
35 _ Je vais me battre pour elle
Eliott semble ailleurs depuis la visite de son frère. Je n'ai pas pu me résoudre à laisser Lexie seule. Elle me paraît si fragile en cet instant... Alors, nous jouons à un jeu de société toutes les deux, comme je lui ai promis. Lorsque nous sommes descendus, elle avait tout préparé, semblant apprécier de pouvoir penser à autre chose. Également, elle paraît contente que j'accepte de passer du temps avec elle.
Quant à moi, je regarde frénétiquement son oncle, installé sur le canapé derrière nous. Ses prunelles vairons se posent finalement sur moi. Il lâche un long soupir avant de se lever afin de s'asseoir entre nous.
— Qui gagne? questionne-t-il d'une voix éraillée en désignant le plateau de jeu.
— C'est moi! claironne joyeusement Lexie.
Manifestement, elle est parvenue à se changer les idées. Ce qui n'est pas le cas de son oncle.
— Tu te joins à nous? proposé-je en posant ma main sur la sienne.
— Non, terminez votre partie.
Il lie nos doigts de lui-même, souriant maladroitement à sa nièce. Cette dernière écarquille les yeux en se levant d'un bond, nous faisant sursauter.
— Tonton Eliott! Tu as oublié! s'exclame-t-elle.
— Ah bon? s'étonne-t-il.
— Tu as promis que nous irions à la fête foraine cette après-midi, avec Xa et Amaury.
— Oh oui, c'est vrai.
Il se frotte la nuque, gêné.
— Tonton Eliott est une tête de linotte! s'exclame l'enfant.
Las, le menuisier l'observe simplement, n'ayant même pas l'énergie de répliquer.
— Tu veux bien Auxanne? me demande Post-It en gigotant dans tous les sens.
Après tout, cela pourrait permettre d'aérer l'esprit d'Eliott. Sortir de cette maison me paraît être une bonne idée. Alors, j'acquiesce, agrandissant son sourire.
— Chouette! Je vais me préparer.
Elle se précipite dans sa chambre en nous laissant seuls. Eliott la regarde disparaître dans le couloir puis se concentre à nouveau sur moi.
— Tu étais d'accord? m'enquiers-je subitement.
— Oui. J'avais simplement omis ce détail, admet-il en se levant.
Il me tend sa main afin de m'aider à faire de même. Une fois sur mes pieds, je conserve sa paume dans la mienne en l'observant intensément.
— Ça va aller, lui affirmé-je tandis que Lexie apparaît à nos côtés, surexcitée.
* * *
Après avoir récupéré Amaury et sa copine chez eux, nous nous sommes rendus à la fête foraine de la ville. Une grande roue domine l'endroit. Une montagne russe ainsi que toutes les attractions habituelles nous entourent. Le grappin pour peluches reste la machine la plus frustrante. La pêche aux canards ou encore les auto-tamponneuses complètent la fête. Des enfants courent partout, leurs parents tentent vainement de les suivre. Des groupes de jeunes arpentent le lieu. Des camionnettes vendent churros ou pommes d'amour. L'effervescence du lieu m'amène à sourire.
Eliott tient fermement la main de Lexie afin qu'elle ne s'éloigne pas trop de nous tout en discutant avec son frère. Quant à moi, je fais la connaissance de Mary, sa compagne. Mes doigts enserrent la laisse de Chester qui gambade gaiment face à nous.
— Tonton Eliott, je peux essayer d'attraper les canards? s'enquiert Lexie, le tirant de toutes ses forces vers la petite cuve remplie d'eau.
Des figurines jaunes flottent à la surface. Une jeune fille tient le stand. Derrière elle, de nombreuses peluches aguicheuses sont exposées.
— S'il te plaît, insiste-t-elle en sautillant
Ses grands yeux bleus le mettent au supplice alors, forcément, il cède. Je me serais montrée aussi faible que lui...
— Quelle force de persuasion, se moque Amaury.
Mon compagnon marmonne des propos incompréhensibles en tendant un billet à la fille. Elle donne alors une petite canne bleue à Lexie. Cette dernière se concentre tandis que, discrètement, son oncle se rapproche de moi.
— Tu as raison, souffle-t-il dans mon oreille, faisant voler quelques cheveux. Je vais me battre pour elle.
