
36 _ En arrêtant de tomber sur des cons
Média : J'suis pas dupe - Pomme
J'ai trouvé que cette chanson retraçait bien le passé d'Auxanne :)
Bonne lecture!
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Un mois plus tard
De retour au travail, je profite de ma pause pour discuter tranquillement avec Liv autour de la machine à café. Un gobelet chaud entre les mains, je l'écoute me raconter quelques anecdotes. Cela me fait du bien de converser simplement avec quelqu'un. De ne pas me prendre la tête avec le jugement de Lexie. Ses cheveux sont tressés, elle porte une longue robe violette. Quant à moi, ma chevelure reste libre, je suis vêtue d'un simple jean agrémenté d'un T-shirt en dentelle.
Je ne cherche plus à cacher mes traces de brulure sur mes poignets, dues à Adrien. En réalité, je m'en fiche. Alors oui, j'ai obtenu quelques questionnements de la part de mes collègues. Je préfère leur répondre qu'il s'agit de grains de beauté, comme l'avait si bien suggéré Xie.
Je continue de retourner à Livingston tous les week-ends. Cette situation commence à me fatiguer. Pas de le sens de l'agacement mais plutôt de l'éreintement. Même si je parviens à me ressourcer auprès de la petite famille, une fois de retour ici, mon moral se mine. C'est compliqué à gérer pour moi.
De plus, Esteban ne lâche toujours pas son frère, ce qui a le don de m'énerver. Eliott fait de son mieux, il n'y a aucun doute là-dessus. Seulement, je comprends que lui aussi n'en puisse plus. Le procès aura lieu dans quelques semaines, ce qui permettra de tout arranger. Je l'espère.
— Quand est-ce qu'Eliott viendra ici, pour changer? questionne soudainement ma collègue.
Subitement, je sors de mes pensées pour l'observer. Elle semble attendre fermement une réponse de ma part.
— Ce serait trop compliquée, entre sa nièce et son chien, j'explique.
— Ah oui? Alors, le fait que tu y ailles en sortant du travail puis que tu rentres à New-York en mettant ton sommeil entre parenthèses, ce n'est pas un problème? rétorque-t-elle en faisant la moue.
Ses ongles manucurés pianotent sur la table, elle paraît agacée.
— Nous fonctionnons ainsi depuis le début.
Elle n'a peut être pas tort, dans le fond. Cela me soulagerait, qu'au moins une fois, nous échangions le déplacement. Je sais qu'il n'aime pas la grosse pomme. Simplement, j'apprécierais qu'il fournisse cet effort.
— Cela fait des mois que tu t'épuises. J'ai conscience que tu veux tout donner dans cette relation parce que tu y crois dur comme fer mais...
— Tu as refait ta vie? questionne soudainement quelqu'un dans notre dos.
Nous sursautons de concert en nous retournant, même si j'ai déjà deviné qui est le propriétaire de cette voix. Je confronte donc le visage peiné de mon patron, sans grande surprise. Nous n'avons pas eu l'occasion de discuter tous les deux depuis un bon moment. Son apparence paraît négligée aujourd'hui. Mais, probablement est-ce le cas depuis le début? Sa chemise manque de repassage, ses mains sont enfoncées dans son pantalon clair. Quant à son regard, il repose sur moi, lourd. A mes côtés, Liv reste silencieuse, souhaitant sûrement éviter de commettre une gaffe.
— Tu as quelqu'un? insiste notre patron, agacé de ne pas obtenir de réponse.
J'acquiesce seulement, ne désirant pas m'épancher sur le sujet plus longtemps avec lui.
— Depuis plusieurs mois, complète-t-il en posant mes mains sur ma chaise.
Instinctivement, je m'en éloigne. Il a dû surprendre notre conversation. Ses sourcils se froncent alors qu'il semble désemparé.
— Liv a dit qu'il s'appelle Eliott, remarque-t-il. Le même nom se trouve sur le dossier pour lequel tu travailles depuis longtemps.
— Tu as regardé ce dossier? m'exclamé-je, étonnée. Tu ne...
