5 _Se marier et avoir beaucoup d'enfants!
Eliott pivote vers la porte et s'y avance automatiquement, un énorme sourire aux lèvres. Qui m'apprêté-je à rencontrer? Cette fameuse Lexie titille ma curiosité, me forçant presque à me retourner instantanément. Très honnêtement, je m'étais quasiment persuadée qu'il s'agissait de sa petite amie. Grave erreur de ma part... Une petite fille aux cheveux blonds et aux grands yeux bleus pose son sac à dos par terre avant de sauter dans les bras d'Eliott. Ce dernier la réceptionne sans problème avant de la soulever dans ses bras, comme s'il en avait l'habitude.
— Salut ma grande, ça a été l'école ce matin ?
— C'est qui la madame ? questionne-t-elle, passant outre son interrogation.
Eliott relève la tête vers moi, comme s'il ne savait pas vraiment quoi lui répondre. Par conséquent, je décide de lui venir en aide en m'approchant de cette fillette. Lui offrant un sourire, je me penche vers elle.
— Je m'appelle Auxanne, je suis une amie d'Eliott, expliqué-je.
Ne sachant pas si je me suis qualifiée comme il l'entendait, je tente un regard timide vers lui. Il hoche légèrement la tête pour me montrer qu'il n'y a pas de problème. Il la repose par terre avant d'aller saluer l'homme qui a apporté Lexie ici. À vrai dire, je ne l'avais même pas remarqué...
Je me retrouve donc seule avec elle, dans la cuisine. L'enfant croise les bras, comme si elle ne me croyait pas une seule seconde. Les sourcils froncés, elle m'observe tandis que je m'agenouille à sa hauteur. C'est fou comme elle ressemble à Eliott. Je mettrai ma main à couper qu'il s'agit de sa fille.
— Eliott a une amie ? s'enquiert-elle finalement.
— Il faut croire que oui. Pourquoi cela a l'air de t'étonner autant ? m'amusé-je.
Elle pointe un doigt sur moi, comme si elle cherchait à me faire peur.
— Parce qu'Eliott n'amène jamais d'ami ici. Sauf Amaury.
Je m'étais déjà rendue compte que cet homme se montrait plus que solitaire mais, pas à ce point-là. C'est fou comment la langue des enfants se délie et permet d'apprendre bien des choses.
La petite m'observe toujours, intriguée. Les cheveux rassemblés dans une tresse maladroite et vêtue d'une petite robe en laine ainsi que d'un collant épais, je la trouve adorable. Soit Eliott l'a coiffée ce matin, soit ses amies s'en sont chargées à la récréation. Ses grands yeux me détaillent intensément, comme si elle n'avait peur de rien.
— Tu es jolie, affirme-t-elle soudainement.
Surprise, je mets quelques instants avant de lui répondre.
— C'est gentil. Toi aussi, souris-je.
— Eliott va tomber amoureux de toi, j'en suis sûre, certifie-t-elle.
Comment expliquer à cette petite pleine d'espoir en cet instant que ni lui ni moi ne recherchons cela en ce moment? Elle me sourit de toutes ses dents, ou presque, l'air toute contente.
— Ce n'est pas-
— Quand est-ce que tu viens vivre ici? s'enquiert-elle brusquement.
— Mais, Lexie, je suis juste son amie, rien de plus, murmuré-je, ne sachant pas vraiment comment lui faire comprendre la réalité sans la blesser.
Son sourire s'efface pour laisser place à une expression extrêmement triste. Les bras croisés, elle fait clairement la tête. Embarrassée de l'avoir mise dans un tel état, je tente de la rassurer :
— Il trouvera quelqu'un. Ce n'est pas moi, c'est tout, dis-je doucement.
— Je ne te crois pas. Il ne t'aurait pas laissée rentrer autrement, affirme-t-elle, sûre d'elle.
Redressant le menton, elle me défie du regard. Amusée par son fort caractère, je m'assois à même le sol afin d'être à sa hauteur.
— Il n'a pas le droit d'avoir simplement une amie?
Vivement, elle secoue la tête de gauche à droite, faisant virevolter des mèches de cheveux sauvages.
— Eliott doit faire comme dans les histoires qu'il me raconte : se marier et avoir beaucoup d'enfants! s'exclame-t-elle en ouvrant grand les bras.
Je me mets à rire. Elle fait preuve à la fois d'une confiance sans faille mais, également d'une innocence à toute épreuve. Toutefois, un détail me chiffonne : pour quelle raison l'appelle-t-elle Eliott ? Pourquoi pas « Papa » ? C'est plus qu'étrange comme comportement... Je lui en fais la remarque et sa réponse me cloue au sol :
— Il m'a dit que je n'ai pas le droit, m'affirme-t-elle tristement avant de s'éloigner.
Pardon ? Comment peut-il lui interdire ce nom-là ? N'importe quelle petite fille ou petit garçon voudrait pouvoir prononcer « papa » ou « maman » sans restriction. C'est naturel bon sang !
