2 _Qui es-tu, Eliott?
I believe _ Alex Hepburn (Juste parce que je l'écoute en boucle)
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La lumière du jour pénètre dans ma chambre et caresse doucement mon visage. J'ouvre délicatement les paupières en sentant évidemment un mal de tête atroce se répercuter dans tout mon crâne. Soudainement, j'apprécie moins ces rayons de soleil. Cachée sous mon oreiller, je ne décide d'en sortir que plusieurs minutes plus tard. C'est tant bien que mal que je m'avance vers la salle de bain. La baignoire vieillie et le miroir tâché m'accueillent. M'appuyant sur le lavabo, je me dévisage dans le reflet. Mes cheveux bruns décoiffés encadrent mon visage fatigué. Mes yeux noisettes, rougis par les pleurs de la veille, semblent avoir perdu leur éclat d'or qui s'y trouve d'habitude. Les tâches de rousseur recouvrant mes joues de façon non homogène camouflent légèrement mes cernes. J'ai eu de meilleurs jours ...
Mes vêtements maintenant au sol, j'évite d'observer mon image. J'ai conscience que quelques bleus persistent malgré les semaines qui ont passées. Ces souvenirs bien trop douloureux se rappellent à moi brutalement. M'enfuyant sous l'eau chaude, je tente de chasser ces idées noires en me savonnant énergiquement. Frissonnante, je me dépêche de me sécher et de me rhabiller.
Lâchant un long soupir, j'avale un cachet et essaye de cacher tout ça avant d'abandonner. Après tout, qu'est-ce que ça change ? J'ai une tête de zombie mais je ne compte pas sortir de suite. Alors, je m'enroule dans le plaid que j'ai eu la bonne idée d'emporter et envoie un message à mes parents pour les rassurer de mon arrivée. Je l'avoue, j'ai complètement oublié de le faire hier.
Par la suite, mes doigts frôlent les livres présents dans la bibliothèque et j'en choisis un au hasard. M'installant à nouveau sur le canapé, je me remémore mes deux rencontres de la veille. Je refuse de les laisser sans nouvelles après l'aide précieuse qu'ils m'ont apportée. Malheureusement, le bar ne risque pas d'être ouvert si tôt. Je me fais la promesse d'y passer avant qu'il n'ouvre ses portes.
* * *
Ankylosée, j'attends patiemment que quelqu'un arrive devant la porte du pub. M'insultant intérieurement d'avoir oublié mes gants chez moi, je les réchauffe comme je peux dans les poches de mon manteau. J'ai dû venir à pied puisque ma voiture est restée ici hier soir. Elle est garée plus loin et si je patiente à l'intérieur, je ne pourrais pas voir si quelqu'un surgit. Voilà pourquoi, emmitouflée dans une énorme écharpe, je danse d'un pied sur l'autre. Depuis ce matin, mon mal de tête est parti même si je me sens toujours un peu barbouillée.
Un véhicule apparaît enfin puis, après quelques secondes, Amaury en descend. Brusquement, je me sens mal à l'aise. Et s'il m'avait demandé ça uniquement par politesse et qu'il se fichait complètement de moi ? Après tout, des personnes qui finissent mal en fin de soirée, il doit en avoir à la pelle. Je baisse légèrement la tête en espérant qu'il ne m'ait pas vue. Peine perdue.
— Oh, bonjour !
Les bras pleins de paquets, je m'empresse d'aller l'aider. J'en récupère un, lui libérant une main et lui permettant de déverrouiller la porte.
— Merci. Entre, il fait bien meilleur à l'intérieur.
Je m'exécute sans plus de cérémonie et dépose la caisse sur le comptoir. Amaury retire sa veste qu'il accroche au porte-manteau puis se poste face à moi.
— Comment ça va aujourd'hui ? s'informe-t-il.
— Mieux. Je suis vraiment désolée pour hier soir, j'ai vraiment abusé, soupiré-je, embarrassée.
— Pas de soucis, ce n'est pas la première fois que ça m'arrive. Je t'offre quelque chose de chaud ?
Il passe derrière le comptoir, se préparant lui-même un café.
