Chapitre 1 : Une enquête sans cadavre
Maggie tenait fermement le bras d'Alex. Visiblement, il ne s'était encore rendu compte de rien. Elle était fébrile. Elle avait perçu du mouvement derrière l'une de ses fenêtres, dans sa maison normalement vide et plongée dans le noir. Elle tenta malgré tout de ne rien laisser paraître.
Tout guilleret, Alex continuait de raconter sa journée de travail à sa petite-amie. Aujourd'hui, il avait enseigné au lycée, et tout s'était très bien passé à chaque heure de cours. Passionné par son métier depuis toujours, il savait rendre l'économie et les sciences sociales intéressantes.
L'écoutant d'une oreille, Maggie restait toutefois aux aguets. Aucune voiture étrangère en vue. Seule la sienne qu'ils venaient de quitter, celle d'Alex qui était garée dans leur allée, et celles de leurs voisins se trouvaient dans la rue. Rien d'anormal à signaler.
Le couple s'approcha de leur porte d'entrée. Pendant que Maggie cherchait son trousseau de clés dans son sac à main, Alex avait déjà sorti le sien de sa poche et il commençait à déverrouiller. Le souffle court, Maggie le regarda faire. Il tourna la clé dans la serrure, appuya sur la clenche, poussa la porte, alluma la lumière, et...
« SURPRIIISE ! »
Alex ne s'y était pas attendu une seule seconde. Il était comblé de bonheur. Tous ceux qu'il aimait et qui l'aimaient étaient présents. Rassurée que l'effet de surprise ait fonctionné, Maggie poussa un soupir de soulagement.
« —Joyeux anniversaire, murmura la jeune femme à l'oreille de son compagnon. »
Le nouveau quadragénaire se retourna, souleva Maggie dans ses bras, et l'embrassa délicatement sous les regards attendris de leurs invités. Lorsqu'il la reposa, pudique, elle avait les joues roses d'émotion. Ils allèrent ensuite saluer un à un les convives qui n'attendaient qu'une chose : que la fête commence !
***
Au lendemain de la fête d'anniversaire d'Alex, une fois que les derniers invités de la soirée qui étaient restés dormir afin de ne pas repartir alcoolisés les avaient quittés, les deux amoureux se retrouvèrent seuls dans leur salle de bain. Pendant que Maggie prenait une longue douche brûlante revigorante après une minuscule nuit, Alex essayait de reprendre la main sur sa gueule de bois, et se fixait dans le miroir pour se donner du courage.
Le professeur se passa la main dans ses cheveux ondulés, puis sur sa barbe naissante et clairsemée. Sa mère était originaire du sud de la France et son père, absent de sa vie, venait de Bulgarie. Ainsi, il avait hérité d'une peau au teint hâlé, d'yeux sombres et pénétrants, et d'une pilosité faible mais profondément noire.
Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, Alex faisait le constat que, inexorablement, il vieillissait. De légères pattes d'oies s'installaient sur les côtés de ses yeux dont les cernes s'agrandissaient d'année en année. Sa chevelure ébène était troublée par l'apparition éparse de plus en plus de cheveux gris et blancs, de même pour sa barbe peu fournie qu'il avait du mal à faire pousser, et dont il avait abandonné l'idée depuis longtemps de la faire devenir uniforme.
« —Alors ça y est, maintenant que ta quarantaine est officialisée, tu vas entrer dans la fameuse crise existentielle de cet âge ingrat ? blagua gentiment Maggie en sortant de la douche accompagnée d'un nuage de vapeur.
—C'est ça, lui répondit-il en riant jaune, moque-toi. Profite, ça passe vite. On devient un vieux con avant d'avoir eu le temps de dire ouf. »
La buée venant s'installer sur le miroir, Alex s'en détacha pour se laver les dents.
« —Au moins, poursuivit-t-il en garnissant généreusement sa brosse à dents de dentifrice, grâce à ton ablution des enfers, je ne me vois plus vieillir.
—Qu'est-ce qu'il se passe en ce moment ? lui demanda Maggie, ignorant la moquerie, plus préoccupée par l'apparent mal-être de son compagnon qui durait depuis plusieurs jours déjà. »
Alex ne répondit pas aussitôt. Après avoir mouillé sa brosse à dents, il l'enfourna dans sa bouche et commença à brosser, évitant soigneusement de croiser le regard de la détective.
« —Tu sais que ça doit faire à peu près cinq minutes que tu frottes, lui fit remarquer Maggie perplexe. Tu attends de mourir étouffé par ta mousse pour arrêter ? »
Alex cracha dans le lavabo avant de tout rincer. Une fois que ce fût chose faite, il s'appuya, bras tendus, contre le meuble supportant les deux vasques. Doucement, Maggie, se rapprocha de lui et alla se blottir comme elle le pouvait contre son dos.
« —Qu'est-ce qu'il y a, Alex ?
—J'aimerais avoir un enfant. »
D'un geste réflexe qu'elle regretta instantanément, Maggie se recula d'un pas. Elle n'eut pas le temps de répondre quoi que ce soit que son portable sonna sur le bord du meuble. D'un coup d'œil, ils virent tous les deux que l'appel provenait de Patron.
« —C'est bon, lâcha Alex, j'ai compris. »
Sur ces mots qui firent l'effet d'un uppercut en plein dans l'estomac de Maggie, il sortit de la salle de bain sans se retourner. Le temps de reprendre ses esprits, elle avait raté l'appel, mais Patron réessaya aussitôt, signe qu'il s'agissait d'une urgence qui n'attend pas.
