Chapitre 102
Cinq minutes plus tard, j'étais de retour dans ma salle de bain personnelle. Je laissai la fenêtre ouverte derrière moi et, sans hésiter une seule seconde, courus hors de la chambre et à pleine vitesse dans les corridors. C'était peut-être l'adrénaline, ou bien ce que m'avait fait le vieux commençait à perdre de ses effets, mais en arrivant à destination, devant la porte de cinéma, je n'étais pas essoufflé, je n'avais pas la tête qui tournait après l'effort. Je me sentais capable de faire cinq kilomètres à la course sans jamais m'arrêter. Malgré tout, devant la porte, mon cœur s'affola à la vue du garde qui me bouchait le chemin. Le même qui m'avait laissé sortir pour une envie de pisser, une heure et demie plus tôt. Assis sur sa chaise, il releva les yeux de son livre pour me dévisager.
- Hé, qu'est-ce que tu fais-là, toi ? T'es sorti comment ?!
Trop sur les nerfs pour parlementer, je m'élançai sur lui pour lui enfoncer un coup de poing sur la tempe. N'ayant pas vu le coup venir, le grade s'effondra au pied de sa chaise sans avoir eu le temps de marquer à quel page il était rendu dans son livre. J'ouvris ensuite la porte à la volé pour entrer dans la salle de cinéma, pour me retrouver devant neuf clones qui me dévisageaient et Math, la télécommande en l'air, le pouce sur le bouton Play/pause.
- Alors ? demanda Simmer. Tu apportes des bonnes ou des mauvaises nouvelles ?
- Eh bien... des bonnes et des mauvaises ? dis-je nerveusement. La bonne... Hadrien avait raison.
- C'est une mauvaise nouvelle, crétin ! s'écria Hadrien en se levant d'un bon de sa chaise. Ils veulent nous tuer ?!
- Ouais... Faudrait partir d'ici, genre... maintenant.
- Quoi, mon père a vraiment décidé de vous tuer ? T'es pas sérieux ! dit Math.
- Ton père a essayé de parler en notre faveur, dis-je en me tournant vers lui, mais les citadins ont majoritairement voté contre nous. Il ne peut rien faire de plus. Allez, bougez-vous ! On part d'ici !
Les clones se levèrent tous d'un bon et me suivirent en dehors de la salle. Je courus à nouveau jusqu'à ma chambre pour passer par la fenêtre ; j'avais peur qu'il y ait encore des gardes devant les portes. Heureusement pour moi, il y avait quand même beaucoup moins de gardes que d'habitudes ; ils étaient tous avec Tom.
- On va où ? demanda un clone derrière moi. On retourne au village ? On fera comment pour passer au-dessus du mur autour de la ville ? Je sais pas voler, moi !
Arrivé à la salle de bain, je me retournai vers la petite foule qui me suivait à la trace. Je reconnus Seth qui était au premier rang ; il fronçait les sourcils, les poings sur les hanches.
- Tu nous as menés jusqu'ici, dans cette ville, pour qu'on y soit chassé une semaine plus tard. Ne me dis pas qu'il va encore falloir tuer des gardes !
- Mais j'y peux rien, moi ! Je fais de mon mieux ! m'énervai-je. T'es libre de rester ici si tu le veux, moi, j'essaie seulement de survivre !
- J'ai encore les cordes, dit Math pour calmer le jeu, qui nous avait suivis. Tu sais, les cordes qu'on a utilisées pour grimper au-dessus du mur. Je peux aller les chercher.
- Ouais, fais ça, soupirai-je en secouant la tête.
Math quitta la pièce, qui était un peu trop petite pour dix personnes. Je relevai les yeux vers les clones, puis croisai le regard de Télio, cherchant un peu de soutien. Il était aussi sérieux que tous les autres.
- Miö a raison, dit-il comme à regret. Toute cette histoire a commencé à cause de moi. S'il faut en vouloir à quelqu'un, ce sera moi.
- Merci !
Télio me fit un petit sourire, à peine fier de son petit discours. La peine de mort qui flottait au-dessus de nos têtes l'empêchait d'avoir un peu plus de gaité.
Math réapparu enfin, coincé dans le cadre de porte par dix clones qui l'empêchait d'entrer dans la pièce. Il tendit les cordes pour le clone à côté de lui, qui les passa autour de son épaule.
- Bonne chance à vous, dit-il. Je suis désolé de l'accueil... J'espère que vous saurez vous trouver un petit coin tranquille.
Sans attendre de réponse, Math sorti à nouveau de la pièce, nous laissant seuls. Il y eut un petit silence, tout le monde étonné par ses adieux, moi surtout. Enfin, quelqu'un claqua des doigts devant mes yeux, me faisant revenir à la réalité. C'était Télio.
- Allez, on s'évade ou pas ? J'ai pas envie de me faire tirer dessus pour une énième fois.