Lorsque je me tourne légèrement vers lui, je distingue un sourire sur ses lèvres. Cette simple vision fait valser mon cœur. Posant ma main sur sa joue, je l'embrasse furtivement, sentant la fierté monter en moi.
— J'ai gagné la plus grosse peluche! s'exclame Xie derrière nous.
— Eh merde, grommelle Amaury en levant les yeux au ciel.
— Ce n'est pas auprès de toi qu'elle se plaint de la taille de son lit, rétorque Eliott en haussant un sourcil.
La petite tient un nounours contre elle, un sourire énorme étirant ses lèvres. L'animal fait presque sa taille : elle disparaît quasiment derrière. Chester la renifle, méfiant, avant de décréter qu'elle ne sera pas dangereuse.
— Bon, qui vient faire les montagnes russes avec moi? propose soudainement Amaury.
Mary accepte immédiatement. Personnellement, j'adorerais sauf que j'ai peur que mon dos en pâtisse trop. Par conséquent, je refuse poliment, prétextant devoir rester avec Lexie.
— On a la trouille? s'amuse le barman.
— Non, murmuré-je, gênée par la situation.
— Aller, débride-toi un peu. Je t'ai connue plus aventureuse, s'étonne-t-il.
Malgré moi, je recule d'un pas en cherchant à me protéger. Soudainement, Eliott écarquille les yeux en comprenant la raison de mon refus.
— Je prends sa place, intervient-il. Allons-y.
Il les entraîne dans son sillage sans leur laisser le temps de réagir. Néanmoins, il prend le temps de m'offrir un clin d'œil encourageant avant de disparaître dans la file d'attente. Je patiente donc avec Lexie, Chester ... et la peluche.
Je suis surprise qu'Eliott ait accepté à ma place. Est-ce pour moi ou parce qu'il aime les sensations fortes? J'opterai pour la première option mais je me trompe peut être. Ils avancent plutôt vite, si bien que les voilà déjà montés dans le wagon. Xie leur fait de grands signes, auxquels ils répondent lors de la montée de l'engin. Le bruit de la chaîne me glace le sang. Ils se trouvent rapidement tout en haut du rail bleu.
Mon cœur s'accélère brusquement, ayant peur pour eux. Pourtant, avant, j'adorais ce genre d'attractions. Elles étaient mes favorites pour tout dire. Seulement, je préfère ne pas prendre de risques inutiles alors, je m'abstiens.
Lors de la chute du wagon, des cris l'accompagne, des bras se lèvent. Je ne parviens pas à distinguer où se situent mes amis. Alors, j'observe le train suivre les pentes et les loopings, particulièrement angoissée. A côté de moi, Lexie braille probablement aussi fort qu'eux en sautant sur place, sa peluche toujours dans ses bras. Mon rythme cardiaque s'emballe trop. Si bien que je suis forcée de m'asseoir sur le banc derrière moi. Mes jambes tremblent, j'ai trop chaud, ma vue se brouille.
Le tour se termine enfin, dans un bruit sec. Serrant mes bras contre ma poitrine, j'attends impatiemment leur retour avec un stress non justifiable. Ce n'est pas moi qui suis montée là-dedans alors, pourquoi me sens-je si angoissée?
Au moment où j'aperçois la chevelure brune d'Eliott, je ne parviens pas à empêcher ce sentiment d'urgence. Ainsi, je cours dans sa direction, sautant dans ses bras. Ne s'y attendant visiblement pas, il se voit forcé de reculer de plusieurs pas afin de retrouver l'équilibre.
— Doucement, murmure-t-il, étonné.
J'enfouis mon visage dans son cou, enfonçant mes doigts dans son cuir chevelu. De l'autre main, je m'accroche à sa taille. Le souffle me manque alors je tente de me calquer sur ses battements de cœur.
— Auxanne, que se t'arrive-t-il? Il ne s'est rien passé là-haut, assure-t-il calmement.
Puis, je comprends.
— L'accident, balbutié-je.
Par la suite, seuls des propos sans aucun sens sortent de ma bouche. Je pensais sincèrement être passée au-dessus de cette période de ma vie. Seulement, il faut croire que non. Le traumatisme ne semble pas vouloir me laisser définitivement en paix. La chute de ce manège, cette perte totale de contrôle me terrifie.