— J'ai signé ton contrat. En réalité, tu m'as piégé. Toute cette mascarade avait pour unique but que d'aider ton copain, s'énerve-t-il. Tu aurais dû me prévenir.
— Il s'agit de ma vie privée, me défends-je.
Sur le bois de mon fauteuil, je vois ses phalanges devenir blanches. Alors, je me lève d'un bond, effrayée. Surpris, il recule d'un pas, sans s'être calmé.
— Il n'y avait rien de déloyal. Il représente un client pour le cabinet. De toute façon, tu vas être content : le procès a lieu bientôt. Tu ne m'auras plus dans les pattes, annoncé-je durement en le dévisageant.
Ma meilleure amie me rejoint, se plaçant juste à côté de moi. Adrien a l'air blessé. Toutefois, je ne sais pas s'il faut le croire. Après tout, à force de voir Esteban manipuler son frère sans vergogne, j'en viens à me demander s'il n'agirait pas de la même manière.
— Tu aurais dû te montrer honnête, me reproche-t-il sèchement.
— Ah oui? Parce que tu m'aurais donné ton accord?
— Non, réplique-t-il d'un ton cinglant.
— Alors, j'ai bien fait. Autrement, une petite fille aurait été privée de justice à tort.
Il se tait l'espace de quelques secondes en réfléchissant probablement à mes paroles.
— Auxanne n'a pas à te faire part de ce genre de détail. Tu es son patron, intervient Liv, les bras croisés.
De nombreuses personnes restent dans la salle de pause, à l'affût de la moindre réplique. Adrien n'a probablement pas conscience qu'une bonne partie de ses employés l'écoute en cet instant. Ils ne doivent pas y comprendre grand chose. Les rumeurs vont aller bon train sur notre compte.
— Elle m'a menti, elle s'est jouée de moi, rétorque-t-il.
— Pas du tout! Elle a défendu ses intérêts. Je ne pense pas que tu sois en position de lui en vouloir. Pas après tout ce que tu as commis, s'exclame ma collègue, véhémente.
Sentant que la situation est en train de dégénérer, je décide d'intervenir. Je refuse que mon amie perde son travail par ma faute. Bien que j'apprécie qu'elle prenne ma défense, je ne voudrais pas que tout cela lui porte préjudice.
— Ça suffit. Je partirai, comme prévu, après le procès. Ne te même pas de cette histoire. Tu sais que je peux encore te dénoncer alors, laisse-moi tranquille, le menacé-je.
La tension monte entre nous trois. La grande majorité des avocats présents se sont éclipsés, à mon plus grand étonnement. Le regard de mon ex se pose sur la peau meurtrie de mon poignet. D'un coup, un lueur indéfinissable passe dans son regard. Je ne parviens pas à le cerner, ni à deviner ses pensées.
— Tu es vite passée à autre chose, remarque-t-il rudement.
— Je n'allais pas gâcher ma vie à ressasser toute cette situation, assuré-je en le défiant du regard.
— Puis, il a été plutôt facile de trouver mieux que toi, renchérit brusquement Liv.
Mon visage subit mon étonnement. Celui de mon patron, la colère. Mais que lui a-t-il pris exactement? Elle est folle de l'attaquer ainsi. Il la dévisage, très longtemps. Pendant ce temps, un silence de plomb s'abat sur nous. Seuls trois curieux sont restés, un peu plus loin. Ils nous observent, tentant de saisir ce qu'il se passe. Si tout venait à dégénérer, je ne sais même pas s'ils interviendraient.
— Tu partiras en même temps qu'elle. Tu es virée, annonce finalement Adrien avant de tourner les talons.
— Quoi? Mais...
Liv m'empêche de lui courir après en m'attrapant le poignet. Elle semble étrangement calme. Elle vient de se faire renvoyer pourtant, cela ne paraît pas l'atteindre outre mesure. Au contraire. Elle me sourit presque. Que se passe-t-il exactement?
— Tu ne sais pas tout Auxanne, m'apprend-elle doucement.
Éberluée, je l'observe jeter son gobelet puis partir dignement dans son bureau. Je parviens tout de même à retrouver mon sang froid avant d'accélérer la cadence afin de la rejoindre. Que me cache-t-elle? Par pitié, faites qu'elle ne m'ait pas trahie. Pas elle...