— Non, merci. Je passais simplement parce que tu me l'as demandé hier soir. Je ne veux pas te déranger.
— Eliott m'a dit que tu habitais dans la petite maison abandonnée ?
Faisant totalement abstraction de mon refus, il pousse vers moi une tasse fumante. Gênée, je le remercie d'un hochement la tête avant d'affirmer ses dires.
— Une amie me l'a prêtée.
Il acquiesce avant de poser le regard derrière moi. À mon tour, je me tourne, pour voir Eliott entrer, accompagné d'un chien de taille plutôt conséquente. Il me dit vaguement quelque chose. Probablement qu'il était déjà avec Eliott hier soir, je ne m'en souviens plus...
— Salut, je te sers quoi ?
— Un truc chaud, il gèle dehors.
Amaury repart à sa machine à café tandis qu'Eliott s'avance vers moi, le chien sur les talons. Ce dernier m'arrive à la taille, le rendant plutôt impressionnant. Eliott me tend sa main, que j'observe sans comprendre.
— Enchanté, je m'appelle Eliott.
Je hausse un sourcil puis me remémore miraculeusement ce que je lui avais demandé la veille. C'est avec un petit sourire reconnaissant que je serre sa main en me présentant encore à lui. Ses yeux semblent plus réels aujourd'hui, à la lumière du jour. Ils resplendissent quelque chose, sauf que je ne parviens pas à mettre le doigt dessus.
Son meilleur ami revient tandis qu'Eliott prend place sur le tabouret voisinant le mien. Le chien au pelage noir, blanc et marron, s'allonge à ses pieds comme s'il surveillait que rien ne lui arrive.
— Il se nomme Chester, c'est un bouvier bernois, m'apprend son maître.
— Je peux le caresser ou bien est-ce que je risque de me faire manger ?
— Je n'en sais rien, ça dépend des gens.
Les grands yeux de l'animal me fixent avec curiosité et je me dis qu'il n'a pas l'air bien méchant. N'écoutant pas la conversation des deux hommes, je m'assois à même le sol sans réfléchir. Il redresse la tête, attentif au moindre de mes faits et gestes.
— Salut, murmuré-je en tendant lentement ma main vers lui. Je suis Auxanne, tu ne vas pas m'avaler toute crue, pas vrai ?
Il renifle ma main, méfiant. Ses yeux se relèvent vers son maître, comme s'il était à la recherche d'une approbation. Ce dernier hausse simplement les épaules comme si lui-même ne savait pas quoi penser de moi. Je ne peux que le comprendre : ce n'est que la deuxième fois que nous nous voyons et la première n'était pas forcément des plus agréables pour lui. Puis, à la réflexion, je suis actuellement assise par terre en train de parler à un chien. Chester repose finalement la tête par terre, me défiant de le toucher. Alors, j'ose approcher ma main sauf qu'il grogne.
— D'accord, je te laisse tranquille alors, m'empresse-je de dire.
Je me rassois à ma place sous le regard amusé des deux hommes. Ma tasse, que j'avais délaissée, m'attend encore à moitié pleine.
— Je voulais juste vous remercier pour votre secours d'hier, déclaré-je du bout des lèvres. C'est promis, je ne suis pas comme ça d'habitude et je ne reste pas ici pour très longtemps.
— Pour combien de temps ? s'enquiert Amaury.
— Deux petites semaines.
Il manque de s'étouffer avec son café, me dévisageant longuement.
— Autant de temps ici, toute seule ? Mais quelle idée farfelue. Tu vas t'ennuyer comme un rat mort, me prévient-il.
— Mon amie m'avait prévenue sauf que je vais faire avec. J'ai juste besoin de me ressourcer un peu.
— Boulot trop contraignant ?
— Je suis avocate. C'est certain que ça me prend beaucoup de temps toutefois, j'adore mon travail.
— C'est promis, nous avons tous les deux des casiers vierges. Tu peux vérifier si tu veux ! s'exclame Amaury en levant les mains.
Eliott reste silencieux, perdu dans la contemplation de son marc de café. Quant à moi, je suis trop choquée qu'Amaury ait pensé utile de me préciser cette information que je reste muette quelques secondes.
