12 _ Tout ne dépend que de toi
Je ne suis pas parvenue à fermer l'œil de toute la nuit. Ressassant sans cesse toute cette situation, j'en suis arrivée à cette conclusion plutôt bancale : Eliott ne va pas s'en sortir aussi facilement. Il ne peut pas me permettre d'entrer dans leur quotidien puis me dire que, finalement, il préfère que je reste éloignée. Je ne sais pas ce qu'il se passe dans sa vie sauf qu'il m'a trop impliquée pour que j'accepte de disparaître d'un claquement de doigt.
Éreintée, je ne regarde même pas mon téléphone puisque, les nouvelles que je souhaite ne peuvent se trouver que dans la boîte aux lettres. Or, je n'ai entendu aucune voiture depuis hier soir. Me frottant les paupières avec mes poings, je baille longuement en me redressant sur le canapé. Vraiment pas confortable pour s'allonger... J'étais bien mieux sur celui d'Eliott.
Peut être me suis-je assoupie et n'ai-je pas entendu le pick-up? Me raccrochant à cette hypothèse, j'enfile mes bottes même si je suis toujours en pyjama puis m'engouffre à l'extérieur. Prenant garde à ne pas glisser, je me dirige vers la boîte aux lettres. C'est avec surprise que j'y découvre une feuille. Ne parvenant pas à refréner le sourire qui étire mes lèvres, je retourne à l'intérieur et me dépêche de l'ouvrir pour y lire ceci :
Auxanne,
Je crois que tu ne te rends pas compte du danger que tu encours. Je refuse de te faire prendre des risques inutilement parce que je tiens à toi. Sauf que tu n'as pas l'air de vouloir lâcher l'affaire. C'est de ton intégrité dont il est question. Je ne fais pas ça de gaieté de coeur.
Je l'avoue, j'ai la trouille parce que je ne sais pas comment gérer ce que je ressens. Cela ne m'était pas arrivé depuis longtemps et je ne parviens à exprimer cela. J'ai peur de ne pas savoir te protéger comme il le faudrait. Je dois déjà gérer Lexie, en plus de l'autre problème. Alors oui, cela me fait énormément de bien de passer du temps avec toi, je ne m'en cache pas. Toutefois, je persiste à te dire que ce n'est pas une bonne idée.
Bonne continuation et, prends soin de toi s'il te plaît,
Eliott
PS : tu peux garder le pull si ça te fait plaisir.
Démunie face à ces lignes, je refuse de les suivre. Je suis obstinée et, je persiste à croire que tout est surmontable. Si nous continuons par lettres, nous n'y parviendrons jamais. C'est pour cela que je me change rapidement puis conduis jusqu'à chez lui.
Je ne lui en veux pas, je comprends bien que son but premier est de protéger le plus de personnes possibles. Sauf que je refuse de le laisser gérer tout cela seul. Plus que tout, je repousse l'idée de laisser filer un homme comme lui...
Frappant deux coups sur la porte, je sais qu'il est là : sa voiture est garée juste à côté de la mienne. Je l'entends derrière la paroi cependant, il ne m'ouvre pas.
— Eliott, je sais que tu es là. Je veux juste discuter, promets-je doucement.
Je perçois les aboiements de Chester. Ne sachant pas comment les interpréter, je recule de deux pas, à la limite de la marche du dessous.
— Va-t-en, me demande-t-il d'une voix brisée.
Ces quelques mots me compressent tant le cœur que je suis obligée de me plier en avant. Ne me rejette pas Eliott, je t'en supplie.
— S'il te plaît, je m'en vais après, insisté-je.
— Je ne veux pas te voir maintenant.
Observant mes pieds, je sens les larmes me monter aux yeux. Qu'ai-je fait pour qu'il me repousse ainsi? Je ne lui veux pas le moindre mal. Juste parler avec lui. Le chien aboie plus fortement, me faisant sursauter. Je me rattrape à la rampe au dernier moment, lâchant un cri de surprise.
Il ne veut pas de moi, c'est aussi simple que ça. Ne parvenant plus à ravaler mes sanglots, je dévale les marches. La vue brouillée par mes larmes, je ne me dirige pas vers ma voiture mais vers le lac. Je suis la rive, en chancelant un peu.
Je souffre depuis des mois. Tout allait progressivement mieux depuis une semaine. Eliott vient de tout réduire à néant. Pourquoi?