Tranquillement, elle s'installe sur son fauteuil tandis que je tente de comprendre. En vain.
— Ferme la porte et les stores, me demande-t-elle.
Je m'exécute alors qu'elle débranche son téléphone et éteint son ordinateur. Par la suite, je m'assois face à elle, perturbée. Elle lie ses mains face à elle, lâche un long soupir puis verrouille son regard dans le mien.
— Lorsque tu trouvais à l'hôpital, Adrien a voulu te rendre visite. Il a eu le malheur de croiser la route de ton frère. Pourtant, il n'a pas insisté bien longtemps avant de faire le chemin inverse. Alors, quand tu te remettais de ton accident, je n'ai pas pu m'en empêcher. Je suis allé le voir, raconte-t-elle d'une voix basse.
A présent, elle semble moins sûre d'elle. Ne sachant toujours pas si je dois lui en vouloir ou non, je reste immobile, à l'affût du moindre son sortant de sa bouche. Mon rythme cardiaque s'accélère tant je suis remplie d'appréhension.
— Je ne pouvais plus l'apercevoir dans les couloirs de l'immeuble, sans séquelles, alors que toi tu peinais à te rétablir de tout ça. Autant physiquement que mentalement. Un jour, j'ai craqué : je l'ai confronté.
— Qu'as-tu fait? m'entends-je questionner d'une voix fluette.
— Cautionner ce qu'il t'avait fait se trouvait au-dessus de mes forces. Alors, je lui ai juré que s'il te faisait encore du mal une seule fois, c'est moi qui le dénoncerait. J'ai conservé une trace de tous les messages que tu m'as envoyés, j'ai gardé des photos. Je l'ai menacé de détruire sa carrière. Certes, il a signé ton bout de papier où tu as inscrit que tu ne dévoilerais rien. Mais, je n'ai rien fait de cet ordre-là. Tout peut changer à n'importe quel moment et il le sait. A la suite de cet entretien, il m'a affirmé que le jour où tu partirais, je devrais en faire de même. Il m'a virée pour faire bonne figure devant ces idiots. Pourtant, tout était prévu, explique-t-elle, les yeux vitreux.
Mon cœur se met à battre à la chamade. Elle a agi comme Amaury l'a fait pour Eliott.
Comme une sœur.
Jamais je n'aurais pu deviner tout cela. Elle me soutenait déjà énormément, je n'imaginais pas qu'elle serait allée jusque là. Sur vingt-cinq ans d'existence, nous ne nous connaissons que depuis sept ans. Et pourtant, la voilà en train de sacrifier son travail.
Soudainement, je prends conscience de l'horreur de la chose.
— Liv, soufflé-je. Tu as foutu ta vie en l'air, tu...
— Non, me coupe-t-elle doucement. De toute façon, j'aurais été incapable de continuer à le côtoyer, de travailler pour lui tous les jours. J'ai peut-être agi sur un coup de tête sauf que tout était mûrement réfléchi. Mon petit ami est au courant, il me soutient.
Elle pose sa main sur la mienne dans un geste réconfortant. Le sourire qu'elle m'offre suffit à permettre à mes larmes de couler. Elle couvrait mes arrières et ce, depuis le début. Je me souviens de la façon dont je l'ai rejetée lorsqu'Adrien s'en était pris à moi dans mon bureau. Je me déteste tellement en cet instant...
Liv se trouvait à mes côtés dès qu'elle sortait du travail, à l'hôpital. Elle m'a toujours soutenue sans faillir. Et Dieu sait que j'aurais fait la même chose pour elle.
— Je ne pourrais jamais suffisamment te remercier, sangloté-je, estomaquée par son acte altruiste.
— Si, murmure-t-elle.
— Comment?
— En arrêtant de tomber sur des cons.
Je me mets à rire parmi mes larmes, étrangement soulagée. En réalité, je redoutais le moment où je devrais laisser mon amie seule dans ce bâtiment, avec Adrien. J'avais peur qu'il ne s'en prenne à elle, d'une manière ou d'une autre.
