Noir - Topaze
Noir-Topaze
Un peu de mon cœur
Dans le tien
Un peu de ma chaleur
Autour de la tienne
Dire au revoir
A l'obscurité
Rejeter le froid
Et se souvenir
De ce soir
Où je t'ai trouvé
Sous les flashs bleus
Enroulant mes doigts
Autour de ton corps
Et un autre soir
Où je t'embrasse d'abord
Où tu m'embrasses ensuite
Et ce fameux soir
Où ton corps et le mien
N'avaient pas de fin
Des kilomètres de peau
A nos désirs secrets
D'intimes caresses
Des regards coulants
Et pieux gémissements
Je te voudrais encore
Toujours
Avec
Amour
Viens me libérer.
TaeHyung descend les escaliers, s'enfonce dans les couloirs, sous des volutes d'air épais et invisibles. L'éclairage est, pour une fois, paisible. Il arrive sur le quai. Il se sent si léger. JungKook est là. Sur le quai d'en face. Un bruit strident, et pourtant agréable, comme un appel, retentit. JungKook descend sur la voie. TaeHyung fait comme lui. Il pose son visage en haut de sa poitrine. JungKook l'entoure de ses bras. Et le bruit s'agrandit. Et de ce trou béant qu'est la ville, croît une lumière puissante. Elle est comme un joyau, une topaze jaune très rare qui les éblouit. TaeHyung sent JungKook contre lui. Il ne pense plus à rien. Le train est là.
Viens me réveiller.
TaeHyung ouvre les yeux d'un coup. Un vent tiède remue ses cheveux. La flamme artificielle dans sa prison circulaire expire lentement. Comme toute chose qui retourne à son état initial. L'état de l'absence. A quelques pas de là, quelques uns de ses compagnons d'infortune s'attellent à faire disparaître les traces de leur présence. TaeHyung se lève et marche vers Hoseok qui travaille aux côtés de Jin, de ce même air pressé que les autres :
« -Vous partez ? »
Hoseok relève la tête. Il regarde TaeHyung, d'abord étonné, puis content. Jin lui ne dit rien.
« -Oui. On va vers le centre.
-Pourquoi ?
-Il n'y a plus d'inondations nulle part.
-Mais pourquoi le centre ? »
Hoseok et Jin échangent un court regard. Puis Hoseok reprend :
« -C'est le centre. Il faut aller vers le centre. »
TaeHyung, pensif, n'ajoute pas un mot. Jin lui, se tourne vers la direction qui les intéresse. Il dit avec fermeté :
« -Le monde se rassemble. »
Dans leur dos, quelqu'un jette un drap humide sur la faible flamme. Elle n'est plus.
« -Tu viens avec nous ? »
Jin toise TaeHyung sans exprimer clairement sa pensée.
« -Non. Je dois prendre un train.
-Un train ?
-Oui. »
Aucun commentaire de plus. Hoseok soupire, retire son long manteau et le lui tend.
« -Mets ça. Comme ça tu risques pas de te faire remarquer, avec tes vêtements blancs. »
TaeHyung le prend, remercie sans un son. Puis il reste là, ne bouge pas d'un millimètre, regardant le groupe s'éloigner vers le centre, le cœur, point culminant de la ville. TaeHyung soupire dans l'air tiède. Le monde se rassemble.
Viens m'éblouir.
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JungKook est un cœur faible qui longe les précipices. Le seul aveugle au milieu d'un monde clairvoyant. Cela rend-il le monde meilleur ? Esprit songeur, paupières closes, nuit nuit nuit qui l'a dévoré. Il a tout pris. Ou alors il a tout donné. Il ne sait plus. Il ne sait plus. Il aimerait ne plus penser. Il sait que penser le mène sur des chemins mauvais. Ou alors il aimerait ne penser qu'à TaeHyung. Mais l'allégresse du passé anime la peine du présent. Silence mauvais. Silence salvateur. J'entends que les autres sont en mouvement, tout autour de moi. Ils tournent en rond. Les murs se resserrent. Les murs s'approchent. Les murs sont tout près. Ils sont là.
JungKook ouvre les yeux. YoonGi est au bout du lit. Il lui tend son sabre. Dans la planque, les pilleurs rangent leurs affaires, ne laissent rien. Ils sont habillés d'un noir plus noir que d'habitude. Et leurs visages sont couverts. Méconnaissables, ils ne sont plus personne. JungKook regarde à nouveau YoonGi.
« -C'est l'heure, dit-il. »
C'est ce qu'il dit. Mais ses yeux, ses yeux, disent autre chose. JungKook fouille, mais ne comprend pas. C'est l'heure. L'heure. L'heure. Le monde se rassemble. N'était-ce pas une évidence ? L'heure. Le temps. Oui le temps. Il existe encore. Mais YoonGi. YoonGi demande quelque chose, avec son regard, ce regard familier. JungKook l'a déjà vu. Oh oui, il se souvient. Dans les yeux expirants du jeune blond, une rose fleurissante dans ses chairs ouvertes.
Ce regard là.