Avec lenteur, je me relève en entendant Eliott fermer la porte d'entrée. Il s'approche de moi, un petit sourire aux lèvres toutefois, lorsqu'il voit mon expression, il s'arrête net. S'il y a bien une chose que je ne cautionne pas, c'est que l'on s'en prenne à des enfants. Et à des animaux aussi, mais ce n'est pas le propos.
— Comment oses-tu faire une chose pareille ? interrogé-je en croisant les bras sur ma poitrine.
Perplexe et les bras ballants, il me dévisage tandis que je le fusille du regard. La petite semble jouer dans le salon et mon cœur se comprime légèrement tandis que je persiste à tenter de comprendre.
— Oser faire quoi ?
— Mais l'interdire de t'appeler « papa » ! m'exclamé-je en faisant de grands gestes, remontée.
Sous l'effet de mes paroles, je le vois reculer d'un pas, les yeux écarquillés. Je ne pensais pas qu'il pouvait se mettre en colère aussi rapidement sauf que, manifestement, j'ai touché un point sensible. Chester se met à grogner méchamment et se positionne devant son maître. Il a dû comprendre que quelque chose venant de moi ne lui avait pas plu. C'est à mon tour de faire quelques pas en arrière, effrayée. Cependant, Eliott a repris ses esprits. En effet, en deux enjambées, il se situe face à moi, les poings et la mâchoire serrés.
— Peut être parce que ce n'est pas ma fille. La prochaine fois que tu comptes me faire un reproche sur Lexie, renseigne-toi, grogne-t-il entre ses dents.
Brusquement, il se recule et secoue la tête. Oh merde.
Bon, du coup, j'ai perdu une main puisque je l'avais mise au feu...
Chester lâche un aboiement pas très chaleureux qui me fait sursauter, toujours campé aux pieds de son maître. Je comprends mieux maintenant mais, ce qui reste encore mystérieux est : pourquoi Lexie ne me l'a-t-elle pas expliqué directement ? Comme si elle, souhaitait pouvoir utiliser ce mot-là...
Eliott a les yeux baissés et j'ai conscience de l'avoir blessé. Culpabilisant instantanément, je m'approche de lui en espérant pouvoir me faire pardonner ma bêtise. À nouveau, l'animal grogne me faisant comprendre qu'au moindre faux pas, j'allais le regretter. J'ai l'impression que Lexie ne se rend même pas compte de ce qu'il se passe, coincée dans sa bulle d'innocence.
J'ai jugé la situation trop vite sans analyser, ce qui ne m'arrive jamais. J'ai besoin d'un esprit critique dans mon métier sauf qu'ici, j'ai sauté sur des conclusions trop hâtives.
— Excuse-moi. Tu as totalement raison. Je n'ai pas le droit de te juger – personne n'en possède le droit d'ailleurs. C'est simplement que je déteste que l'on s'en prenne à un enfant et lorsqu'elle m'a dit que tu lui interdisais ça, j'ai vu rouge. Je suis vraiment désolée, c'était stupide, chuchoté-je pour qu'il soit le seul à m'entendre.
Les bras croisés sur son torse et le regard posé sur Lexie plus loin, il reste mutique à mon plus grand désespoir. Sa colère a l'air de s'être évaporée pour laisser place à de l'incertitude. Concernant quoi, je n'en ai aucune idée. Au bout d'un moment, il laisse échapper un long soupir avant d'appeler la fillette qui accourt rapidement.
— Je dois déposer du bois chez Auxanne, mets tes chaussures.
Cette dernière s'exécute sans rechigner puis Eliott me contourne, l'air torturé. J'attrape son bras pour le retenir avant qu'il ne se dégage rapidement.
— Je te présente mes excuses Eliott, répété-je.
Il ne fait qu'acquiescer sans pour autant me dire s'il les accepte ou non.
* * *
Arrivés chez moi à deux voitures, j'aide Eliott à décharger les bûches et à les stocker devant la maison. Je n'ai pas pu lui désigner l'arrière puisque tous les bouts de bois dont j'ai besoin s'y trouvent déjà. Déjà qu'il m'en veut, je ne pouvais pas risquer de lui faire comprendre qu'Amaury et moi lui avons menti.
Lexie est restée à l'intérieur du pick-up. Rapidement – trop rapidement même – tout est rangé et Eliott s'apprête à partir. La discussion que j'ai eue avec Amaury me revient en mémoire et je m'empresse de le rattraper : impossible pour moi de le laisser rentrer ainsi.
— Mais laisse-moi tranquille bon sang, s'agace-t-il.
— Attends, juste deux minutes s'il te plaît.
— Lexie m'attend, me rétorque-t-il.
— Je sais. Écoute, j'ai très mal réagi, j'en ai conscience. Et je t'ai fait mal. Bordel, je déteste ça, tu as l'air d'être quelqu'un de génial... Tu ne méritais pas ça.