Télio sauta par la fenêtre, atterrissant dans le jardin. Je le suivis d'un bon agile, puis m'écartai pour laisser de la place aux autres. Rapidement, sans qu'aucun mot ne soit dit, Simmer prit les devants de l'opération, comme il en avait l'habitude. Nous courûmes jusqu'à la clôture noire qui délimitait le terrain, puis Simmer se transforma en loup pour creuser un passage en dessous de la clôture. Malgré la situation, je ne pus m'empêcher de pouffer de rire en voyant le grand méchant loup, toujours habillé d'un jean et un sweat rouge, des souliers aux pattes arrière. Quand le passage fut assez grand, Simmer s'y faufila pour se retrouver de l'autre côté, puis se transforma à nouveau pour épousseter la terre sur ses vêtements. Les autres passèrent par le même chemin, sauf moi qui, étant toujours en combinaison, trouvai plus simple de passer par au-dessus.
Simmer voulait bien prendre les devants, mais il connaissait à peine la ville. Alors, je repris les devants de la foule pour courir en direction du mur le plus près. Il n'était qu'à quelques centaines de mètres et nous y arrivâmes rapidement, au fond d'une ruelle entre deux petits immeubles à appartement. Une fois adossé au mur, je pris un moment pour essayer de reprendre mon souffle. Je guérissais du traitement du vieux, mais je n'étais pas encore rétabli à cent pour cent. Les autres semblèrent s'en rendre compte aussitôt, au regard qu'ils me lançaient. Je fermai les yeux et baissai la tête, essayant de les ignorer. Je pris une grande inspiration, avant de lancer les explications ;
- C'était le chemin le plus rapide pour se rendre au mur, mais il est du côté nord et votre village est au sud. Par contre, on pourra prendre par la forêt, s'y cacher pour la nuit... demain, on pourra surement... faire le chemin jusqu'à votre village, ou... ou n'importe où ailleurs, c'est comme vous voudrez...
- Eh, Miö, tu te sens bien ? T'es tout rouge !
J'ouvris les yeux pour voir les clones devant moi. Je devinai facilement lequel avait parlé ; il était un pas devant tous les autres, droit devant moi. C'était Télio.
- T'as beaucoup couru, aujourd'hui, et tu es toujours malade, continua-t-il. Tu pourras dormir autant que tu voudras après l'évasion, mais, s'te plait, on a encore besoin de toi pour sortir d'ici. Y'a que toi et moi qui sachent voler pour aller au-dessus du mur et leur tenir la corde !
- Bah nah, plus maintenant, dis-je en serrant les poings, énervé par ma propre faiblesse. Y'a aussi Léo, maintenant. Léo, vient-là ! C'est ton moment de gloire, tu pourras enfin servir à quelque chose.
Je levai les yeux vers les autres clones, derrière Télio. Ils se dévisageaient entre eux, haussant les épaules d'incompréhension. Je poussai un long soupir d'impuissance en réalisant ce qu'ils semblaient avoir déjà remarqué ; Léo n'était pas là.
- Léo ? appelai-je encore. Merde, il est où ?
- Merde ! s'écria Arthur en faisant sursauter les autres autour de lui. Riley non plus n'est pas là ! On les a complètement oubliés !
Arthur se retourna, s'apprêtant à nous quitter pour partir à la recherche de Riley (et possiblement Léo), mais Albert l'agrippa par le coude et l'attira à nouveau dans les rangs.
- On n'a plus le temps de tergiverser. Il faut qu'on parte maintenant, là, ça fait déjà dix minutes qu'on essaie, mais nous sommes encore là, à attendre ! J'aimais bien Riley, mais là, je veux foutre le camp d'ici ! (Albert lâcha le coude d'Arthur pour pointer Télio de l'index et moi du majeur.) Sortez-nous d'ici.
- Donnez-moi la corde, dit Télio. Je la tiendrai moi-même.
- Non, c'est bon, je peux t'aider...
- Non, tu ne peux pas, s'énerva Télio en se tournant vers moi. La corde !
Un clone lui donna le rouleau de corde, et Télio le laissa tomber à ses pieds pour les reprendre avec ces serres une fois transformées en hiboux. Il s'envola à cinq mètres de haut, pour se retransformer sur le sommet du mur. Il déroula la corde et l'une des deux extrémités tomba devant moi. Je la pris pour la tendre au clone près de moi ; je crois que c'était Hadrien. Il prit la corde et la grimpa à la force de ses bras. Il était presque arrivé quand Télio lâcha la corde en hurlant. Télio tomba de l'autre côté du mur sans que je puisse comprendre ce qui se passait ; Hadrien tomba de notre côté, rattrapé de justesse par Simmer.
- Woh ! s'écria Hadrien en reposant pied à terre. Qu'est-ce qui vient de se passer ?!
- Télio ? m'écriai-je. Eh, tu vas bien ?
D'autres hurlements me firent sursauter, provenant de derrière moi. Le temps que je me retourne, la moitié des clones étaient déjà effondrés au sol, complètement dans les vapes. Une seconde plus tard, les gardes apparurent au bout de la ruelle dans laquelle nous étions ; ils étaient une quinzaine, tous avaient un pistolet dans les mains. Je figeai, ne sachant plus quoi faire. Je n'eus pas le temps de réfléchir une seconde de plus que je m'étais fait tirer dessus à mon tour.
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