Noir - Électrique
Noir-Électrique
Dans une ville où il fait toujours nuit,
Un mur en couleurs
Et un visage pâle
Sur lequel dégoulinent
Des mots qu'il ne faut pas taire
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Un appartement qui n'appartient qu'à eux. Un appartement plus complètement vide. On a rajouté quelques objets, une table pour poser un livre, un miroir dans la salle de bain, et de quoi accrocher les dessins sur les murs. Parce que TaeHyung a beaucoup rêvé et JungKook a beaucoup dessiné. Sur cette table. Une main sur ses yeux, l'autre guidant la sienne. Et souvent TaeHyung fait le même rêve très vert. C'est comme un mythe. Et même sans avoir vu, ils savent. Ils savent que c'est beau. Ils y croient. Ils le vivent pendant des heures. Mais les rêves, ça se quitte, c'est comme ça. La ville a tout dévoré. La nuit a imbibé le ciel. L'appartement n'est plus si vide. Tout ça pour ça. Et JungKook est toujours là, adossé au mur en face de celui de TaeHyung.
Ce soir là, TaeHyung en a marre de regarder la ville mouvante. Il s'éloigne de la fenêtre, se laisse tomber au milieu de la grande pièce, le sol est brut et froid. Mais TaeHyung pense à autre chose. Il a fait un drôle de rêve la nuit dernière. Il ne l'a pas raconté à JungKook. Il s'est contenté d'aller travailler, pour pas se faire virer. Et quand il est rentré JungKook était là. Il se sent un peu étrange. Son corps est immobile, son esprit divague. Il repense à ses songes. Il repense à JungKook. Il sent son regard qui le scrute, et puis qui scrute un horizon recouvert de couches sombres. Les doigts de TaeHyung se posent sur son ventre, s'entortillent, se faufilent sous son T-Shirt grande taille, effleurant son propre ventre plat, presque creux. Il murmure le nom de l'autre. «JungKook. JungKook. JungKook.» Soudain, un vaisseau passe. Soudain, le silence remplace la voix dans les hauts parleurs. Un silence épatant.
« -JungKook ? »
L'autre redresse la tête. Ses yeux tombent sur le corps allongé de TaeHyung.
« -Je crois que je suis amoureux de toi.»
Les yeux de JungKook s'ouvrent grand. Une sensation étrange lui tord tout l'intérieur du corps. Et alors c'est comme si son âme se débattait pour sortir. TaeHyung continue sur le même ton, calme, paisible.
« -J'ai lu ça dans mon livre. Tomber amoureux. C'est drôle non ?
-Comment tu peux le savoir ? Ce truc là.
-Je le sens. »
TaeHyung se redresse en position assise, il plonge ses yeux dans ceux de JungKook. Un torrent de choses insensées l'envahit. Inconsciemment il se penche un peu vers l'avant.
« -Tu étais dans mon rêve hier. Parfois, je ne comprends pas. Je ressens des choses étranges. C'est presque brutal. Mais c'est aussi très doux.
-Raconte moi ton rêve. »
TaeHyung passe une main dans son cou, contre ses clavicules. Un peu tremblant.
« -Comme dans la vraie vie, tu me regardais longtemps, sans rien dire. Je pouvais voir ta peau. Tu me prenais dans tes bras. Et tu m'embrassais beaucoup. Est-ce que tu m'en veux ? »
D'un geste très lent, sans le quitter des yeux, JungKook fait non de la tête. TaeHyung a l'air moins nerveux, rassuré. L'autre garçon se rapproche un peu, le regard profond.
« -JungKook ?
-Oui.
-Je crois que j'aimerais que tu fasses comme dans mon rêve. »
Et puis finalement, il se rapproche tellement qu'il ne peut plus rien fixer que des yeux brillants sur ce tendre visage. JungKook essaie de s'exprimer entre deux souffles.
« -Je crois que... »
TaeHyung passe une main dans sa nuque pour toucher la base de ses cheveux, l'écoutant avec attention, les yeux grands ouverts.
« -... ce serait trop de bonheur... »
Sa phrase n'est plus qu'un infime chuchotement qui se perd.
« -... pour un seul homme. »
Et même si c'est trop, il a envie de tout prendre. Il sent son cœur qui implose de tout ce trop quand il cueille sa bouche. Il lui répète ses mots du bout des lèvres, sans voix. Ils s'embrassent. Comme dans un rêve. C'est comme dans un rêve. Ça doit être un rêve, oui, au beau milieu du cauchemar. C'est une frénésie. Une folie de frissons. Un monde entier dans leur ventre, dans leurs mains, et dans leurs yeux scrupuleux. L'âme ne se trompe pas. Le cœur non plus. Mais le cœur est fragile. Le cœur palpite. JungKook passe sa main sous le T-shirt de TaeHyung, caresse son ventre, sa poitrine, son buste, puis retombe sur son cœur. Il vibre tellement qu'il semble prêt à crever la peau pour reposer dans sa main. Il sent le sang qui pulse, part et revient. Il sent cet univers de plus en plus petit, à la fois vide et à la fois rempli. Il sent ses poumons en panique, étonnés de tout ce mouvement qui l'agite. Son souffle est mesurable. Mais son cœur va si vite, et son corps se réveille, après tant de nuit, ses côtes lacèrent sa peau par endroit, mais la vie toute entière est là. Elle coagule en un seul point. Elle se donne à la peau de l'un sur la peau de l'autre.