— Eh tout va bien, me rassure-t-elle. Je retrouverai un boulot sans problème. Ce ne sont pas les cabinets d'avocats qui manquent dans le coin.
Du revers de la main, j'essuie mes larmes qui se tarissent peu à peu. Une idée germe dans mon esprit : je refuse de lâcher le morceau jusqu'à ce qu'elle accepte.
— Eliott, balbutié-je avant de me reprendre. Eliott m'a proposé de m'installer définitivement avec lui, comme je te l'ai dit. Et de monter mon propre cabinet, là-bas, j'annonce.
Ses yeux s'écarquillent de surprise. En fait, je n'avais pas évoqué cette éventualité avec elle puisque je préférais simplement chercher un emploi. Aujourd'hui, la situation me paraît différente : Liv a mis sa vie professionnelle en jeu pour moi. Je ne peux pas la laisser ainsi.
— Et... Tu voudrais qu'on le fasse ensemble? s'informe-t-elle, incertaine.
J'acquiesce, sentant l'euphorie monter en moi. Mon amie me dévisage, essayant de deviner si je blague ou non.
— Il s'agit d'une proposition inattendue, affirme-t-elle, l'air désorientée.
— Tu en penses quoi?
— J'en dis qu'il va falloir que j'en discute avec mon copain mais que cela m'intéresse beaucoup.
Je me lève brusquement afin de la prendre dans mes bras tant la reconnaissance que je ressens m'enserre de toutes parts. Probablement de soulagement, elle se met à rire contre moi, me rendant mon étreinte.
— Tu sais quoi, murmuré-je. Vous allez venir passer le week-end à Livingston. Ça te fera du bien.
— Je ne veux pas m'incruster chez Eliott...
— Ne t'en fais pas. Je vais l'appeler, je suis certaine qu'il sera d'accord, certifié-je.
Elle hoche la tête, ne se défaisant pas de son sourire.
— Tu es la meilleure, infiniment merci, déclaré-je, émue, avant de la relâcher.
Discrètement, elle efface quelques larmes qui ont coulé sur ses joues.
— Deux semaines, j'annonce. C'est tout ce qu'il nous reste à tenir puisque tu vas gagner le procès.
Son visage s'empourpre tandis qu'elle opine lentement du chef. Je presse sa main, m'assure qu'elle va bien puis quitte son bureau. Dans l'optique de demander son accord à mon petit ami, je me précipite sur mon téléphone.
Mon rythme cardiaque s'accélère lorsque je remarque trois appels en absence d'Eliott. Ce n'est pas normal. D'habitude, il tente de me joindre une fois seulement. Il doit y avoir un problème. Immédiatement, je le rappelle.
— Tu as des nouvelles de Lexie? me demande-t-il à brûle-pourpoint.
Encore perturbée par mon échange avec ma meilleure amie, je tarde à lui répondre. Par conséquent, il répète sa question, perdant clairement patience.
— Non. Pourquoi? J'aurais dû en recevoir? je m'inquiète.
Le reste de la discussion se déroule dans un flou insondable. Je me souviens seulement d'un immense frisson me parcourant de la tête aux pieds. Puis d'un tas d'émotions se mélangeant en moi. Il a tenté de me rassurer en m'affirmant que nous en aurions très prochainement sauf que je n'ai rien écouté.
Je me suis précipitée dans le bureau de Liv, complètement affolée. Je peux défaillir à tout instant. Pourtant, j'ai pris le temps de m'excuser : elle ne pourra pas me rejoindre à Livingston ce week-end.
— Que se passe-t-il?
— Esteban a pris Lexie.
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Bonjour tout le monde! Comment allez-vous?
Alors oui, ce coup-ci, j'ai souhaité que la meilleure ami soit la gentille. Dans une autre histoire (sans spoiler, je ne dirais pas laquelle), c'était l'inverse! Que pensez-vous de Liv, à présent?
De la réaction d'Adrien?
De la fin?... Tout va s'accélérer au fil des chapitres!
Je vous dis à la semaine prochain pour la suite :)
Bonne journée,
Fantine :*
PS : les photos de voyage promises arrivent, il faut que je les trie!
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