Chapitre 8: Oiseaux de mauvaise augure (Partie 2)
– Aaaah !
Dans une maison d'un paisible village, une jeune nymphe se réveillait en criant, couverte de sueur. Sa famille se rua dans sa chambre. Pour eux, ça n'avait rien de nouveau, ils savaient que cela arriverait lorsqu'elle s'était effondrée un peu plus tôt dans la journée. C'était de cette manière que Solange avait ses visions depuis toute petite. Au début, personne dans le village ne la croyait, mais à force de se réaliser sans faute, tous finir par croire en ses présages. Nul ne connaissait les origines de ce don, mais il lui avait valu beaucoup de respect dans la communauté.
Son père, inquiet de la voir aussi effrayée pour la première fois après avoir eu une vision, lui demanda ce qu'elle avait vu. Elle passa ses mains dans ses cheveux verts et se serra la tête en claquant des dents.
– C'était... horrible ! Du sang... des flammes... des cris... J'ai vu le village en ruines ! Puis je les ai vu, tous les deux ! Ils se battaient, leurs forces étaient telles que tout autour dépérissait ! Ils sont si puissants... Rien ne peut les arrêter !
– Qui ça ?
Solange se concentra, puis décrivit son rêve.
– J'ai vu deux oiseaux se battre. L'un d'eux était une chouette en armure. Elle se battait férocement, ne se souciant pas des personnes qui périssaient sous ses coups...
– Quand est il de l'autre ? demanda son père.
– Il était similaire... et différent. Tout comme la chouette, il était terrifiant, mais... il semblait se soucier des gens, et semblait nous protéger tout en se battant. C'était... un corbeau ! Un corbeau au plumage plus sombre qu'une nuit sans lune !
***
– Alors, ravi ?
– Très ! chantonna Dark en admirant sa veste. C'est incroyable, on ne voit même pas les marques de couture !
– Sophie est la plus douée d'entre nous avec une aiguille, que ce soit en couture ou pour refermer une plaie !
Dark enfila avec joie son manteau remis à neuf, puis il vérifia que tout allait bien. Il se dit qu'il n'aurait pas besoin de camoufler son manteau avec sa magie.
– C'est étonnant de penser que quelqu'un d'aussi petit puisse porter une veste aussi longue... se moqua Cap.
– Petit ? s'étonna Dark en se retournant. Je ne suis pas si petit que ça ! Faire un mètre cinquante neuf, c'est être dans la norme ! Ce sont ceux qui me dépassent qui sont étrangement grands !
– Alors comme ça, ma taille est étrange ? lâcha Zac en se dressant de toute sa hauteur.
Dark soupira et laissa s'échapper un petit sourire moqueur.
– Tu vois, c'est parce que des types comme toi me tendent constamment ce genre de perches que je me retrouve aussi souvent dans des situations compliquées... Je ne suis pas responsable !
– Tu ne le serais pas si tu ignorais cette tentation, fit remarquer Théo en empêchant Zac de raccourcir encore plus Dark de son poing.
– Mais j'adore les défis ! Quand une personne m'offre une telle occasion, je ne peux pas m'empêcher de vérifier si je peux en tirer quelque chose !
– C'est quand même étonnant que l'on puisse concentrer autant d'impudence dans un corps si petit et maigre, constata Mélodie en se dressant devant Dark.
Il allait rajouter quelque chose, mais se ravisa quand il constata que pour regarder Mélodie dans les yeux, il devait légèrement lever la tête. Les autres pouffèrent de rire.
– Descends donc de tes échasses avant d'attaquer quelqu'un sur sa taille ! Sans elle, je suis...
– Aussi grande que toi ? Ce n'est pas ma faute si mes bottes ont des talons trop hauts pour toi, mon petit corbeau ! ricana Mélodie en le regardant littéralement de haut.
– D'après les dossiers médicaux, Dark est le quatrième membre le plus petit de l'équipage ! annonça Sophie en faisant mine de cacher son sourire sadique.
– À part le capitaine, seuls les enfants sont plus petits que lui ! résuma Al, le sourire aux lèvres.
– Oh, attends quelques années, et même Lucie finira par le dépasser ! plaisanta Snipe.
Pendant que les autres s'étouffaient de rire, Dark commença à bouder dans son coin.
