Chapitre 10: Sous un ciel d'ébène (Partie 1)
Après le départ des mercenaires, le calme revint dans le village. Ou du moins, pour une courte durée. Un aspect des mortels sur lequel Dark ne s'était pas attardé un peu plus tôt était son besoin incessant de toujours chercher la petite bête. Certes, ils avaient tous survécus. Certes, comme ils avaient commencé à évacuer leurs biens les plus précieux dés l'annonce du désastre, les dégâts matériels se limitaient aux maisons. Cependant, ils n'avaient plus d'endroit où continuer à vivre et où ranger leurs affaires. Deux bons cotés contre un seul mauvais: on peut d'ores et déjà deviner sur quel point ils focaliseront leur attention.
– Et ils partent comme ça ? Après avoir ravagés la ville sans raison ?
– On est au beau milieu de nul part, il n'y a rien à des kilomètres à la ronde, et c'est ici qu'ils vont se foutre sur la gueule ? Il n'y avait pas assez de place dans les environs ?
Le problème avec l'univers, c'était que les combats dont dépendent l'avenir du monde avaient tendance à se dérouler là où il y aurait quelqu'un pour témoigner de sa véracité. À quoi bon avoir une confrontation aussi importante si son résultat devait rester dans l'ombre. Malheureusement, la région étant principalement peuplée d'animaux et de créatures incapables de raconter le déroulement de la bataille, le destin n'eut d'autre choix que choisir les pires spectateurs, ceux qui se moquaient du résultat d'une rencontre sportive, n'étant venus que pour voir les fautes et huer les joueurs.
– Mais qu'est ce qu'il a foutu, le type en noir ? se plaignit un vieil homme. Il avait réussi à attirer l'autre pouffiasse loin d'ici, puis il ramène le combat en plein milieu de la place centrale ! Il a foutu n'importe quoi !
– Sauf que le village aurait disparu s'il n'avait pas bloqué cette attaque ! s'exclama un jeune homme.
– S'il avait vraiment essayé, elle n'aurait pas eu le temps de lancer son coup ! critiqua le vieillard. Quelle soit divine ou pas, son adversaire était une femme !
– Et ça veut dire quoi, ça ? demanda sa femme, laissant entendre qu'il devra cuisiner lui même ses propres repas pour la prochaine semaine.
Le vieil homme se rétracta, de peur de dire quelque chose qui lui vaudrait aussi de faire la lessive.
– Bon, on dirait que l'un d'eux est quand même mort, c'est déjà ça... constata un villageois en fixant une dépouille difforme à ses pieds qui avait l'air d'avoir été écrasée par une grande force.
– Hé, il y en a qui sont encore en vie ici ! cria un homme plus loin.
Les villageois se dirigèrent vers un groupe d'hommes armés et inconscients.
– Hé ben, qu'est ce qu'ils se sont pris ! constata une large femme, tout en se demandant s'il était normalement possible pour certains membres de se plier ainsi.
– Mais c'est quoi ce bordel ? demanda un autre vieil homme en dévisageant le seul combattant encore conscient, bien qu'il était coincé dans ce qui semblait être une épaisse gelée verte.
– Je les reconnais ! s'écria le premier vieillard. Ils étaient à bord du vaisseau qui a attaqué celui qui brillait !
– Donc, s'ils avaient attendus avant de lancer leur assaut, ils se seraient tapés dessus plus loin ?
De nombreux regards noirs se posèrent sur ceux qui serviront à calmer leur colère.
Dans son abri organique, le dernier rescapé trembla de peur, sachant qu'il ne pourra pas repousser le groupe de villageois qui commençait déjà à s'approprier les armes de ses compagnons. Ils se demandait combien de temps le sort allait durer, la perspective d'y mourir étouffé semblant de plus en plus alléchante.
– Allez chercher des chaînes ! On ne va pas les laisser s'échapper avant qu'ils nous aient aidés à reconstruire ce qu'ils ont détruit !
Tous les villageois reconnurent le ton utilisé et semblèrent apprécier ce plan.
Plus loin, Solange observait la scène en soupirant. Elle savait que les mercenaires s'étaient battus pour protéger le village et ses occupants, ainsi que le reste du monde. Cependant, elle n'expliqua pas la situation aux autres. Après tout, s'ils se souciaient de leur reconnaissance, ils seraient restés, n'est ce pas ?
***
Athéna ouvrit les yeux dans une salle au plafond et aux murs blancs. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle était encore en vie, persuadée que Dark Raven l'aurait tuée. Elle se redressa, constatant que ses blessures avaient disparues.
– J'espère que tu es calmée...
Athéna tourna son attention sur Mélodie Hawk qui était assise en face d'elle, les bras et les jambes croisées. À côté d'elle se trouvait Dark qui se faisait soigner par Sophie. La déesse les dévisagea d'un regard vide alors que son visage ne trahissait aucune émotion.
– Pourquoi ne m'avez vous pas tuée ? À votre place, je n'aurais pas hésité...
Soulagés de voir que ses pulsions belliqueuses s'étaient calmées, les mercenaires poussèrent un soupir avant de reprendre la parole.
– Ça, on s'en doute bien... lâcha Mélodie. Par contre, nous, on n'a pas l'habitude d'égorger les gens dans leur sommeil...
Athéna examina la salle et réalisa que son armure ainsi que sa lance et son bouclier étaient posés contre un mur.
– Nous n'avons pas l'intention de te faire prisonnière, mais j'avoue que tout dépendra de ta réaction à ce que va dire Dark...
La déesse baissa les yeux, serrant les draps dans ses mains crispées de frustration.
– Que pourrais tu me dire qui saurait racheter mes fautes ?
– Les mots d'un inconnu ne peuvent pas racheter une erreur... reconnut Dark. Cependant, on ne peut juger un acte sans tout savoir...
– Et tu penses que tu sauras donner un sens au sang que j'ai fait couler pour obtenir le pouvoir de mon père ? s'énerva Athéna alors que des larmes perlaient dans le coin de ses yeux. Si tu savais combien d'innocents j'ai...
– Ton père désirait sincèrement protéger les mortels.
Athéna se tut et dévisagea le Roi des Ténèbres alors qu'il continuait à parler.
– Bien sûr, c'était principalement parce qu'il aimait la compagnie des humaines qu'il fréquentait souvent...
– Je suis sûre que vous vous seriez bien entendus, tous les deux... marmonna Mélodie.
– ... mais il voyait quelque chose dans les mortels. Un potentiel intouché que certains auraient redouté, mais pas lui. Il considérait qu'un jour, ils deviendraient capables d'accomplir de grandes choses impossibles pour les dieux eux même. C'est pourquoi il a tenu à protéger les mortels durant cette ère de chaos, allant jusqu'à rallier la plupart des dieux à sa cause. S'il avait continué ainsi, il aurait peut être trouvé une solution pour sauver les mortels, et c'est ce qu'il redoutait.
– Il ? Qui ça, il ?
Dark jeta un coup d'œil à Mélodie qui l'écoutait avec autant d'attention que la déesse.
– Il y a cent ans, une entité s'est réveillée. Moi même, j'ignore qui ou ce qu'elle est. Je ne sais pas où la trouver, mais je sais certaines choses à son sujet. Tout d'abord, ce n'est pas une entité maléfique, mais ça n'en faisait pas quelque chose de bénéfique pour autant. Chacun de ses actes ne sont dictées que par un désir de savoir. Une curiosité sans borne qui a malheureusement compris dans quel monde il pourrait satisfaire son désir.
– Quel sort de monde ? demanda Sophie en fronçant les sourcils.
– Un monde de chaos où rien est certain.
La déesse et les humaines présentes fixèrent le Roi en silence. Elles ignoraient pourquoi, mais elles ne doutaient pas de ce qu'il venait de dire.
