Au fil des jours, je constatais que nous étions les trois seules expatriées du quartier - ce qui n'était pas pour me déplaire.

Lulu, en revanche, avait un peu plus de mal. L'agitation, la pollution, la crasse des rues, et les manières vietnamiennes - reniflements bruyants, raclements de gorge à qui mieux mieux - la dégoutait. Et puis la nourriture française - pain, fromage, charcuterie, vin - lui manquait. 

Moi au contraire, j'ouvrais de grands yeux curieux, prête à m'imprégner de la moindre nuance de couleur, d'odeur, de bruit. J'y voyais un festival pour la stimulation des sens, et la différence de culture me fascinais.

Pour rien au monde je n'aurais échangé ces instants privilégiés qui rythmaient mon quotidien - des moments gravés à jamais dans mon coeur et ma mémoire. 

Le matin aux alentours de huit-heures trente en attendant mon grab, le sourire édenté mais chaleureux du gareur de scooter d'en face - un petit bonhomme aux rides saillantes et à la peau basané en pantalon bleu marine, et à la chemise bleu ciel . Ses grands gestes de la main, enthousiastes et énergiques : "Bonjour ! ", "Bonne journée ! " semblait-il me crier. Il ne parlait pas français, mais son regard parlait pour lui. Parfois un regard vaut mille paroles.

Et que dire des deux petites dames d'âge murs aux traits tirés par la fatigue qui jouaient au loto, à quelques mètres à peine de mon lieu de travail ?  Pauvres mais toujours très élégantes - un chapeau conique sur la tête, un ensemble leggings et chemise à fleurs colorés, et des bracelets de jade s'agitant aux poignets - elles vendaient de petits objets en bord de route, un peu de tout à l'image de ces vendeurs ambulants que l'on retrouve sur les trottoirs des Galeries Lafayette en France. Jamais personne ne s'y arrêtait, pourtant elles restaient toujours là, souriantes et fidèle au poste, à jouer au loto guettant du regard un client potentiel qui n'arriverait jamais.

Dix huit heures... le moment ou le soleil descends dans le ciel, marquait la fin de ma journée de travail. J'errais alors au hasard des rues profitant de ce doux éclairage sous lequel HCMC se pare de ses plus beaux atours. 

On ne peut pas dire que marcher dans une ville comme HCMC était très agréable, pourtant j'adorais marcher, comme pour prendre le temps de m'imprégner pleinement d'une rue - son architecture, son atmosphère, ses odeurs, ses bruits. 

Aussi, je rentrais toujours à pieds - le trajet ne durait qu'une trentaine de minutes tout au plus. Le Vietnam est un pays qui se voit : Je m'émerveillais du nombre de petits marchés à ciel ouvert, les fruits éparpillés sur des bâches à même le sol, avec ces curieuses petites balances vertes aux airs moyenâgeus. . Bananes, fruit du dragon, mangue, pastèque, ananas,

Le Vietnam est un pays qui se sent :  odeur des grillades, des fruits. 

Le Vietnam est un pays qui s'écoute :  découverte magasins de mannequins, des fourres tout de bric a broc, d'horlogerie, de bijoux en jade, de claquettes et vêtement cheap, des magasins entiers de mannequins

 Sur le chemin, je m'arrêtais stop indispensable pour prendre mon smoothie de la journée. Ma petite dame au smoothie avec ses deux petites filles, qui vivaient à l'arrière boutique, jouaient sur le devant, la sueur au front dans ses leggings de couleur au t shirt long a fleurs, avec un masque a fleurs. Le Vietnam est un pays qui se vit. 

En arrivant dans ma rue aux alentours de dix-neuf heures, le gareur de scooter endormi allongé sur son scooter, le bidon à l'air dans sa sieste pieds nus, se réveillait comme ayant senti une présence. Il me saluait alors avec de grands sourires tout en se grattant les pieds. Sourires que je ne manquais pas de lui rendre. 

Puis la vie nocturne ! Ah ça la vie nocturne ça plaisait davantage à Lulu ! La vie d'expatriée au Vietnam c'était une vie de grand train. Les ladies nights du mardi et jeudi soirs - ou l'alcool est gratuit pour les filles avant minuit - sur des rooftops au panorama incroyable sur toute la ville. Nadja nous trainait sur des roof top les plus extravagants de la ville.

J'apprenais quelques rudiments de vietnamien : Xin Ciao. bonjour ; Cam on – merci, Xoai - mangue, Sinh To smoothie, était à peu près mon seul vocabulaire...

Au bout de deux mois de ce régime, frustrées lors de nos sorties nocturnes d'être trop éloignées de nos petits camarades du district deux, nous décidions de laisser Nadja pour découvrir un nouveau district. Le fameux district 2.