– Ce n'est pas ma faute, si je suis apparu avec ce corps... gémit-il.
– C'est vrai que ça ne doit pas être facile... admit Sophie. Ton examen montre que ton corps est celui d'un homme d'environ vingt-trois ans, mais vu de l'extérieur...
– Que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur, il a l'air d'un gamin de dix ans ! se moqua Zac. Parce que niveau âge mental...
– Merci, Zac, de me rappeler que, dans ce domaine là au moins, je ne suis pas le plus désavantagé de l'équipage...
Zac cessa de sourire et fixa Dark qui lui avait retrouvé le sien.
– Tu saisis toutes les occasions, hein Dark ? dut reconnaître Théo.
– Tu as conscience que ton comportement est très immature ?
– Oui, et alors ? Contrairement à bien des personnes qui se forcent à jouer un rôle pour sembler mature, je sais rester moi même, et je m'en porte très bien ! À mes yeux, les personnes les plus immatures qui soient sont celles qui insistent sur cette notion, comme s'ils cherchaient à convaincre leur entourage de leur maturité. Quand je les vois, ils me font penser à des enfants qui se bouchent les oreilles en chantant à tu-tête pour ne pas écouter une vérité qui les dérange... Vous avouerez que c'est assez puéril...
Cet argument aurait normalement valu des commentaires des autres personnes présentes, mais ils se rendirent compte que le regard de Dark n'affichait ni moquerie, ni mépris. C'était celui d'une personne qui avait vu le monde sous un angle que nul autre n'avait vu, qui comprenait ce qui ne pouvait pas l'être par d'autres.
Ils connaissaient tous ce regard, car, ayant vécus plus de choses que bien des personnes ne font normalement, ils pouvaient observer le monde tel qu'il était, pas comme ils voulaient qu'il soit.
– Enfin, cessons ces discours philosophiques, sinon Zac finira par griller les quelques neurones qui lui restent... soupira Dark.
– Tu sais ce qu'elles te disent, mes neurones ?
– Qu'elles sont en vacances depuis longtemps ?
– Passons, souffla Mélodie en ignorant la dispute. Cap, tu connais notre destination, alors trouves nous la meilleure trajectoire. Nous partirons dès que possible.
– Bien reçu ! obéit le pilote en regardant Zac soulever la table pour frapper Dark avec. Le voyage risque d'être mouvementé...
***
Trois heures s'écoulèrent. Zac était toujours remonté contre Dark, donc ce dernier avait décidé de faire profil bas quelques temps. Il fut trouvé par Lisa qui lui proposa d'aller visiter son atelier afin de lui montrer ce sur quoi elle travaillait. La perspective d'aller dans une pièce où Zac ne mettrait pas les pieds enchanta Dark qui accepta, tout de même curieux de savoir ce qui l'y attendait.
– Et ta capitaine n'a pas de problème avec le fait que tu utilises une salle aussi grande ?
Le dit atelier était gigantesque, trois navettes de petite taille reposant dans un coin sans encombrer la pièce. Le sol était jonché de pièces en tout genre, rendant tout déplacement compliqué, surtout quand il fallait éviter d'écraser des appareils de toutes sortes. Le ténébreux n'osa pas imaginer la bazar que devait être la chambre de l'adolescente.
– Bien sur que non ! Ce que je fais ici est utile pour tout le monde, alors c'est normal que l'on me donne de la place ! Tu devrais voir le labo de mon frère, par contre, il est encore plus grand ! Il n'en a pas l'air, mais il est super intelligent, peut être autant que toi ! Il travail sur de nouveaux sorts et en améliore d'anciens !
– Je suis loin d'être aussi brillant, reconnut Dark. Mon seul mérite, c'est d'être venu dans ce monde avec la tête remplie de toutes sortes de savoirs. Je serais incapable d'apprendre autant de choses par moi même et je ne pourrais pas créer un sort qui n'existait pas ! Je trouve que ton frère est impressionnant pour son âge !
– Mais il ne faut pas oublier sa géniale petite sœur sans qui ce vaisseau aurait rendu l'âme depuis longtemps ! clama Lisa avec fierté.
– En fait, je ne vois ici que des personnes qui excellent dans leurs domaines respectifs, c'est plutôt étonnant... Vous avez même un râleur de toute première catégorie !