— Tu n'étais pas obligé de me dire ça, cela ne me regarde pas, murmuré-je.
— Non mais comme ça, tu éviterais de perdre du temps à chercher.
— Je n'ai aucune raison de fouiller dans votre passé. Je ne le fais qu'avec mes clients parce que cela fait partie de mon travail mais jamais dans ma vie privée. Si je veux savoir quelque chose, je le demande ou bien j'attends que la personne m'en parle d'elle-même. Jamais je n'irai le chercher par moi-même, c'est irrespectueux, me défends-je, contrariée.
Les deux amis m'observent longuement, déconcertés. Mal à l'aise, je détourne le regard sur Chester qui me fixe comme s'il ne m'avait pas lâchée du regard depuis tout à l'heure.
— Qu'ai-je dit encore ? m'informe-je, embarrassée.
— Rien du tout, chuchote finalement Eliott.
— Bon, je vais y aller alors. Merci encore pour hier et pour le café. Bonne journée.
Après un petit saut qui me permet de descendre de mon tabouret, je jette un dernier regard à Chester puis m'avance vers la porte.
— Attends.
Pivotant sur mes talons, je me retrouve face à Eliott :
— Tu t'en vas déjà ?
— Eh bien oui. Je ne veux pas vous déranger plus longtemps.
— Le bar n'ouvre pas avant une bonne demi-heure, tu peux rester si tu veux, m'apprend Amaury qui est resté à sa place. Je n'ai pas voulu t'effrayer en te parlant de nos casiers. Qui sont vraiment vierges soient dit en passant !
— Amaury, marmonne son ami.
— Mais c'est vrai ! Et c'est bien le seul truc qui le soit chez nous, s'exclame-t-il en récupérant nos tasses pour les laver.
Je rougis, je le sais, mais son sous-entendu ne met pas mal à l'aise que moi. Il suffit de voir la tête que tire Eliott à mes côtés...
— Aller reste encore un peu. De toute façon, tu n'as rien d'autre à faire, pas vrai ?
— En effet.
Mon regard se pose sur Chester qui a suivi Eliott, posté à ses pieds. J'ai l'impression qu'il suit absolument chacun de ses mouvements, comme s'il était son ombre. Il fait la moitié de ma taille cependant, comme Eliott est plus grand que moi, il semble moins imposant à ses côtés.
— D'accord, mais je pars avant que le bar n'ouvre.
— Comme tu veux !
Je repose ma veste où elle se trouvait puis retourne à ma place.
— Comment va Lexie ? s'informe Amaury auprès d'Eliott.
— Elle va bien, merci.
Qui est Lexie ? Je m'abstiens de poser la question, jugeant que cela ne me concerne pas. Les deux amis discutent de cette personne inconnue au bataillon pour moi. De mon côté, je ne peux pas m'empêcher de m'intéresser à nouveau à ce chien. Je n'y peux rien, j'adore les animaux.
J'ai l'impression que comme son maître m'a demandé de rester, il semble moins sur ses gardes. Cependant, il ne quitte pas les pieds d'Eliott. Son pelage soyeux reflète les rayons lumineux venant de l'extérieur et me donne cette envie irrépressible de le caresser. Je ne sais pas s'il accepterait, cette fois-ci. Je n'ai pas envie de perdre une main alors je ne préfère pas m'y risquer. Pourtant, on dirait une grosse peluche.
— Il est pudique, arrête de le fixer comme ça, s'amuse Amaury.
— Un chien pudique ? rétorqué-je.
— Affirmatif, mon capitaine ! Tel maître tel chien !
— Putain, me saoule pas, grogne Eliott, incommodé en fixant le comptoir.
Je laisse échapper un petit rire amusé. Ses joues rosissent légèrement et il n'ose regarde personne. N'ayant pas envie qu'il se sente mal pour si peu, je décide de détourner légèrement la conversation.
— Et puis d'abord, comment sais-tu qu'il est pudique ? Tu sors avec lui ? questionné-je.
— Je ne suis pas zoophile ! s'offusque Amaury, les yeux écarquillés.