JungKook attrape le sabre. Brûlant. YoonGi ne le fixe plus. YoonGi s'en va. JungKook contemple son dos. Et à mesure qu'il s'éloigne, JungKook oublie ce regard. Le monde se rassemble. Alors il se lève, enfile sa veste, met sa capuche et devient son ombre. Comme avant. Allons communiquer avec nous même. Traçons des lignes d'un langage secret contre les murs de nos esprits. Comprendront ceux qui le veulent. Tout n'est qu'évidence. Ils ne sont que deux. Et ils ne forment qu'un.
JungKook s'avance jusqu'à la porte, et même s'il ne s'en rend pas compte, les autres, tous les autres, s'avancent derrière lui. Le monde se rassemble.
Viens me raconter.
Dans les Églises,
Les voix, les corps et les néons
Se sont éteints.
Dans la bibliothèque,
Les livres
Sont faits de cendres
Dans l'appartement
Il ne reste rien
Qu'un idéogramme
Invincible.
Dans le centre les survivants se rassemblent. Ils sont tous là, ils marchent à travers les rues sans nombre, les rues immaculées, les rue par la nuit enveloppées. Ils marchent tous ensemble, rentrent dans les immeubles saccagés, attrapent les ordinateurs, attrapent les télévisions, attrapent les fils, les tirent, les traînent, à travers la ville, et au milieu d'un champ de ruine, jettent les écrans. Ils les balancent sur la place illuminée par des projecteurs accrochés en haut des buildings. Des cadavres électriques s'accumulent, des corps en morceaux, ou des corps encore vivants, diffusant parfois une couleur étrange. Et des montagnes se forment, et des tonnes de débris se complètent. Et voilà ce qu'il leur reste.
C'est pour les enfants privés d'esprit, c'est pour les adultes camés en décomposition, les défilés de binaire incompréhensibles, c'est pour la vie ingrate, c'est pour la mort sans scrupule, c'est pour les musées détruits, c'est pour les livres mutilés, c'est pour les torrents d'eau, c'est pour les hommes en noir qui habitent chacun de nous, c'est pour la ville, c'est pour la nuit, c'est pour le tout. Mais c'est surtout pour lui et ses mains détraquées.
Mais c'est surtout pour nous.
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Viens me sauver
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TaeHyung est assis dans le train, les pieds sur le fauteuil, le front appuyé contre la vitre. Le métro passe entre les immeubles et les néons agonisants. C'est un peu comme s'il survolait la ville. Il la contemple vaguement, sans amour, mais sans trop d'inimité non plus. Cette ville a plus de sens qu'il ne l'aurait cru auparavant. Si c'est important. De l'autre côté du wagon, à une rangée de là, il y a Jimin. TaeHyung sait que Jimin n'est pas vraiment là. Que c'est soit un rêve, soit un souvenir, ou alors une profonde hallucination, échappée tout droit des salles blanches de son désespoir.
Jimin toujours blond, toujours blanc, figé dans le temps, regarde l'autre rive de la ville. Nuit sans limite. Mensonge effarant. Ou honnêteté aberrante. Difficile de dissocier. La voix de TaeHyung est vibrante, mais ne faillit pas.
« -Tu avais tort. »
Jimin ne scille pas. Aucun des deux ne se tourne pour regarder l'autre.
« -Je sais. »
Des remous dans le cœur du monde. TaeHyung les voit. Il ajoute.
« -Quand tu disais qu'on peut pas être vraiment heureux, que l'amour n'existe pas, qu'il n'y a rien d'autre que la ville, et qu'ils sont tout le monde.
-Je sais. »
Le bruit constant du train. Aussi mystérieux et impénétrable que la mort.
« -Ce n'est pas ils. »
Soudainement TaeHyung n'a plus envie de parler de ça. Il lance :
« -Mais tu avais raison aussi. »
Jimin ne répond rien. Jimin voit son propre visage dans la glace. Ou alors est-ce TaeHyung qui le voit ? Qui sait.
« -Quand tu disais qu'il fallait que je sorte. C'était vrai. »
Un sourire sincère ou ironique s'esquisse sur le visage tendre – et pourtant ailleurs – de Jimin. Il se tourne vers TaeHyung. Mais TaeHyung ne se tourne pas vers lui. Il sait très bien ce qu'il va lui dire. Il le sait.
« -Il faut que tu sortes. »
Toujours le train. Pas davantage effrayant.
« -Il faut que tu sortes TaeHyung. »
Ce dernier ferme les yeux. Il sent que Jimin ne le regarde plus. Il murmure.
« -Je suis désolé.
-Non. Ne sois pas désolé. Pas maintenant. »
Soudain Jimin se lève. Le train ralentit. Il balaye des yeux la ville qui s'étend de l'autre côté des vitres. Le train s'arrête. Ils ne sont même pas dans une gare.
« -Tu avais raison aussi TaeHyung. Elle n'est pas bien cette ville. »
TaeHyung lui, s'est levé, a marché jusqu'à la porte coulissante. Elle s'ouvre à son approche. Le vent s'engouffre dans la rame, fait voler le drapé de son manteau noir. Jimin avance à travers les sièges. TaeHyung ne le regarde pas lorsqu'il lui demande :
« -Quelle heure est-il ? »
Et alors Jimin répond, avant de pousser la porte reliant les deux wagons et de disparaître de l'autre côté :
« -Minuit. »
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