Shootant dans un caillou qui tombe dans l'eau, j'observe les cercles qui se forment. Grimpant sur un rocher, je m'y assois en ramenant mes genoux contre moi. Puis j'admire la vue qui s'offre à moi. En voyant cette nature paisible, je me calme peu à peu. Le soleil se lève sur l'eau, les arbres supportent encore un peu de neige. Silencieuse depuis de longues minutes, je me fonds dans l'environnement. C'est pour cela que je peux percevoir un écureuil qui saute d'une branche à l'autre, à moins d'un mètre de moi. La fourrure rousse disparaît plus loin. Des tas de petits bruits se font entendre autour de ma personne.
C'est ce dont j'avais besoin, je crois. Inspirant un bol d'air frais, je laisse mes épaules se détendre. Si Eliott ne veut pas de moi alors soit. Tant pis. Ce n'est ni le premier, ni le dernier à me rejeter. Je me suis sûrement fait des idées, je n'en sais rien. Je ne réitèrerai pas mon souhait de discuter. Un refus me suffit.
Un aboiement me fait sursauter et, lorsque Chester me saute dessus, je glisse du rocher avant de tomber douloureusement par terre. Le chien tente de me lécher le visage, tout content.
— Chester, marmonné-je. Que fais-tu là bon sang?
Maussade, j'essaye de le repousser en vain. Je suis sûre que j'ai un bleu sur la fesse maintenant mais, un de plus ou un de moins, ça ne change pas grand chose. Lasse et manquant de sommeil, je finis par le laisser faire. D'une main, je lui caresse la tête. De l'autre, je me protège comme je peux.
Une voix masculine l'appelle alors l'animal se redresse tout en restant à côté de moi. Eliott apparaît, affolé.
— Je suis désolé, je suis allé couper du bois et il a disparu dans la forêt, bafouille-t-il.
— Pas grave, marmonné-je en me redressant.
Époussetant mon pantalon et essuyant mon visage avec la manche de mon manteau, je continue ma marche dans le sens opposé. Chester me suit malgré les protestations de son maître. Enfonçant mes mains dans mes poches, je n'y fais pas vraiment attention. Je m'enfonce dans les arbres sans regarder derrière moi.
— Tu vas te perdre Auxanne, s'inquiète Eliott qui est obligé de suivre son chien.
— Rien à foutre.
Je presse le pas, Chester s'adapte à mon rythme. Boitillant légèrement à cause de ma chute, je fais mine de rien. J'ai fait un gros effort en allant à sa rencontre, il n'a pas l'air de s'en rendre compte.
— Tu as pleuré. C'est à cause de moi? s'enquiert l'homme derrière moi, anxieux.
Je ne lui réponds pas, bornée. Sauf qu'il m'attrape l'épaule en me tournant brusquement vers lui. Instinctivement, je fuis son regard, mal à l'aise. Il me relâche alors, je croise les bras en attendant qu'il s'exprime.
— Pardonne-moi, je t'en prie. C'est pour-
— Je m'en fiche, le coupé-je. Me dire de dégager, tu n'étais pas obligé, m'agacé-je.
— Ce n'est pas ce que j'ai dit, se défend-il en fronçant les sourcils.
— C'est du pareil au même.
Il ne répond rien alors, nous nous défions du regard pendant de longues secondes. Lorsque j'avance d'un pas, il ne bouge pas d'un pouce. Son regard bicolore me sonde intensément, l'air triste.
— Je voulais juste discuter Eliott, pas te sauter dessus, affirmé-je.
Il baisse les yeux, gêné. Chester s'assoit à côté de nous en nous observant tour à tour, plusieurs fois. La discussion prend une tournure sérieuse. Si bien que je ne perçois plus aucun bruit, si ce n'est la respiration saccadée d'Eliott.
— J'ai peur de ce qu'il pourrait t'arriver, murmure la personne face à moi.
— Que pourrait-il m'arriver, selon toi? m'informé-je, radoucie.
— De mauvaises choses.
— Pas de bonnes? Je suis sûre que si.
Il relève le visage afin de pouvoir me regarder droit dans les yeux. Il semble en plein dilemme intérieur, comme tiraillé entre plusieurs solutions. Complètement désorienté. C'est comme si une partie de lui le prier de m'accepter et que l'autre, lui hurler de refuser.
— Je ne sais pas, balbutie-t-il.
— Alors, pour quelle raison me rejettes-tu? Je ne te veux rien de mal.
Imperceptiblement, je me rapproche encore de lui. A présent, nous respirons le même air. Du coin de l'œil, je vois Chester se retourner pour être dos à nous, comme s'il savait ce que je m'apprêtais à faire. En réalité, j'agis plus selon mon instinct que selon une réflexion poussée. Sur un coup de tête, comme d'habitude.
— Si je t'embrassais maintenant, que ferais-tu? m'enquiers-je.