Lisa explosa de rire à la boutade de Dark, voyant parfaitement à qui il faisait allusion.
– Ça, c'est bien vrai ! T'imagines pas combien il peut être soûlant, parfois ! Si on l'écoutait, on serait tous des zombis encore plus stupides que ceux de Vilodas !
Ils rirent en s'imaginant la scène. Pour Lisa, l'expérience d'il y a quelques jours ne lui paraissait plus aussi effrayante. Depuis, elle sentait que plus rien de mal ne pourrait leur arriver tant que Dark serait là.
– D'ailleurs, qu'est ce que des génies de votre trempe font ici ? Ayant grandis à Moscou, l'une des trois capitales de l'avancée technologique, tu aurais pu à toi seule subvenir à vos besoins !
Lisa cessa de rire et fixa Dark. Puis elle regarda au loin et sourit.
– C'est vrai que mon frère n'aurait pas fait fortune, là bas... D'accord, il y a une école de magie à Moscou, mais ce domaine est plutôt mineur dans une ville de sciences. S'il avait grandi dans une ville de magie, il aurait eu le droit au même prestige que j'ai eu.
– Donc, même aux yeux des scientifiques, tu es considérée comme un prodige ?
– Et pas qu'un peu ! Et c'est grâce à ça qu'on a pu survivre. Je n'ai jamais connu nos parents, et on ne m'en a que très peu parlé, je ne me souviens même pas leurs visages... Mais mon frère m'a dit que comme mon génie s'était manifesté très tôt, nous avons été pris en charge par le meilleur labo de la ville. Ils ont gardé mon frère prés de moi seulement pour pouvoir mieux me contrôler, mais au moins on était ensembles, ça me suffisait ! Malheureusement, mes capacités faisaient de plus en plus d'envieux, donc, plus le temps passait, plus j'étais en danger. Mon frère l'a compris, alors il m'a emmenée loin de cette ville. Ça aurait du être impossible vu la sécurité, mais les responsables sous– estimaient la magie, vu qu'avant mon frère, aucun magicien né à Moscou n'était particulièrement doué. On a profité de ça pour s'enfuir, puis on a voyagé d'un pays à l'autre, obligés de fuir à chaque fois que l'on apprenait la valeur de nos compétences. Cet enfer a duré deux ans...
Dark regarda la jeune fille en silence. Son expression normalement joyeuse s'était assombrie alors qu'elle revivait la partie la plus pénible de sa vie. Le Roi ne pouvait que trop bien deviner les défis qu'avaient du surmonter deux enfants seuls dans un monde chaotique.
– Puis, Mel et les autres vous ont recueillis... finit-il par murmurer.
– Quand ils nous ont trouvé il y a trois ans, on était sur nos gardes, prêts à fuir. Mais dès qu'ils ont découvert ce dont on était capable, ils étaient quasiment à genoux, en train de me supplier de réparer leur vaisseau en panne depuis trois mois !
Cette pensée amusa Dark. Il se demandait comment ils avaient fait avant la venue de ces deux là, mais il était loin de se douter que c'était aussi désespérant.
– Après ça, on avait compris qu'on n'avait plus besoin de fuir, puisqu'ils voulaient aussi échapper à leur passé.
– Oui, je me rends compte que c'est un thème récurrent, chez vous...
– Enfin, en trois ans, à part réparer des trucs et faciliter la vie des autres, je n'ai rien pu faire de bien utile, alors je travaille sur ça à présent !
Bombant le torse à tel point que le ténébreux s'attendait à la voir quitter le sol, elle se tourna vers une gigantesque ombre dans un coin de la pièce et tira sur une bâche. Dark fixa avec horreur ce qui s'y cachait.
– Mais... C'est quoi cette monstruosité ? s'écria-t-il en faisant quelques pas en arrière.
– Ça, expliqua Lisa avec un large sourire, c'est Rust !
***
Le lendemain, l'Aube reprit sa route vers le sud. Le navire arriva en orée d'un village en milieu d'après-midi et l'équipage décida d'y faire une halte pour marcher un peu et prendre l'air.
– Bon, on s'arrête ici pendant deux heures, prévint le capitaine. Ceux qui ne sont pas de retour d'ici là devront changer de carrière et devenir fermiers, compris ?
– Oui, chef ! répondirent avec plus ou moins d'entrain ses subordonnés.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro