CocoChanel
"Hit the road Jack and don't you come back
No more, no more, no more, no more"...
Le refrain entraînant de cette musique vieille des années 60, retentissait au sein de l'habitacle. Une jeune femme au volant d'une modeste clio 2 rouge carmin fredonnait son air guilleret tout en conduisant habilement le véhicule, une main sur le volant et l'autre audacieusement posée sur le rebord de la fenêtre, alors grande ouverte.
Le soleil brûlant venait caresser sa peau ébène et faisait briller les boucles épaisses et denses qui entouraient fièrement son visage.
La jeune femme, qui roulait toujours à la même vitesse sur une petite route de campagne, semblait en tout point relaxée.
Sa main libre, d'un mouvement délicat remontait parfois les lunettes carrées et colorées d'un rose éclatant qui, joueuses, descendaient le long de son nez légèrement camus, toujours en fredonnant les paroles de ses lèvres bombées et rondes, dont un rouge à lèvre écarlate les sublimaient.
Coco était ce genre de femme resplendissante même en exécutant la plus ridicule des actions. Toujours pleine de vie, un véritable soleil qui faisait briller sa propre personne tout comme son entourage.
La jeune femme s'apprêtait d'ailleurs à passer une journée réservée à elle-même. Pourquoi pas après tout ? Il faut bien s'accorder quelques bons moments !
Telle était sa pensée et son objectif alors qu'elle arrivait enfin à la périphérie de sa petite ville.
D'ailleurs, ce qu'elle pouvait détester la zone rurale ! Toujours pleine de gens bougons, renfrognés et surtout ternes. Il faut dire qu'effectivement là où elle se trouvait, il faisait bon vivre mais il manquait grandement de dynamisme.
Entre les déserts médicaux, le manque de personnel par ci ou par là, la population de plus en plus vieillissante....sa petite ville autrefois bien guillerette se transformait en entrepôt à grognements (venant d'humains bien trop aigris) et devenait de plus en plus maussade.
C'est en essayant de réaliser un créneau que Coco, pourtant solaire, se renfrognait de plus en plus. Déjà qu'elle n'aimait pas l'ambiance de la ville, sa médiocrité à vainement se garer finissait de lui abattre le moral.
C'était déjà le troisième essai.
Le troisième.
Et une longue file de voitures qui jusque là, patientaient, commençaient à faire vrombir leurs moteurs. Signe que la quatrième tentative serait soit la dernière, soit la première à recevoir de la part des conducteurs ralentis, de belles et jolies paroles destinées à la conductrice.
C'est avec un grognement de stress, il faut l'avouer, et la main sur le bouton pour hausser le volume de la musique, déjà très forte, que la jeune femme leur disait gentiment d'aller voir ailleurs. Et enfin, la manoeuvre fut réussie.
Enfin, presque...malgré la petite taille de la voiture et la place assez large pour en disposer au moins deux, la clio rouge se trouvait garée de travers, l'arrière complètement décalé mais au moins, elle ne gênait plus le passage.
Coco sortit sous les acclamations injurieuses des conducteurs la suivant, l'air ravie, et le port altier. Une lionne qui ramène un lapin à son clan n'aurait pas fais mieux.
Voilà qui était Coco : une femme forte, têtue et fière. Même des petites réussites...
9h55.
La jeune femme regarda sa montre, soucieuse d'arriver à l'heure à son rendez-vous et bien déterminée à, pour une fois, prendre soin d'elle.
Alors, elle s'élança de ses grandes jambes longilignes, sa démarche rapide mais controlée associée au bruit que ses talons produisaient lorsqu'ils rencontraient le sol, Coco ne passait pas inaperçue.
C'était une belle femme, grande et sportive, elle prenait grand plaisir à entretenir sa forme et son image. Très coquette, elle ne sortait jamais sans être un minimum apprêtée, et, aujourd'hui, il fallait dire que Coco y avait mis du cœur. Avec ce soleil resplendissant et la chaleur environnante, elle s'était permise un short blanc, mettant ainsi en valeur ses interminables gambettes, qu'elle avait associé avec une blouse canard en dos nu. Pour finir sa tenue, elle avait ajouté toutes sortes de bijoux dorés et argentés : bagues, colliers superposés et même bracelets. En effet, bien décidée à être la meilleure version d'elle-même pour sa journée Coco n'avait laissé aucun détails à la porte et même ses cheveux avaient bénéficié des plus grands soins ainsi que sa peau que la jeune femme avait, avec attention, prit le temps de badigeonner de crème.
Ce tableau ne pouvait qu'attirer l'attention, mais les quelques malheureux qui s'aventuraient à essayer de l'aborder, retournaient vite de là où ils venaient. Coco n'avait pas le temps.
Surtout pas aujourd'hui.
Elle regarda sa montre, 10h10.
Son rendez-vous aurait lieu dans 10 minutes à l'autre bout de la rue passante, où elle se trouvait, déjà hors d'haleine. Zut, qu'elle idée de mettre ces fichus talons. De son sac cabas, elle sorti sa paire de sandales, trouva un coin tranquille où se déchausser et remplaça l'enfer qu'elle avait aux pieds par ses chaussures plates. Coco était désormais prête.
D'un air décidé elle reprit sa course et, trop absorbée par son objectif situé à 200 mètres, elle ne vit pas le cycliste qui lui coupait la route. Le temps qu'elle réalise son erreur, il sera trop tard. La chute serait inévitable.
Coco s'imaginait déjà la suite : sa journée pour elle et rien que pour elle serait gâchée, son rendez-vous, raté et sa bonne humeur anéantie (bien que ce soit déjà un peu le cas). Ses yeux se fermèrent et on corps se raidit, déjà prêts à accuser le coup.
«-Mais poussez-vous ! Ne restez pas plantée là !»
Furent les derniers mots que Coco entendit avant l'impact.
10h15.
«-Vous allez bien ?»
Furent les premiers mots que Coco entendit de nouveau. Lorsqu'elle revint totalement à ses esprits, la jeune femme se rendit compte qu'elle tenait bien debout, sur ses deux jambes, sans une égratignure visible.
Elle prit le temps de se reconnecter avec le monde extérieur avant de se rendre compte qu'elle était toujours au bout de la rue, toujours en sandales, toujours en un morceau.
La seule chose qui avait changé, c'est que Coco n'était plus seule dans son monde, non. Devant elle se trouvait une jeune femme dont les cheveux noirs tressés entouraient son visage et une partie de son corps, comme un second vêtement. La seconde chose qu'elle remarqua fut les grands yeux ébènes dont l'attention toute entière lui était dédiée.
Ensuite, elle remarqua la jolie bouche rosée et brillante qui semblait se mouvoir en face d'elle et enfin, elle comprit que si cette bouche était en action, c'était pour s'adresser à elle.
«- Allô ? Je vous parle, vous m'entendez ? Vous allez bien ? J'ai réussi à vous esquiver au dernier moment, vous avez l'air d'être un peu choquée mais comme vous êtes debout, j'imagine que vous allez aussi bien que possible...Je suis désolée mais j'ai un rendez-vous, je ne peux pas...
- Un rendez-vous ? Répétât Coco d'une voix fébrile. -Mais oui, oh mon dieu, j'ai mon rendez-vous dans cinq minutes ! Cinq minutes et il est...oh mon dieu, il est déjà 10h15 passées !»
Coco semblait être entrée dans une telle frénésie que même la gentille inconnue ne sut comment réagir. La jeune femme tressée resta là à observer Coco d'un air béa avant de se ressaisir.
«-Si jamais...mon rendez-vous est au bout de la rue...Je peux peut-être vous avancer ? Mon vélo est... La jeune femme regarda son vélo, l'objet était tordu par le choc contre un poto, lorsque celle-ci avait cherché à éviter la piétonne. -hors d'état. Génial. Bon, vous ! Dit-elle en pointant du doigt Coco, -Où avez-vous votre rendez-vous ? Alors ? S'impatientait-elle.
- À cette adresse, lui désigna Coco, qui reprenait peu à peu de sa vigueur.
- Parfait ! S'écria l'inconnue, - j'ai le miens juste à côté, allons-y !»