— Pardon, bredouillé-je. Je ne comprends pas.
— Eh, c'est normal, me rassure-t-il. Tu sais, ma mère est décédée sur le coup lors du choc de la voiture. Mon père a séjourné à l'hôpital avant de partir à son tour. J'ai vu cette lueur dans ses yeux. Même si j'étais petit, je m'en souviens très bien. En ce moment, la même éclaire tes prunelles, explique-t-il. Cela date de seulement quelques mois, tu n'as pas à t'en faire.
Son air devient triste même s'il m'offre un sourire. J'acquiesce lentement, reprenant peu à peu mes esprits. Il enroule son bras autour de ma taille afin de me conserver contre lui. Nous nous retournons vers les autres, qui patientaient tranquillement. Amaury m'observe curieusement alors, je fuis son regard interrogateur. Ainsi, Eliott nous propose de continuer à avancer tout en récupérant la petite main de Lexie dans la sienne.
— Dis, murmuré-je. Quelle est la chose la plus folle que tu aies faite dans ta vie?
Cela doit être le moment où il a récupéré Xie chez son frère. Ou encore, sa décision de demande de garde. Intriguée, j'observe l'homme aux yeux vairons. Il semble se trouver en plein questionnement, les iris levés au ciel. Au bout de quelques instants, il pose son regard singulier sur moi puis confie :
— Te laisser entrer dans ma vie. Je savais que tu allais tout chambouler sans me demander mon avis.
Sa voix ne contient pas une once de reproche. Quant à moi, je reste bouche bée et m'arrête en plein milieu de la foule sans le vouloir. De cette façon, je me fais rentrer dedans par les personnes derrière moi, gagnant des grommellements agacés. Eliott me rattrape rapidement, me remettant dans le courant de la marche.
Mais... J'étais persuadée que sa réponse concernerait sa nièce. Tout ce qu'il a sacrifié pour elle. Pourtant, lorsque je croise furtivement son regard, je sais qu'il est sincère.
— Je n'ai pas voulu...
— Je sais, me coupe-t-il avec douceur. Je n'ai jamais déjà que tu étais négative dans mon quotidien. Au contraire. Tu me fais sortir de mes habitudes. Cela me fait un bien fou.
— Eh les tourtereaux! s'exclame Amaury. Je ne vous accompagne pas pour jouer la nounou!
— Désolé, déclare Eliott, les joues rougies.
Ainsi, nous revenons avec eux, même si nos esprits restent dans la discussion précédente. Je n'imaginais pas que notre relation pouvait autant le perturber. Alors qu'à la réflexion, lorsque je l'ai connu, il psychotait sur le fait de toujours verrouiller la porte d'entrée. Il se refermait dès qu'on l'attaquait sur Lexie. Sa vie ne tournait qu'autour d'elle. Il ne sortait pas, ne fréquentait qu'Amaury. Aujourd'hui, la donne semble être en train de changer.
Nous progressons dans la fête foraine et, finalement, c'est Chester qui se retrouve avec la peluche sur le dos. Un paquet de churros dans la main, je les déguste en souriant. Mon léger moment de panique semble oublié.
Tandis qu'Eliott accompagne sa nièce aux toilettes, Mary les rejoint. Je me retrouve donc seule avec Amaury. Durant les premiers instants, nous restons silencieux, jusqu'à ce qu'il prononce ce mot :
— Merci.
Je pivote vers lui, surprise. Je m'attendais à ce qu'il me questionne sur l'épisode des montagnes russes. Manifestement, il souhaite en venir ailleurs.
— A quel propos? m'informé-je prudemment.
Les mains enfoncées dans ses poches, le regard sur ses chaussures, il fronce les sourcils avant de me répondre.
— J'ai connu mon frère il y a presque dix-huit ans. Tu n'as pas idée d'à quel point cela a été dur. De le voir chuter sans pouvoir le retenir. Se faire bouffer par son frère sans raison.
— A entendre ton discours, on pourrait penser qu'il a tenté de...
Lorsqu'Amaury relève son regard sur moi, je recule de deux pas en étouffant un cri d'horreur.
Non.
Non, non et non.
— Il a essayé de mettre fin à ses jours. Seulement, lorsqu'il a appris qu'il allait être oncle, il s'est repris. Déjà, il savait que l'enfant aurait besoin de quelqu'un d'autre.
