Noir-Mars

Une lumière
Un tunnel
Et de l'eau qui déborde
De ses lèvres

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TaeHyung attend JungKook. Parce que JungKook n'est pas là. Dans l'appartement plus trop vide. TaeHyung prend une douche très longue et très brûlante. TaeHyung regarde l'idéogramme, debout au milieu de la salle. Il ne le comprend pas. Impossible à déchiffrer. TaeHyung prend le livre posé sur la table, il ouvre une page au hasard. Il la lit. Il ouvre une autre page au hasard. Il la lit. Et ainsi de suite, la tête ailleurs, se baladant à travers l'appartement silencieux, tournant en rond. Il essaye de reconstituer les passages manquants, il retrouve toutes les lignes qui parlent d'amour, il ne lit pas la fin. Le dernier chapitre est un monde en suspend. Le livre finit par tomber sur le sol. Et TaeHyung s'abandonne sur le lit, la tête sur l'oreiller, les mains qui jouent avec les draps, et le corps qui s'ennuie. Il pense beaucoup puis s'assoupit un peu.

Quand JungKook pousse la porte, TaeHyung se redresse d'un coup, ils se regardent puis ils se ruent l'un sur l'autre. TaeHyung s'agrippe à lui, JungKook le retient. TaeHyung est heureux, JungKook aussi. TaeHyung lui dit qu'il lui a manqué, JungKook lui dit qu'il aime. Et puis c'est bien quand c'est ainsi. Ils retrouvent le lit, ils s'embrassent dessus, puis ils retirent leurs vêtements et font l'amour, encore. Ils s'aiment tellement que la ville pourrait s'effondrer. Et en pensant des phrases comme celle là, et alors que TaeHyung s'endort sur son épaule, JungKook s'enfonce dans des souvenirs étroits. Elle est étrange la vie tout de même. Il se souvient du froid. Il a chaud dans ses bras. Il se souvient de la haine. Son cœur est calme. Il se souvient de la solitude. Elle n'est plus la même. Et puis il se souvient d'aujourd'hui.

JungKook n'aime pas laisser TaeHyung aller au travail. TaeHyung dit qu'ils doivent gagner de l'argent. JungKook aussi gagne de l'argent. On dit qu'en tant qu'informateur, il est inestimable. Mais la ville le dégoûte. Alors il accompagne TaeHyung dans le métro le matin, pas loin derrière lui mais juste à son côté. Il s'y sent bien. Mais quand TaeHyung s'en va, la ville le dégoûte à nouveau. Et quand ils se retrouvent tout prend sens. Ils traînent ensemble dans les restaurants, ils traînent ensemble dans les rues, loin des autres, ils traînent ensemble en haut des buildings, avec l'eau sombre de ce bassin froid, qui miroite, qui miroite. Ou alors ils restent sur le matelas posé au sol, offert à la grande vitre, à se parler, à ne pas se parler, à juste être là, comme deux êtres ensemble. Deux êtres heureux et seuls ensemble. Plus jamais vides. La vie n'est plus la même.

JungKook ne peut pas fermer l'œil. Alors il tend la main pour attraper le paquet de cigarettes et le briquet dans la poche de son jean. TaeHyung se réveille et le libère avec un soupir qui n'a rien d'une plainte. JungKook allume une cigarette, le porte à ses lèvres puis repasse son bras autour du corps de l'autre. TaeHyung pose sa tempe sur son épaule, embrasse sa peau noircie par l'encre d'un tatouage sans sens. Ses doigts caressent sa poitrine d'un geste doux et lent. Il le regarde avec ses grands yeux d'enfant. Et JungKook fume. Il imagine le contenu de la cigarette qui se consume de l'intérieur, d'un rouge flamboyant. Peut être comme sur Mars. Qui sait.

« -Ça va pas ? demande TaeHyung, un peu inquiet. »

JungKook ne répond pas. Il fixe le plafond, il pense au froid, à la haine, à la solitude, encore. Et puis il pense à aujourd'hui, encore. La fumée s'échappe de sa bouche. La cigarette est entre ses doigts, et elle vole un peu. La fumée, comme du brouillard, comme quand on doute. Comme ça.

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Viens me comprendre.
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JungKook a vu YoonGi aujourd'hui, pas très loin du centre. Ils ont fait un échange, comme d'habitude. Mais avant de partir YoonGi était un peu étrange, il s'est tourné vers les immeubles gigantesques, a toisé les lumières, le visage froid, mais les yeux présents. Et il a dit :

« -Elle est bizarre la ville ce soir. »

JungKook a eu l'impression de ne pas savoir. Pourtant JungKook sait quasiment tout de la ville. Pourtant JungKook sait déjà qu'elle est bizarre la ville. Mais cette fois, il a eu l'impression de ne pas savoir. Alors il a regardé autour de lui et il s'est dit que c'était vrai, qu'elle était bizarre ce soir, cette semaine, ces jours-ci, et peut être qu'elle le sera demain aussi. Pourtant, comme il ne savait rien de ce sentiment là, il a haussé les épaules, rangé son dû et s'en est allé. Sans se retourner. YoonGi l'a regardé partir. Sans rien dire.

« -T'inquiète pas, murmure JungKook à TaeHyung. »

Puis il passe une main dans ses cheveux tendres. Le silence s'immisce un peu. TaeHyung continue ses caresses contre sa poitrine. Parfois il perçoit même son cœur. C'est agréable. Puis au bout d'un long moment à le regarder lui et son air pensif, TaeHyung lance sur un ton faible et presque triste :

« -Fume pas. »

JungKook sourit et répond :

« -Pourquoi ?

-Tu m'as dit que tu mourrais pas.

-Je mourrais pas pour ça. »

TaeHyung ne réplique rien. Il arrête de le regarder. Mais JungKook écrase le reste de la cigarette sur le sol granuleux puis se lance sur un autre sujet qui l'a travaillé pendant la journée.

« -Dis TaeHyung, t'aimerais pas qu'on déménage ? »

Le concerné se redresse, les yeux qui luisent dans la nuit.

« -Avec tout notre argent on pourrait se trouver un appartement plus confortable. »

TaeHyung fait oui de la tête, devient un peu pensif et se laisse retomber contre l'autre. Il ne dit rien pendant quelques minutes. Il semble réfléchir fort, explorer une idée nouvelle. Puis soudain, il relève la tête et dit, la voix grave :

« -Et si on partait ?
Et si on quittait la ville ? »

Tu l'as dit.
Tu l'as dit et puis c'était tout.
Ça m'a vraiment rendu heureux tu sais.
Et puis j'ai compris tout d'un coup que la ville était bizarre.
Que toi et moi on l'était aussi.
Que tout était bizarre.
Et puis tu l'as dit.
C'était trop tard.

La cigarette n'est plus qu'un cadavre sur le sol.
Tu as vu l'idéogramme indéchiffrable ?
Mars ne se consumera plus jamais.

« Elle est bizarre la ville ce soir. »