Noir - Fer
Noir-Fer
Les bras tendus
J'erre dans le noir
A tenter de recoller
Nos pièces détachées
Je ne sens plus le temps.
Quelque part.
« -Le bien, le mal, j'y comprends rien.
-Est-ce que ça a de l'importance ?
-Quand ça nous concerne, oui. »
La vie n'est plus si amère.
Autre part.
Aujourd'hui, il fait nuit. Comme tous les autres jours, c'est vrai. Mais aujourd'hui, et ils sont deux à y croire, la nuit est juste à sa place. C'est une nuit. Mais c'est une nuit très claire.
TaeHyung, allongé sur son matelas, feuillette le livre. Il relit les idéogrammes, les récite du bout des lèvres. JungKook assis contre le mur un peu plus loin, joue avec un briquet qu'il a récupéré dans un squat. Il n'aime pas les squats, mais quand les gens font le ménage, il reste toujours des tas d'affaires, orphelines, comme lui même. C'est un briquet numérique. Comme tous les briquets d'ailleurs. De la chaleur artificielle pour une nicotine chimique.
« -Ça doit être beau un feu, souffle-t-il.
-Ça peut faire mal les feux.
-Toutes les belles choses font mal. »
En disant cela, le regard de JungKook dérive sur TaeHyung, à l'ombre de la ville. Inconsciemment. Mais TaeHyung ne se rend compte de rien. Il s'est arrêté au dernier chapitre. Son index passe sous la page jaunie, mais il ne peut pas la tourner. C'est plus fort que sa volonté.
« -Si tu veux le finir à ce point, tu ne devrais pas hésiter. »
TaeHyung soupire imperceptiblement, puis ferme le livre. L'objet se retrouve sur le sol, à sa juste place. TaeHyung ne peut pas. Pas encore. Alors il se lève, se met face à la ville, face à la nuit, il se tourne vers JungKook et sourit.
« -Sortons ce soir.
-Où ?
-Où tu veux. »
Fais moi voir l'inconnu.
JungKook semble réfléchir un moment puis il se remet sur ses jambes tout d'un coup, l'air pressé. Il range son briquet dans sa poche. Il sourit. TaeHyung est presque surpris. Et quand il referme sa porte à clé, JungKook l'appelle depuis les escaliers pour qu'il se dépêche. Et TaeHyung se retrouve à lui courir après, en fuite dans le grand hall de l'immeuble. Et JungKook l'emmène ailleurs, dans ses recoins qu'il connaît si bien. Ce soir, ils sortent.
Deux lumières,
Faibles comme des bougies
Allumées par une main fébrile
Et un peu d'espoir,
Dans une nuit épaisse.
J'ai presque trouvé un sens
à mon ironie.
Sous un toit, couvert de verre, tout en haut d'un immeuble, deux silhouettes se pavanent. Ce soir les points lumineux dans la piscine n'ont pas la même couleur. C'est clair, mais c'est sombre. C'est difficile à dire. L'eau est une surface plane, immobile, imperturbable. Elle reflète parfaitement les formes brutales et ombragées de la cité. Et si un souffle passe, la cité danse.
« -Je n'ai jamais vu d'endroit comme ça. »
TaeHyung regarde autour de lui, impressionné. Le silence est bruyant, et jamais complet. Pourtant, on s'y croirait presque seul.
« -On a le droit d'être ici ? »
JungKook hausse les épaules. Ce qu'il veut dire c'est que tout le monde s'en fout. Personne ne vient ici, à part des employés et des particuliers. La nuit, l'endroit est désert. L'endroit indiffère. Les deux ombres se laissent tomber près des vitres. Et des vitres les entourent. Et des vitres les surplombent. TaeHyung approche son visage de ce monde froid et vain, sa pommette effleure la surface de glace, où son reflet est moindre. Puis ses yeux voguent vers le ciel. Il s'appuie contre la fenêtre, reste là, comme ça, à fixer le ciel, à attendre quelque chose de lui, peut être. Mais cette nuit est peut être clémente, mais elle n'est pas si aimable. TaeHyung demeure ainsi jusqu'à ce qu'il s'assoupisse légèrement. Ses pensées sont ailleurs.