« —Allô ? bredouilla Maggie en décrochant dès la première sonnerie.
—Désolé de te déranger un dimanche, fit la voix de Patron dans l'appareil, qui plus est, un lendemain de fête, mais nous avons une urgence qui vient de nous tomber dessus. En combien de temps penses-tu pouvoir être là ?
—Euh... Vingt minutes, c'est bon ?
—Oui. Ça va Maggie ?
—Oui, oui. Tout va bien.
—Je te veux à 200% de ta forme au bureau dans vingt minutes. »
Et il raccrocha.
La détective termina de s'habiller en vitesse, étala rapidement un coup de mascara sur ses cils, et se brossa les dents avec le plus d'application possible, puis elle alla dans sa salle encore encombrée de leur fête de la veille. Alex était en train de ranger, silencieux.
« —Patron a besoin de moi, commença maladroitement Maggie. Je dois y aller.
—Je m'en doute, lui répondit froidement le professeur.
—Je suis vraiment désolée. Je reviens dès que possible. »
Il ne lui répondit pas. Elle allait s'approcher de lui afin de l'embrasser avant de partir, mais elle se ravisa au dernier moment, ne voulant pas affronter un rejet, et elle sortit de la maison sans un mot de plus.
***
Exactement dix-huit minutes après qu'elle eut raccroché son téléphone, Maggie se trouvait dans les bureaux de leur agence de détectives privés. Morgane Liet, l'assistante de Patron, était fidèlement assise derrière son ordinateur. Elle salua poliment la nouvelle arrivée avant de se replonger dans ce qu'elle était en train de taper.
Djamila et Béthanie étaient déjà là elles aussi. Maggie les salua. Invitées la veille à la fête d'anniversaire, elles n'avaient pas meilleure mine que leur collègue.
« —Je ne sais pas encore si je dois détester Alex ou Patron, bâilla Djamila.
—Personne ne t'a obligée à rester aussi tard, lui renvoya sèchement Maggie. »
Décontenancées par la réponse de leur collègue qui avait plutôt l'habitude de rester diplomate, Béthanie et Djamila la regardèrent avec étonnement.
« —Ça va Maggie ? lui demanda doucement Béthanie en se rapprochant d'elle. Il y a eu un problème hier ?
—Non, lui répondit la concernée, rien. »
Maggie se laissa tomber dans son siège. Béthanie n'insista pas. Sa collègue ne voulait pas en parler, elle respectait son souhait.
« —Oh putain le mauvais plan, fit Ewen en entrant dans l'open-space tout en s'étirant. Si j'avais su que Patron oserait nous appeler aujourd'hui, j'aurais pris quelques verres de moins.
—Bonjour Ewen, le salua banalement Morgane.
—Salut les filles ! Franchement, je ne sais pas quel genre d'urgence ça peut bien être, mais nous faire venir un dimanche, alors qu'en plus il savait très bien qu'on fêtait l'anniversaire d'Alex hier soir, Patron a plutôt intérêt à avoir une solide justification.
—Venez tout de suite dans mon bureau et vous saurez, fit sévèrement la voix de Patron à l'autre bout du couloir. »
Tout penaud, Ewen s'y dirigea, suivi de ses collègues qui n'arrivaient pas à arrêter de rire, sauf Maggie, dont la maladresse de son ami ne réussit même pas à lui décrocher un sourire. Dans le bureau de Patron se trouvait le lieutenant Ludivine Messant, l'air grave. Habitués, les détectives ne cherchèrent pas à s'asseoir car il n'y avait jamais le nombre de chaises suffisant.
« —Merci d'être venus ici aussi prestement, commença Patron. J'aurais préféré des détectives reposés, mais je ne peux pas vous empêcher d'avoir une vie en-dehors du travail. Si j'ai exigé votre présence aussi rapidement, c'est que, pour la nouvelle enquête qui vient de nous être confiée, nous ne pouvons nous permettre de perdre une seule seconde. Ludivine, je te laisse faire l'état des choses à mes détectives.
—Nous avons reçu, ce matin, au commissariat, une dame qui avait l'air d'être complètement perdue, attaqua directement le lieutenant Messant. Elle était accompagnée de sa fille. Toutes deux avaient déjà appelé vendredi soir et hier. La fille aînée de la famille est portée disparue. Nous n'avons pas assez d'éléments allant dans le sens d'une ouverture d'enquête pour disparition inquiétante. C'est pourquoi nous leur avons proposé vos services.
—Comme vous l'aurez compris, reprit Patron, vous allez devoir retrouver madame Palski Caroline, si possible vivante. Et, plus le temps passe, plus les probabilités qu'elle soit saine et sauve s'amenuisent. Morgane est en train de récupérer le maximum d'informations préliminaires pour votre enquête. Je vous conseille de commencer par le mari de madame Palski qui attend en bas, dans notre salle de réunion. »
Sans se le faire dire deux fois, les détectives quittèrent le bureau de Patron pour se rendre dans leur open-space.
« —Ewen et Maggie, interpella Béthanie qui avait l'habitude de prendre les choses en main, vous vous chargez des interrogatoires ? »
Les deux individus acquiescèrent.
« —Djamila, poursuivit Béthanie, tu restes ici avec Morgane pour nous faire un dossier béton ? »
Validation de la détective concernée.
« —Et moi, je vais au commissariat avec le lieutenant pour voir ce qu'ils ont là-bas. »
Maintenant que les rôles étaient distribués, l'enquête pouvait officiellement commencer.
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