Il ne me regarde toujours pas, irrité. Un peu plus loin, je distingue Lexie qui attend patiemment le retour d'Eliott. Elle semble chanter ce qu'il passe probablement à la radio de la voiture. Étant donné que l'homme à côté de moi refuse de me répondre, je surenchéris :
— Je suis ici pour encore quelques temps et j'aimerais bien passer un peu de temps en ta compagnie, avoué-je.
— Je ne cherche pas de relation, affirme-t-il, catégorique.
— Moi non plus.
Enfin, il daigne poser ses iris sur moi. Il me jauge longuement du regard, comme s'il cherchait à découvrir la vérité. Je remarque que ses yeux bicolores se sont recouverts d'un voile que je ne saurais déchiffrer. Il m'apparaît complètement perdu.
— Je dois m'occuper de Lexie en priorité, je vais y réfléchir.
— De toute façon, tu sais où j'habite, conclus-je en tentant un sourire.
Il hoche simplement la tête puis retourne dans son véhicule. Je m'attendais à ce qu'il parte immédiatement sauf qu'il reste là, en discutant avec Lexie dans la voiture. Ne souhaitant pas qu'il croie que je les espionne, j'entre chez moi.
Mais, si cet enfant n'est pas sa fille, pourquoi semble-t-il y porter autant d'importance ? Au vu de leur ressemblance, je pencherai pour quelqu'un de sa famille. Sauf que je me trompe peut être. Dans tous les cas, je me refuse à lui poser la question. Le voir aussi blessé par ma faute m'a suffit une fois.
La vitesse impressionnante à laquelle il s'est refermé sur lui-même me laisse encore perplexe. Il est vrai que je l'ai accusé de manière plutôt directe et sèche. Je n'aurais pas dû, Amaury m'avait prévenue. Toutefois, je ne l'ai pas fait exprès ; j'ai la très mauvaise habitude de partir au quart de tour. J'ai l'impression qu'Eliott est quelqu'un de fragile. Il suffit de voir à quel point il se montre réservé, gêné à la moindre occasion et blessé rapidement. Je ne dirais pas qu'il est susceptible mais plutôt très sensible et qu'il s'accroche à des détails importants.
Cette matinée passée à ses côtés s'est déroulée bien plus rapidement que ces trois derniers jours. C'est pour cette raison que j'espère qu'il ne m'en voudra pas trop longtemps et qu'il acceptera que nous passions un peu de temps ensemble. De plus, je me suis déjà beaucoup attachée à la fillette. Et, à lui aussi... Lexie me paraît tellement positive et pleine de vie.
J'ai bien compris qu'Eliott fera passer cette enfant avant tout et cela ne me pose pas de problème. S'il souhaite que je la garde le temps qu'il travaille, je peux le faire sans soucis. Cette petite tête blonde m'a tout l'air d'être une boule d'énergie. Quelle que soit la place qu'elle occupe dans sa vie, il semble y tenir autant qu'à la prunelle de ses yeux. Et, au vu de leur couleur singulière, c'est peu dire.
Quant à Chester, nous pouvons clairement dire qu'il m'a foutu la trouille. Il aurait été capable de me sauter à la gorge. J'ai rarement vu un chien aussi protecteur envers son maître ... Je saurais me montrer plus sage à l'avenir.
Une silhouette attire mon attention à l'extérieur. Lentement, je m'approche et distingue Lexie remontant dans le pick-up : elle vient de déposer quelque chose dans ma boîte aux lettres. Les roues de la voiture crissent par terre puis elle disparaît. Je patiente encore quelques instants avant de m'engouffrer dans le froid. Qu'a-t-elle bien pu déposer? Quelques mots d'Eliott me priant de ne plus jamais venir à sa rencontre? Le cœur battant, je presse le pas afin de précipiter le dénouement de ce mystère. Tournant la clef dans la serrure pour ouvrir la petite porte, je récupère le morceau de papier avant de courir m'abriter de la température hivernale à l'intérieur.
Mes doigts tremblants d'appréhension déplient la feuille pour y lire ceci :
Si, et seulement si tu me promets ne plus jamais m'incriminer de la sorte, Lexie veut que tu viennes dîner ce soir chez nous ce soir. Viens, si l'envie t'en dit.
Et comment qu'elle m'en dit !
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Bonjour tout le monde!
Je sais que ce chapitre est légèrement plus court que les autres (pas de beaucoup, c'est promis). Cependant, il contient beaucoup d'éléments importants!
Il est vrai que je ne vous ai pas posé la question mais, que pensez-vous que cache Auxanne?
Votre avis sur les liens entre Lexie et Eliott? De Lexie?
De la réaction de ce dernier lorsqu'Auxanne lui a maladroitement reproché son interdiction d'utiliser le terme "papa"?
Voilà, j'espère que ce chapitre vous aura plu et je vous dis à mercredi pour la suite : un petit dîner chez Eliott :)
Fantine
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