JungKook retire ses vêtements et plonge dans l'eau. Soudainement il rejoint son gouffre. Son corps s'y enfonce, lentement. La lumière persiste, lui, il insiste, même si ses yeux brûlent, même si sa peau se brise. Il rejoint le fond, sans oxygène, sans un bruit. Il s'installe là, en paix. Habitué, il peut rester en apnée pendant plusieurs minutes de flottement, hors du temps. Il le fait.
Mais soudain, une autre forme entre en apesanteur. Le froid et le silence se sont infiltrés d'un coup dans le corps de TaeHyung. L'appel des abysses lui glace le sang. Mais ce silence est dément. Comme deux esprits sans corps, leurs yeux lumineux se rencontrent. TaeHyung tend la main vers lui. Ses orbes pleurent dans un bassin de fer. Alors JungKook fend le temps, se débat dans l'eau si lourde, et attrape sa main volante. Enfin, il l'aide à rejoindre la surface. Là, l'air les assaille d'un coup, brutalisant leur poumons, et le bruit, le bruit, le bruit n'est plus grand chose. Le bruit c'est leur souffle qui se démène.
« -Mais qu'est-ce que tu fais ? S'écrit TaeHyung, tout en panique. Tu veux mourir ? »
JungKook le regarde avec de grands yeux ahuris, la voix dans la piscine. TaeHyung appuie sur ses épaules pour le pousser en arrière, toujours dans l'eau, les pieds loin du fond.
« -C'est ça ? Tu veux mourir ?
-Mais non ! se défend l'autre dans un cri venu de loin. »
TaeHyung se tait subitement. Il porte encore ses vêtements, et sa peau est devenue très pâle. JungKook, désarmé, répète que non, qu'il ne voulait pas mourir, que ce n'est pas ce qu'il croit. Mais TaeHyung ne respire pas très bien.
« -Qu'est-ce que tu fais alors ?
-Rien. Je vis. C'est tout. »
Alors TaeHyung passe ses bras autour de son cou, provoquant des éclats d'eau tout autour d'eux, le bassin agité, comme leur cœur essoufflé. Il le serre très fort puis lance dans son dos :
« -Je n'ai jamais dit ça à personne, mais tu es vraiment un idiot. »
Puis soudain, il éclate de rire. L'expression vient tout de suite à l'esprit de JungKook. Éclater de rire. Éclater, comme la lumière. Et si jamais il avait dû décrire la lumière, la vraie, il aurait sûrement imaginé quelque chose comme ça, exactement comme ça. Quelque chose d'aussi éclatant que ce rire là. Mais tout d'abord, avant même de penser, son cœur s'est arrêté. Parce qu'il n'a jamais vu la lumière. Et qu'il ne comprend pas. TaeHyung se détache et rit pendant que l'autre le dévisage de ses pupilles vastes et surprises.
« -Qu'est-ce qui te prend ? »
TaeHyung pousse sur le rebord pour rejoindre le sol. Ses vêtements imbibés d'eau recouvre le par terre. Le tissu est lourd. Ça pèse sur son dos, sur ses jambes, son corps tout entier. Alors il se laisse tomber, la poitrine grande ouverte sur son rire. Trop grand pour son thorax. Trop grand pour cette salle. Trop grand pour ce monde. JungKook pose ses avants bras sur le bord de la piscine, reste là pour le regarder, dans sa béatitude.
« -Tu es stupide. Je suis stupide. Nous sommes deux sombres idiots. »
Et puis, incontrôlable, JungKook se met à rire aussi. Ils sont deux ombres, si stupides, à rire dans une nuit gémissante. Et c'est presque maladif comme rire. Et c'est une drôle de lumière que celle-ci. Et, heureuse, elle les transfigure. JungKook se hisse hors de l'eau et va rejoindre la baie vitrée, là, il se laisse trembler de rire et de froid. Il s'y sent bien. Et TaeHyung aussi. Ils n'avaient jamais vu quelqu'un rire avant. Ils n'avaient jamais ri avant. Et leur vide n'a jamais été aussi plein. Au bout d'un temps, le rire se calme, puis devient un souffle paisible, un souvenir agréable. En douceur, le silence les gagne. Les vagissements de l'extérieur reprennent le dessus. TaeHyung tourne la tête vers JungKook. Jamais, jamais, il n'a vu une personne plus belle.
« -Ne meurs pas s'il te plaît. »
Si tu n'as pas de nom
C'est que tu veux être oublié.
Mais moi,
Je ne veux pas t'oublier.
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