Ses yeux s'écarquillent, il a un léger mouvement de recul avant de revenir de lui-même vers moi. Son visage est teinté de rouge tandis que ses mains semblent bouger sans l'autorisation de leur propriétaire. Il bégaye, perdant ses moyens tandis que je penche légèrement la tête en attendant une réponse qui ne vient pas. Alors, je décide d'aller la chercher moi-même.
Posant ma main sur sa joue et l'autre sur sa nuque, je me dresse sur la pointe des pieds afin de me trouver à son niveau. Sa respiration s'accélère, il ne bouge pas. Je dépose mes lèvres sur les siennes une fraction de seconde. Surpris, il reste immobile, ne sachant pas quoi faire.
— C'est à moi de le faire? chuchoté-je.
Soudainement, il fronce les sourcils en secouant négativement la tête. Ses bras s'enroulent autour de ma taille avant qu'il ne m'embrasse enfin. Merde, je ne pensais pas qu'il serait si sûr de lui... Sa bouche se fait possessive contre la mienne. Il ne tarde pas à approfondir le baiser, faisant danser nos langues ensemble. Il me serre fort contre lui tandis qu'il m'embrasse toujours plus intensément. Je tire légèrement sur ses cheveux. Grognant dans ma bouche, il m'arrache un gémissement plaintif. Lui qui paraît si réservé s'avère bien plus à l'aise que je ne l'imaginais. Il me laisse quelques secondes de répit avant de reprendre possession de mes lèvres. Encore et encore. Comme s'il n'attendait que ça depuis le début. Sa barbe pique agréablement mes joues tandis que ses mains empoignent fermement mes hanches. Ses lèvres fines semblent à leur place sur les miennes. Son baiser ressemble autant à une caresse qu'à une nécessité, produisant un mélange très agréable.
Finalement, il s'écarte en posant son front sur le mien. Reprenant nos souffles, nous conservons nos paupières fermées. Me blottissant contre lui, il me conserve fermement dans ses bras. Je n'avais jamais vécu de premier baiser aussi passionnel et possessif que celui-ci. Ni aussi surprenant. J'ai déjà envie qu'il recommence tant je me suis sentie en confiance.
— Et maintenant? murmure finalement Eliott comme s'il avait peur de briser quelque chose.
Ses sourcils sont froncés. Il donne l'impression de réaliser peu à peu ce qu'il vient de se passer entre nous. Personnellement, je ne le regrette pas du tout puisqu'au fond, c'était ce que je souhaitais.
— Tout ne dépend que de toi, affirmé-je. De mon côté, tout va bien.
Il me repousse doucement alors je prends peur. Sauf qu'il souhaitait simplement pour voir me regarder dans les yeux. Son regard, intrusif, me paraît extrêmement grave alors, je lui donne mon entière attention.
— Il faut juste que tu me promettes deux choses.
— Tu es exigeant, souris-je. Je t'écoute.
— Lorsque je te dis de rester dans la maison ou de ne pas sortir, ce n'est pas parce que je veux avoir du pouvoir sur toi mais parce qu'il en va de ta sécurité. Tu comprends?
J'acquiesce, intriguée. Il cale une mèche rebelle derrière mon oreille puis continue.
— Si c'est pour que tu t'en ailles définitivement ce week-end, cela ne sert à rien. Autant pour moi que pour Lexie.
— Eliott, je dois rentrer dans une semaine pour mon travail mais cela ne signifie pas que tout est terminé pour autant. Je peux revenir tous les week-ends. Vous pouvez venir aussi. Ce n'est pas de la courte durée que je cherche. Je veux quelque chose sur le long terme, expliqué-je.
— D'accord, souffle-t-il. Pardon, pour t'avoir parlé comme ça tout à l'heure.
— Ce n'est pas la fin du monde, affirmé-je.
— Mais je t'ai fait pleurer, insiste-t-il en me serrant plus fort contre lui.
— Tu n'as pas fait exprès.
On m'a fait bien pire, pour me mettre dans un tel état. Eliott cherchait simplement à se protéger, il s'y est mal pris. Néanmoins, ce qui fait que je ne lui en veux pas, c'est qu'il a conscience d'avoir mal agi. Cela change tout, pour moi. Il baisse les yeux, mal à l'aise.
— Ce n'est pas la peine d'essayer de voir mon décolleté, je porte une écharpe, plaisanté-je.
Il redresse vivement un visage rouge, me faisant éclater de rire. Chester aboie joyeusement, se dressant sur ses pattes arrière pour s'appuyer sur son maître qui manque de basculer. Notre bulle hors du temps éclate, en nous laissant tous les deux un peu désemparés.
— Hey, ne blesse pas deux personnes dans la même journée quand même.