Son expression devient infiniment triste tandis que je prends conscience de l'ampleur du problème. Choquée par cette révélation, je me sens incapable de lui répondre. Je n'ai pas encore pris conscience de tout ça, je crois.
— Alors, je te remercie de le considérer à sa juste valeur. C'est rarement le cas.
— Je ne savais pas que c'était allé si loin, bredouillé-je, perturbée par cette nouvelle.
— Il ne te l'aurait jamais dit. Alors, nous n'en avons jamais parlé, me prévient-il, l'air sérieux.
J'acquiesce, me sentant absente. Avant même que Lexie naisse, Eliott agissait déjà en sa faveur. Il a absolument tout sacrifié pour elle.
Il faut que je m'asseye, juste quelques instants. M'appuyant sur un petit muret, je les vois revenir, souriants. Lexie assise sur ses épaules, ils s'avancent vers nous, talonnés par la petite amie d'Amaury. Aujourd'hui, l'homme aux yeux vairons paraît aller mieux. Je compte continuer à l'aider sur cette lancée. Alors, pour ne pas compromettre la révélation du barman, je les rejoins en essayant de reprendre une contenance.
— Ça vous dit, un tour de grande roue? proposé-je.
— Oh oui! s'exclame Xie tandis que son oncle me sourit, approuvant.
Rapidement, nous montons tous les cinq dans la même cabine, Chester devant attendre en bas. La porte se verrouille derrière nous puis nous commençons notre ascension.
— Ça va aller, Auxanne? Pas trop de sensations fortes? se moque Amaury.
Malgré sa plaisanterie, je discerne son air perturbé. Par conséquent, je lui réponds :
— Tout devrait bien se passer, pas de vomi en vue.
— Super parce que, dans ce cas, vise quelqu'un d'autre que moi.
Lexie coupe court à notre conversation en se levant puis s'avançant jusqu'à la porte vitrée. Posant ses petites mains potelées dessus, elle admire la vue, comme hypnotisée. D'ici, nous apercevons la place de la ville ainsi que toutes ses habitations. Le ciel comporte une teinte rosée annonçant le début de soirée. Quelques nuages le parsèment.
Eliott amorce une discussion avec son frère que je n'écoute pas, préférant observant l'enfant. L'innocence émane d'elle. Ses longs cheveux blonds dévalent ses épaules pour atterrir dans son dos. Dans le reflet de la fenêtre, je vois ses yeux grands ouverts, comme si elle tentait de se remémorer chacun des détails.
Soudain, elle se dresse sur la pointe des pieds. (Ce qui est inutile puisque nous montons progressivement en altitude mais ce n'est qu'un détail.)
— Tonton Eliott, murmure-t-elle. On voit notre maison.
Ce dernier se redresse et, en effet, nous apercevons tous le lac bordant notre cabane, vraiment éloignée de la ville.
— Tu me construiras la même, quand je serai grande? Juste à côté de celle-là? demande-t-elle sans se tourner.
— Je ferai celle dont tu auras besoin, Post-It, répond-il d'une voix calme.
Sa main se pose sur ma cuisse sans que je ne parvienne à comprendre son message implicite. L'enfant ne réplique rien alors, l'oncle reprend sa conversation avec son frère. Lorsque la cabine entame sa descente, Xie vient s'asseoir à côté de moi, les yeux brillants d'émotions.
— Toi, il n'aura pas besoin de te construire une maison, affirme-t-elle tranquillement.
— Pourquoi?
— Parce que tu habites déjà dans celle-là.
Pour le moins surprise, je me rends compte qu'elle a raison.
Ma vie a changé de ville.
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Bonjour!
Que pensez-vous de la place d'Amaury dans la vie d'Eliott? De sa discussion avec Auxanne?
Dès le prochain chapitre, il y aura une avancée dans le temps. Tout va s'accélérer, je n'en dis pas plus...
Ce travail me prend beaucoup de temps et d'énergie. Je travaille ce week-end alors, je vais essayer de m'organiser pour pouvoir poster le prochain chapitre ce week-end quand même. J'espère pouvoir!
Oh et, strictement rien à voir. Mais, j'ai craqué. J'ai adopté un bébé lapin 😍 :
Bonne journée,
Fantine
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