– Et c'est donc lui qui a ramené tous les peuples ici ? questionna Mélodie.
– En effet. En ramenant aussi soudainement autant d'être disparates au même endroit, il a pu créer un chaos jamais égalé dans ce monde. Il s'est sûrement délecté des carnages commis, des atrocités perpétrées, ainsi que du sang qui a coulé de façon inédite et divertissante. Je sais qu'il a aussi interféré dans quelques événements majeurs de l'histoire pour qu'ils prennent une tournure qui le divertiraient. Tant que le monde est en proie au désordre, il continuera de jouer avec à nos dépends.
– Et mon père lui faisait obstacle...
Dark dévisagea la déesse et acquiesça.
– Cependant, même s'il était plus puissant que les dieux eux même, il ne pouvait pas intervenir directement. Limité dans ses actions, il ne peut que murmurer dans les oreilles des gens et contrôler leurs actions. Zeus était trop puissant pour être influencé, alors il a changé de stratégie. Ça lui a donné énormément d'efforts, mais il est parvenu à prendre le contrôle d'une déesse.
Athéna baissa la tête et serra sa couverture. Elle avait refusé d'écouter la dernière fois que Dark avait essayé de lui expliquer ce qui se passait, mais maintenant qu'elle était calmée, elle commençait enfin à comprendre ce qui s'était vraiment passé quinze ans plus tôt.
– Il n'avait pas le cœur de tuer sa propre fille, même si elle menaçait sa vie, ajouta le ténébreux. Je crois qu'au fond de lui, il se doutait que tu n'étais plus toi même.
Athéna demeura silencieuse pendant quelques secondes avant de s'adresser à Dark de sa voix monocorde habituelle.
– Comment le tue-t-on ?
Dark dévisagea Athéna, puis ricana un bref instant. La déesse leva la tête et dévisagea le Roi.
– Il faut savoir que cette chose ne laissera rien arrêter son expérience. Certes, posséder une beauté comme toi l'a tellement épuisé qu'il ne pourra sûrement rien faire pour les prochaines décennies, mais il sera toujours un obstacle pour la paix du monde. Or, c'est pour sauver ce monde que nous autres Rois existons. Je pense que tu peux comprendre où je veux en venir...
Les yeux d'Athéna s'éclairèrent alors que le reste de son visage demeurait totalement impassif.
– L'objectif final des dix Rois Élémentaires est de neutraliser cette chose une bonne fois pour toutes afin qu'elle ne fasse plus jamais de mal. Je pense que vous comprenez pourquoi j'ai vraiment besoin de réunir les autres...
– Et tu ne crois pas que tu aurais pu nous faire part de cette information avant ? pesta Mélodie qui n'appréciait pas d'avoir été gardée dans l'ombre d'un tel secret.
– Parce que vous m'auriez cru, peut être ? J'étais déjà très crédible quand je ne parlais que des Rois, imagines ce qui se serait passé si j'avais dit que le véritable ennemi était une entité invisible et sans nom inconnue de tout le monde sauf moi...
– J'admets que je t'aurais peut être fait porter une camisole de force avant de te jeter dans une cellule aux murs matelassés... soupira Mélodie en se pinçant l'arrête du nez.
– Voila... Alors, maintenant que tu sais ce qui s'est passé, que comptes tu faire ?
Athéna dévisagea Dark avant de se tourner vers Mélodie.
– Pourriez vous me laisser seule avec lui ? réclama-t-elle.
Mélodie échangea un regard avec Dark et soupira.
– Pourquoi pas... De toute façon, je devais aller parler de tout ça avec les autres... Je suis sûre que Zac ne va pas être aussi crédule que les autres, mais bon... Sophie ?
– J'ai fini de soigner les blessures de Dark. Par contre, je vous demanderais de vous tenir tranquilles, vous avez besoin de repos, tout les deux.
Elles sortirent de l'infirmerie, laissant Dark et Athéna seuls. Le Roi décida de ne rien dire tant que la déesse n'était pas prête.
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