— Il t'a fait mal? s'alarme Eliott qui tente tant bien que mal de gérer son chien.
— Il m'a juste fait glisser alors je suis tombée, rien de grave. On peut rentrer? Je commence à avoir froid.
Il hoche rapidement la tête puis je le suis. Effectivement, sans lui, je serais complètement perdue parmi tous ces grands arbres. Les sapins immenses nous dominent de leur hauteur, se ressemblant tous. Sur le chemin du retour, j'attrape la main d'Eliott, mine de rien, et c'est lui qui entrelace nos doigts sans un mot. Il semble parfaitement savoir où il se dirige.
— Lexie dort encore? m'enquiers-je.
— Aux dernières nouvelles, oui.
Au passage, il récupère un sac de bûches. Nous montons les marches, il déverrouille la porte puis s'efface afin de me laisser passer. J'entre dans cette maison que j'apprécie tant et, à nouveau, l'effluve de la cheminée m'entoure. Eliott s'y dirige avant de rajouter du bois dans le feu. Je prends place sur le canapé, Chester allongé à mes pieds.
— Tu as lu ma dernière lettre, avant de venir? s'informe-t-il.
— Oui, et je garde le pull.
Il se tourne vers moi, souriant, avant d'acquiescer. Les flammes reprennent face à moi, dansant ce qui s'apparente à de la salsa, je crois.
— Dis, elles dansent quoi selon toi? questionné-je en désignant le feu.
Ses yeux vairons m'observent avec consternation tandis que je me rends compte de l'absurdité de ma question. Je m'apprête à m'excuser sauf qu'il me devance :
— La valse.
Surprise qu'il me réponde quand même, je souris grandement. Il ne me regarde pas comme si j'étais folle et, je dois avouer que cela me fait beaucoup de bien. J'ai bien conscience d'être maladroite dans mes propos, parfois un peu excentrique sur mes questionnements. Beaucoup me l'ont reproché, affirmant que j'étais restée une gamine. Sauf que le fait qu'Eliott ne me fixe pas avec ce regard de dégoût me libère d'un poids immense. J'ai toujours été ainsi, je n'ai pas envie de changer ma façon de voir les choses pour faire plaisir aux autres.
— C'est vrai, tu as sûrement raison, dis-je doucement en tapotant la place à côté de moi.
Il s'y installe, faisant discrètement en sorte que nos genoux se frôlent. Je profite du fait que Lexie dorme encore pour discuter tranquillement avec son oncle.
— Pourquoi tu l'appelles Post-it? m'informé-je.
— Parce qu'elle a les cheveux jaunes, qu'elle est petite et collante, m'explique-t-il.
Je me mets à rire puisque lorsqu'on y pense, c'est plutôt logique. Surtout : qu'il a parfois la même vision que moi sur la vie.
— Et si elle avait été brune?
— Oh, j'aurais trouvé autre chose, s'amuse-t-il.
Il joue avec mes doigts sans jamais les lier avec les siens. Là, devant ce feu, entourée d'Eliott et de Chester, Lexie dormant pas très loin, en plein milieu de la forêt. C'est précisément ici que se trouve ma place.
J'espère ne pas me tromper, encore.
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Bonjour!
J'espère que ce chapitre vous aura plu?
Les deux demandes d'Eliott?
C'est ici que votre avis m'est TRÈS important. Je suis à l'écriture du chapitre 16 et je bloque sur la tournure de l'histoire. C'est la première fois que je fais ça mais, je peux la faire évoluer de plusieurs façons et je ne sais pas pour laquelle opter. Si vous pouviez m'aider, cela serait génial! Alors :
Selon vous, leur relation est-elle arrivée trop rapidement? Trop tardivement? Je compte la faire évoluer progressivement, au vu du caractère d'Eliott.
L'évolution d'Eliott est-elle trop lente? Celle d'Auxanne? Sachez que j'ai pas mal d'idées pour cette histoire alors, je prends mon temps pour les personnages. Vous n'êtes même pas au quart de l'histoire :)
Comment caractérisez-vous leur relation, en quelques mots? Je sais qu'ils viennent à peine de s'embrasser pour la première fois sauf que, vous avez déjà vu comment ils agissent ensemble dans les chapitres précédents!
J'ai décidé de rapprocher le moment des révélations d'Auxanne. Il me paraissait trop loin finalement donc, vous l'aurez dans quelques chapitres. Quant à Eliott eh bien, prenez votre mal en patience, ça viendra!
Si vous avez d'autres remarques, n'hésitez pas :)
Je vous dis à mercredi (si je peux poster, je ne peux rien promettre) pour le prochain chapitre!
Fantine
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