– Comment ça, il s'est barré ?

De retour à bord de l'Aube, Mel sentait que la situation allait vite devenir incontrôlable.

Après avoir livré les bandits aux autorités ainsi que la marchandise volée, ils avaient livré le colis tant recherché à la guilde où ils purent recevoir leur récompense. Si le sourire qu'affichait alors Théo était plus large qu'il ne l'était déjà, il aurait perdu la partie supérieure de sa tête. Il faut aussi dire que l'état des finances de l'équipe lui donnait des sueurs froides, alors cette rentrée d'argent était salutaire.

Cependant, à leur retour au vaisseau, deux nouvelles les attendait. La première fut annoncée par Sophie, et inquiétait son capitaine.

– Oui, Dark s'est réveillé il y a plus d'une heure, et pétait le feu comme si rien ne s'était passé ! Je l'ai examiné et je n'ai rien trouvé qui sortait de l'ordinaire: tout était normal ! Ça fait peur de voir à quel point c'est facile pour lui de récupérer d'une telle blessure ! Même Mel serait morte sur le coup !

– D'accord, mais ça n'explique pas pourquoi il s'est tiré !

Ceux qui étaient restés à bord du vaisseau pendant que les autres cherchaient la récompense échangèrent un regard gêné. Mélodie comprit que personne ne se déciderait à prendre la parole car ils redoutaient sa réaction. Elle ferma les yeux et prit une inspiration.

– Si dans dix secondes, personne ne m'a expliqué pourquoi Dark s'est volatilisé...

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase. Quand elle décidait de punir quelqu'un, elle ne faisait pas semblant, et ils le savaient que trop bien.

– Sa veste ! s'écria Lisa. Quand il a demandé ce qu'on en avait fait, il s'est figé et nous a lancé un de ces regards ! Il avait l'air complètement paniqué et on ne savait pas s'il allait nous crier dessus ou nous frapper ! Puis il a détalé à toute allure en hurlant un truc sur la stupidité des humains !

– Dark Raven a paniqué ? s'exclama Zac complètement choqué. J'aurais bien voulu voir ça ! Il suffit de lui piquer sa veste, c'est ça ?

– Si tu fais ça, je crois que tu auras le droit à un sort au lieu d'un regard... répondit Cap. Le genre qui te font envier les sanctions de Mel, si c'est possible !

Mel poussa un soupir et fit le point.

– Bon, on doit être à la villa des Éclats Azurés à 8 heures, donc il nous en reste quatre. Cap, fonce en ville avec la bague de Lucie et retrouves moi cet idiot ! Si tu ne l'as pas trouvé à 7 heures, reviens au vaisseau et prépares toi pour ce soir. S'il y a bien une chose dont je suis sure, c'est qu'il ne prendrait pas le risque de voir l'identité d'Athé être révélée. Il sera là, sans faute, mais je préférerai lui parler avant.

Cap récupéra la bague que lui tendait Mel et se précipita vers la ville sur sa planche volante. Snipe en profita pour faire part de ses découvertes.

– Il semble que quelque chose se prépare en ce moment en ville, et toutes les crapules sont nerveux à ce sujet. Ils savent que quelqu'un fait rentrer en ville des objets dangereux et des pièces mécaniques de partout dans le monde. Ils ne connaissent pas l'identité de ceux qui les demandent, mais ça fait des années que ça dure et jamais personne ne les a vu réapparaître après être entré en ville. Donc, peu importe ce qui se prépare ici, ça fait des années qu'on l'organise. Tout le monde ignore ce qui se trame, mais ils savent qu'ils ont intérêt à se tenir sur leurs gardes.

– Ça veut donc dire que quelqu'un d'influent en ville est impliqué... résuma Athé.

– Malheureusement, et je sens que c'est le genre de gros bonnet qui n'aura aucun scrupule à tout mettre en œuvre pour avoir ce qu'il veut. Tu n'as vraiment aucune piste sur son identité, Snipe ?

– Il y a bien une chose que je sais, dit il. Il paraîtrait que la plus récente livraison douteuse a été volée. Vu les détails que j'ai entendu, je suis prêt à parier que c'était ce que vous êtes allé chercher...

– Attends, s'inquiéta alors Théo, tu es en train de nous dire qu'on a aidé en parti à la réalisation d'un plan dont on ne sait rien et qui pourrait avoir de terribles conséquences ? Si on avait su ça plus tôt, j'aurai pu traquer cette caisse avec un sort et régler cette affaire !

– Ça aurait été risqué s'ils avaient découvert ton sort, expliqua Mel. En plus, je ne pense pas que ce sera nécessaire pour trouver l'identité de notre commanditaire...

Plusieurs regards interrogatifs se posèrent sur elle dans l'attente d'une explication. Elle se sentit obligée de satisfaire leur curiosité.

