Enfermé dans un cocon de couvertures, Felix pensait. Depuis qu'il était enfant, le roux s'était créé un monde dans lequel il s'évadait à chaque fois que l'occasion se présentait. Il pensait à Christopher, à sa famille qu'il n'avait pas vu depuis si longtemps, à son cercle d'amis proches, à Hun, à son équipe. À tous ces gens qui l'entouraient et l'aimaient. Imaginer leurs visages diffusait une douce chaleur dans la poitrine du mannequin. Il était si chanceux de les avoir.

Parfois, souvent, l'Australie lui manquait. Son pays, avec ses plages immenses et son désert, était ce qui lui avait permis de se rapprocher de son colocataire. Leurs longues discussions en anglais sur la nourriture locale ou sur les différences de leurs écoles lui manquaient. Il aimait l'accent australien, surtout dans la bouche de Chris. Il aimait les étoiles visibles en Australie, surtout dans les yeux de Chris.

Il pouffa et si son colocataire avait été là, il l'aurait probablement regardé en coin, les yeux pleins de tendresse fraternelle, puis, lui aurait dit d'aller se coucher, qu'il était tard, trop tard pour un jeune comme lui.

Felix commençait à détester la nuit. Les souvenirs de veillées remplies de blagues et d'histoires effrayantes avaient été remplacés par des nuits longues, fatigantes, durant lesquelles même son téléphone ne parvenait plus à le distraire. Surtout qu'il était bien réveillé, comme en pleine journée, et avait envie de sortir faire un tour. Mais il s'était toujours méfié de Séoul la nuit. Il avait beau savoir qu'il était protégé, remercions les caméras de sécurité, ses parents lui avaient toujours dit que sortir la nuit était dangereux et son subconscient leur donnait raison. Felix ne sortirait donc pas. Mais rien ne l'empêchait de se dégourdir les jambes dans son appartement. Et tant pis pour les voisins du dessous qui entendaient ses pas. 

Il commença donc sa ronde avec sa chambre, désordonnée mais si confortable, imprégnée de son identité. Puis il passa à la chambre de Chris, le bureau encombré d'ébauches de graphismes sur lesquelles il devrait pencher à son retour. Felix aimait beaucoup la chambre de Chan, c'était l'endroit dans lequel il se réfugiait lorsque ses insomnies le frappaient, habituellement. Puis, il arriva au salon. Le salon avec son canapé qui avait vu les bons comme les mauvais moments, le salon avec sa table basse souvent encombrée de verres ou de vaisselle. Le salon avec son miroir élancé et froid, aux dorures passées et à la vitre fatiguée d'avoir reflété tant d'âmes. Le miroir que Chan n'avait jamais aimé, que Felix avait toujours chéri, dernier souvenir de son défunt grand-père. Le miroir dont Felix était maintenant un peu effrayé. Le miroir dont le mannequin s'approchait. 

Un rayon lunaire vint éclairer la pièce, permettant à Felix d'observer son reflet. Il l'observa un instant et ses yeux se fermèrent d'eux-mêmes, résignés. Le visage du miroir n'était toujours pas le sien. Christopher. Encore et toujours Christopher. Felix commençait à croire qu'il s'agissait d'un canular. Que quelqu'un avait placé un énorme autocollant sur le miroir pour l'effrayer. Tout prenait place maintenant, voilà pourquoi l'image de Chan se contentait de l'observer avec un air de poisson mort. Il passa rapidement en revue le visage de ses amis proches avant de conclure qu'il pouvait s'agir de n'importe lequel d'entre eux, les connaissant. Il devrait emmener le miroir chez un miroitier dès le lendemain.