Lorsque je comprends qu'il parle de Chester et non d'Eliott, j'éclate de rire. Ils me scrutent avec curiosité, jusqu'à ce que je me calme.
— Pardon, je parlais d'Eliott pas de Chester.
— Évidemment. Toujours négatif. Nous ne sommes pas de ce bord-là, m'apprend-il en souriant. Pourquoi, tu es intéressée ?
Je m'empourpre en quelques secondes. Je ne m'attendais pas réellement à ce caractère de la part d'Amaury. Du moins, surtout après son comportement prévenant de la veille. Toutefois, trouver un homme ne fait pas partie de mes plans pour l'instant. Toute cette histoire est encore trop fraîche dans mon esprit. Je ne suis pas certaine d'être prête pour m'engager à nouveau.
— Non, dis-je finalement dans un souffle. Sans vouloir vous blesser, bien sûr, mais ce n'est pas dans mes préoccupations premières pour l'instant.
— Tant pis, je suis vexé quand même, affirme Amaury.
Je m'apprête à m'excuser sauf qu'Eliott m'en empêche.
— Il se moque de toi, il est déjà en couple.
— Ce n'est pas très gentil, marmonné-je.
Je remarque qu'Amaury semble très extraverti au contraire d'Eliott qui a l'air plus réservé, voire même un peu timide. Il n'intervient pas souvent dans nos échanges et reste en retrait. Ses yeux évitent de croiser les autres – que ce soient les miens ou ceux de son meilleur ami – comme s'il ne voulait pas que nous les fixions. Finalement, il se lève et récupère une gamelle derrière le comptoir, probablement celle de Chester puis la remplit d'eau avant de la poser sur le sol. Son chien qui, évidemment, l'a suivi, s'empresse de s'abreuver.
— Tu connais le coin ? s'informe Amaury.
— Pas vraiment, c'est la première fois que je viens ici. Des choses à me proposer ?
— Tu sais, mise à part des parcs et de musées ...
— J'aurais peut être dû me renseigner avant de venir ici, soupiré-je.
Cependant, j'étais tellement contente de partir un peu que lorsque ma collègue m'a proposé cette maison, j'ai sauté sur l'occasion. Je paye seulement l'eau et l'électricité alors je n'ai pas cherché plus loin. Après tout, je peux rentrer quand je le souhaite. Néanmoins, ce serait dommage de passer mes vacances chez moi avec le risque de le croiser à chaque coin de rue.
Les deux compères s'échangent un regard mais Eliott fronce les sourcils et détourne les yeux, arrachant un soupir à son ami.
— Bon, si jamais un jour tu t'ennuies trop, n'hésite pas à venir passer un peu de temps ici.
— J'y penserai, merci beaucoup.
— Je dois aller chercher Lexie, annonce soudainement l'homme aux yeux vairons en regardant sa montre.
— Ça marche, mec.
— Je vais y partir aussi dans ce cas.
Après avoir salué Amaury, nous sortons tous les deux, surpris par le froid de l'extérieur.
— Tu as besoin que je te ramène chez toi ?
— Non, je suis garée juste là. Ce coup-ci, je suis complètement sobre, c'est juré. Mais merci quand même.
— Très bien, à bientôt alors.
Il ne me laisse pas le temps de répondre qu'il disparaît déjà dans une direction diamétralement opposée à la mienne. Mes yeux les suivent encore quelques instants, lui et Chester, jusqu'à ce qu'ils disparaissent au croisement de deux rues.
Qui es-tu, Eliott ?
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Bonjour tout le monde!
Qu'avez-vous pensé de ce second chapitre?
Des différents personnages que vous commencez progressivement à connaître?
Qui est Lexie, selon vous?
J'ai toujours beaucoup de mal à trouver une photo représentant mes personnages. Pour l'instant, je n'en ai aucune des personnages humains mais, voici Chester (histoire que vous voyiez la taille de la bestiole!) :
Voilà donc, exceptionnellement, le prochain chapitre sortira dimanche (la couverture définitive également). Donc, trois chapitres cette semaine! Selon vos avis, les chapitres sortiront donc le mercredi et le dimanche :)
Bonne fin de journée!
Fantine
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