres est un réel plaisiiir pour moi ! »
Maggie et Baptiste lui rendirent son salut et feignirent de partager sa joie.
« —J'imagine que vos bagages sont encore dans votre voiture ? demanda Sonia qui avait retrouvé son sérieux. Vous avez bien fait ! Nous allons venir vous aider. Mais d'abord, je pense que vous avez hâte de découvrir votre nouvelle demeure ? »
Le faux couple acquiesça, alors Sonia leur fit signe de la suivre. La guide les entraîna à sa suite dans la porte par laquelle elle était entrée, débouchant dans un couloir qu'ils longèrent jusqu'à atteindre une autre porte tout au bout. Cette fois, ils se trouvèrent à nouveau dehors.
Le chemin sablonneux s'enfonçait une nouvelle fois dans le bosquet avant de reparaître à l'extrême opposé. Passé l'éblouissement du soleil de juillet qui les aveugla quelques secondes à la sortie des bois ombragés, Maggie et Baptiste restèrent bouche bée par le paysage qui s'offrait à eux.
Une véritable petite ville se tenait sagement devant leurs yeux. Les rues étaient trop étroites pour laisser passer une voiture, mais elles étaient suffisamment larges pour que des groupes de trois personnes puissent se déplacer sans en laisser une à l'arrière.
Les maisons avaient une allure plutôt moderne et étaient parfaitement alignées dans un souci d'économie de place afin de ne pas empiéter sur les champs qui entouraient le village. Des gens à l'air heureux se déplaçaient avec légèreté, certains transportant des brouettes pleines d'outils ou de récoltes.
« —Pas mal hein ? fit Sonia non sans une pointe de fierté.
—Carrément ! répondit spontanément Baptiste, réellement charmé par le calme de l'endroit.
—Bienvenue au Village ! C'est tout simplement le nom que nous lui donnons. Les membres des paliers 4 et 5 vivent ici. Comme je vous l'ai expliqué hier soir, notre société s'élève en grades. Nous avons déjà essayé d'abolir ce mode de fonctionnement, mais force est de constater que l'humain a besoin d'être hiérarchisé.
« Les nouveaux arrivants, comme vous, appartiennent au palier 5. Pour atteindre le numéro 4, l'ancienneté suffit. Il faut environ un an, plus ou moins en fonction de l'aisance avec laquelle vous vous serez intégré. Pour ce qui est des autres paliers, nous aurons tout notre temps pour en parler. Ce serait quand même dommage de tout vous dévoiler maintenant. »
Après un clin d'œil complice, Sonia les emmena à travers les ruelles. Ils passèrent devant plusieurs maisons, toutes entourées de jardins parfaitement entretenus. Il sembla à Maggie qu'ils longeaient aussi ce qui ressemblait à des magasins et autres bâtiments publics.
Ils arrivèrent finalement au bout du Village où s'érigeaient les dernières habitations avant de laisser apparaître un chantier, sans doute pour prévoir l'arrivée de futurs habitants. Sonia s'arrêta devant une petite maison de plain-pied au jardin fleuri.
« —Et voilà votre petit niiid d'amooour ! »
La guide ouvrit la porte qui ne possédait pas de serrure. Les trois individus entrèrent et se trouvèrent directement dans la pièce à vivre, meublée simplement, avec une volonté de chercher l'épuration à tout prix. Sonia leur fit faire le tour de l'habitation, ne manquant pas d'expliquer comment fonctionnait tel ou tel électroménager.
Ainsi, la demeure était composée d'une pièce à vivre, de deux chambres, dont l'une était aménagée en un joli bureau, d'une salle de bain, de toilettes sèches, et d'une buanderie. C'était d'une simplicité efficace.
« —Et vous savez ce qui est le plus génial dans tout ça ? s'enthousiasma Sonia qui en oublia de chanter. »
Maggie et Baptiste hochèrent négativement la tête, attendant d'être surpris par les révélations de leur guide.
« —C'est une maison en carton ! lâcha-t-elle. »
Pirouette, cacahuète, songea Maggie qui eut beaucoup de mal à réprimer un fou-rire peut-être un peu nerveux.
« —Mais ne vous en faites pas, poursuivit Sonia, c'est fait exprès pour construire les bâtiments. Et tout est ignifugé. Je ne maîtrise pas assez pour vous expliquer tous les procédés de création, en revanche, je peux vous assurer qu'il s'agit de carton recyclé. C'est fabriqué chez nos voisins bretons. C'est beaucoup plus éco-responsable que les autres constructions actuelles. Et on n'y voit que du feu ! »
Sonia marqua une pause pour observer les visages ravis du faux couple.
« —Bon ! reprit-elle. On va chercher vos bagages ? Combien pensez-vous qu'il est nécessaire que nous soyons pour n'avoir à faire qu'un seul voyage ?
—Nous trois devrons suffire, lui répondit Baptiste après un court temps de réflexion.
—Vous déménagez léger !
—Sans meubles, ça se réduit vite. »
Sonia partit dans un grand rire aussi aigu que bruyant. Une fois qu'elle fut calmée, le petit groupe fit le chemin à l'envers pour revenir jusqu'à la voiture prendre leurs sacs et valises, puis ils retournèrent dans la maison qu'ils venaient de quitter.
« —Que va devenir notre voiture ? demanda Maggie sincèrement préoccupée.
—Vous faites très bien de me le demander, lui répondit Sonia. Donnez-moi vos clés s'il vous plaît. Comme vous avez certainement pu le constater, nous n'en utilisons pas ici. Je vais donc charger quelqu'un de l'emmener ailleurs. La marche à pieds, il n'y a rien de meilleur pour la forme. Avez-vous des questions ? »
Après s'être jeté un regard entendu, Maggie et Baptiste lui répondirent qu'ils n'avaient rien à lui demander.
« —Suuuper ! Pour aujourd'hui, vous avez tout ce qu'il vous faut dans les placards. J'imagine que vous aurez plus envie de vous installer tranquillement que de vous promener dans le Village. »
Il s'agissait davantage d'un ordre que d'une question.
« —Ce soir, continua Sonia, je reviendrai vous chercher et nous irons célébrer votre arrivée dans la salle communale. Ce sera une fête exceptionnelle. Il est très rare que trois personnes nous rejoignent simultanément. »
Trois personnes ? se questionnèrent silencieusement Maggie et Baptiste.
« —À ce soiiir les amoureuuux ! »
Sur ces mots, Sonia quitta la maison de son pas joyeux.
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