À ces mots, Coco n'eut même pas le temps de répondre que l'inconnue lui avait déjà pris la main et l'entrainait avec elle dans une course effrénée contre la montre.
Tout ça, pour arriver à l'heure.
Les deux jeunes femmes, en pleine course, oublièrent tout principe. Il fallait arriver à tout prix. Quitte à renverser des passants, après tout, elles avaient survécu, elles.
Tout y passait, femmes, enfants, vieillards et même les possibles cyclistes. (Sauf les animaux, évidemment qu'on ne bouscule pas le potit chien tout meugnon avec ses joooolis nœuds dans les oreilles).
Pardon.
Enfin, les deux femmes aperçurent la fin de la rue, enfin, elles y étaient arrivées.
10h20.
L'heure était arrivée elle aussi et les deux femmes, toujours accrochées l'une à l'autre par leurs mains, s'effondrèrent contre le mur de l'enseigne de soin, à bout de souffle.
Leur course folle leur avait coûté et leur cardio semblait s'être réduit à néant après tous les obstacles qu'il leur à fallut franchir.
Peu à peu, les souffles erratiques se calmèrent, leurs mains se délièrent et enfin, les battements effrénés de leurs cœurs semblaient, eux aussi, prendre une mesure plus calme.
Un son cristallin, intarissable, retenti dans la rue comme un écho.
Coco crut halluciner en voyant sa camarade rire aux éclats, puis sans trop comprendre, son rire particulier résonna lui aussi. Atypique, roque et entre-coupé, il se mêla à celui de l'inconnue dans un concert particulier mais incontrôlable.
C'est quand son téléphone sonna, signe de l'heure déjà bien avancée et qu'elle allait sûrement raté son rendez-vous si elle ne se pressait pas, que Coco revint de nouveau à la réalité.
Elle prit le temps d'observer une dernière fois sa camarade de fortune, laissant son regard s'attarder sur son visage assez masculin mais joliment maquillé et trainer sur les quelques petits détails qui parcouraient sa peau, comme ses petites tâches de rousseur qui se voyaient à peine sur sa peau matte. Puis, elle prit congé, tout en oubliant pas de remercier chaleureusement la jeune femme qui l'avait accompagnée dans sa course.
Coco traversait déjà le hall de l'enseigne lorsque l'inconnue l'interpella de nouveau :
«- Attends ! Tu pars sans même me laisser me présenter; je m'appelle Chanel et toi ?
- Moi ? C'est Coco. Dit-elle avec un sourire amusé. -Drôle de coïncidence, ton prénom et le mien...
- Complètement ! Et je prends ça comme un signe. Chanel s'exclama avec le regard pétillant.
-Un signe ?
- Oui ! Je ne te retiens pas plus longtemps mais mon rendez-vous se termine à 11 heures. Je t'attendrai juste ici !»
Chanel fila, laissant Coco sur place, sans pouvoir répondre. Elle la trouvait bien étrange cette fille...elle ne savait même pas si Coco était disponible, si elle ne partirai pas avant ou si ça allait s'éterniser et pourtant.
Et pourtant, à 11 heures tapantes, Coco se surprit à regarder les alentours dans l'espoir de revoir ce petit bout de femme qui l'a tant surprise. Et Coco fut d'autant plus surprise de la trouver là, debout à l'attendre devant son enseigne, encore plus jolie que ce qu'elle avait pu la trouver avant.
Oh et puis, pourquoi pas après tout ? C'était sa journée et si elle avait envie d'y faire de la place pour quelqu'un d'autre, qui pouvait l'y en empêcher ?
Alors, de sa démarche assurée et de nouveau confiante, de nouveau apaisée, Coco, le sourire au lèvre accepta la main tendue de Chanel. Ensemble elles allèrent boire un café, se découvrir et peut-être laisser libre court à leur couleurs, si belles, si pétillantes.
Ensemble, elles étaient CocoChanel.
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End.
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Petite histoire très simple, sans chichis, en espérant que quelqu'un ici trouve un certain plaisir à la découvrir.
Comme d'habitude, vous trouverez en dessous des photos qui montrent comment j'envisage un peu la vibe des personnages.
Bisouilles.
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