-Il y avait un logo sur la caisse, en dessous duquel il était marqué ''Colis prioritaire !''. Dans ces conditions, je doute fortement que la personne qui a fait rentrer le colis en ville voudrait que ses clients sachent qu'on le lui a volé. Il a donc fait appel à la guilde pour récupérer la marchandise volée en se servant de la balise qu'il avait placé dessus au cas ou. Il n'irait pas aussi loin s'il ne savait pas quel était le contenu de la caisse. Ou du moins s'il en avait une idée.

– Quel était ce symbole ? demanda Athé.

– C'était une couronne de laurier et un taureau, si mes souvenirs sont bons. Reste à savoir si c'est l'icône de la compagnie qui a fait venir le colis ici ou si c'est celui du groupe qui l'avait commandé.

– On pourra toujours lui demander les détails ce soir...

Il y eu un petit moment de flottement. Athéna regardait passivement ses compagnons qui la fixaient avec intérêt. Elle n'avait pas réalisé que l'on attendait à ce qu'elle en dise plus, et se contenta de les dévisager. Zac fut le premier à craquer.

– Tu vas nous dire ce que tu sais, oui ou non ? s'énerva-t-il.

La déesse parut totalement surprise.

– Vous ne saviez pas? Notre employeur nous a invité hier a une une soirée.

– Quoi, Drudite ? s'étonna Lisa. C'est lui qui nous a engagé, t'es sûr ?

– Certaine. La description du logo correspond à celui de la compagnie d'import/export de Drudite, ''Bulls express''. Il devait ignorer que nous avions accepté sa mission quand il nous a invité hier.

– Ouais, ben il ne va pas tarder à le découvrir, je le sens, soupira Snipe. D'ailleurs, ça ne va pas tarder à devenir un fait connu en ville, alors j'espère que Drudite n'est pas derrière ce qui se prépare.

– C'est sûr, parce que s'il manigance un truc qui peut détruire la ville, ce n'est pas dans nos intérêts que l'on sache qu'on l'a aidé.

– Plus cette affaire avance, moins je l'aime... marmonna Mel. Tout compte fait, ça tombe bien que l'on doit rencontrer les notables de la ville ce soir: nous pourrons trouver de nouvelles pistes en les surveillant.

– Oui, intervint Sophie, d'ailleurs, à ce sujet, suis moi ! On doit se préparer !

– Tu n'as pas besoin de m'aider, je sais m'habiller toute seule !

– Ma pauvre chérie ! Si tu sais comment te faire belle pour massacrer les brigands, tu as encore beaucoup à apprendre pour ce qui s'agit du comportement à adopter dans les hautes sphères ! Tu ne peux pas te pointer habillée comme pour chasser les monstres ! Je sais que tu déteste ça, mais il va falloir changer ton code vestimentaire pour cette fête !

L'attrapant par le bras, elle traîna Mel qui tentait de se dégager et se dirigea vers sa chambre.

– Suivez nous, les filles, j'aurais besoin de renfort pour cette mission. Quand à vous les gars, tachez de vous rendre un tant soit peu présentables.

– Au secours !

Les demoiselles disparurent en emmenant leur victime qui ne pouvait pas s'échapper.

– Parce qu'ils leur faudra plusieurs heures pour se préparer ? s'étonna Théo. Vraiment ?

– Je sais pas, lui répondit Al qui avait les mêmes connaissances que lui du mode de pensée des demoiselles. C'est un truc de femme, ça !

– Bon, on fait quoi en attendant, nous ?

***

Six heures sonna. Tandis que l'équipage de l'Aube se préparait du mieux possible à la soirée, Storm comptait profiter finalement d'un bref moment de repos. Les procès du jour avaient été fatigants et elle avait ensuite dû aller à une réunion aussi barbante qu'inutile.

Il ne restait plus que deux heures avant le début de la soirée à la villa, et elle ne pouvait pas se défaire ce cet engagement. Tout en marchand en direction de son bureau, elle rêvait d'un monde sans élite snobinarde qui prend le reste du monde pour de la vermine et qui a au final autant d'utilité qu'une boite d'allumettes contre un dragon. Tout ce qu'elle voulait, c'était dix minutes au calme, sans personne pour la déranger, où elle pourrait ignorer les problèmes du monde.

En arrivant devant son bureau, elle se rendit compte que l'univers avait une fois de plus ignoré ses désirs personnels. Sillas faisait les cent pas, cherchant un moyen d'expliquer cette situation sans lui même la comprendre.

– Je sais que je n'ai pas de rendez-vous de prévu aujourd'hui, alors que faites vous là ?

– Parce qu'il a dit qu'il était un rendez-vous à lui tout seul... parvint à expliquer son secrétaire.

Redoutant ce qui l'attendait, elle ouvrit la porte et dévisagea la personne qui s'était mis à l'aise dans son fauteuil.

– Je vois pourquoi tant de personnes envient votre travail ! l'accueilli-t-il. Ce fauteuil est tout bonnement divin !

– Magnifique... Juste ce qu'il fallait pour rendre cette journée parfaite...