Et cette simple main sur ce simple cœur c'est trop beau.
JungKook ferme les yeux, ne contrôle plus rien. Sa tête est lourde, son corps brûle, et le menton levé vers le ciel, il ouvre un cou immense. TaeHyung se rapproche et y pose ses lèvres. Et sa poigne garde la main de JungKook sur son cœur. Il le lui donne volontiers. Il n'en a pas besoin. Qui a besoin d'un cœur quand c'est à un autre qu'il appartient ? Et il l'aime tellement cette main qui prend forme contre lui, quand elle se remplit de cette vie qui se coalise, qui ne demande qu'à sortir, qui se donne toute entière. TaeHyung lève la tête lentement, son nez longeant son cou, et puis sa mâchoire et puis le ciel. Il dit son nom. Son nom qui n'est qu'à lui. Son nom qui est mieux que tous les autres noms. Son nom qu'il est le seul à connaître. Il le répète comme un supplice. Alors JungKook baisse lentement le menton, se fait avaler par son regard sombre, une lumière mirifique, et personne ne la comprend.
L'autre main de JungKook passe dans la nuque de TaeHyung et caresse tendrement ses cheveux. Leurs fronts se rencontrent. Puis leurs nez se touchent, et leurs lèvres s'effleurent sans se compléter. C'est insolant à crever. La paume de JungKook sent s'éloigner son cœur, TaeHyung la fait descendre doucement, contre lui, et toute cette vie le suit. Il perçoit encore le fantôme d'un vide, dévorant et glacial. Alors JungKook retire sa main, d'un geste subit, il enroule ses bras autour de sa taille. TaeHyung s'accroche à lui. Et ils s'en vont vers la ville. C'est une fenêtre remplie de ville. Et ils ne sont plus que des corps illisibles, sur un matelas posé au sol, devant un tableau scintillant. TaeHyung se redresse pendant que JungKook parcourt son dos du bout des doigts puis lui retire son T-shirt. Le torse nu, il se laisse tomber sur les draps défaits. Et il regarde JungKook. Il se répète quelques lignes du livre qu'il connaît par cœur, pendant que l'autre retire sa veste et dévoile sa peau. Il le toise avec attention. Il ne le quitte jamais des yeux. Alors qu'il se penche, alors qu'il s'approche pour embrasser ses lèvres.
Ce ne sont plus que des halos. Des halos d'images. Des halos de secrets.
Un dos courbé. Un visage comme la lune, une partie exposée, et l'autre mystérieuse. Et une lumière qui les inonde. Ils brillent de ce bleu un peu étrange. Un bleu électrique. Leur touché. Leur pensée. C'est comme une fusion. Des chiffres et des couleurs. JungKook qui l'embrasse partout. Et TaeHyung qui le serre contre lui. Contre sa gorge. Contre son buste. Les doigts enlacés, les paupières tombantes, et une âme, planant jusqu'en haut des grattes ciel. La sensation de ses mèches noires sur sa peau nue. Ses doigts qui cherchent ses lèvres, et qui les recouvrent et qui les touchent. Ses paumes qui longent la muraille de sa colonne vertébrale. Et puis ses caresses et puis ses mots, sur ses épaules, sur ses hanches, sur ses jambes. L'ombre d'un tatouage tracé à l'encre profonde, sur ses os saillants, sous son pectoral droit, sur le corps découvert de JungKook. TaeHyung passe ses phalanges dessus, les retrace en silence. Puis il encercle son dos de ses bras. JungKook l'embrasse. Leurs souffles sont deux chaos qui s'épousent.
Deux apocalypses qui font l'amour.
Leurs mains ne sont plus vides.
Des râles de bonheur et des râles de plaisir. C'est comme la lumière à l'état brut. Qui implose. Qui explose. C'est comme si la ville se taisait pour de bon. C'est comme si l'art se mettait à pleurer. C'est comme si les reflets bleus sur leur épiderme étaient vraiment électriques. C'est comme si les feuillages dans le dessin malachite se mettaient à jaillir hors de la feuille. C'est comme si des plantes poussaient dans leur chair saignante. Une fleur en offrande au cœur.
TaeHyung rejette la tête en arrière. JungKook s'effondre, mord sa clavicule, et se laisse choir là. Leurs corps collés demeurent immobiles, sous les néons confus, et sur leur souffle, qui s'élève, puis qui s'abaisse. La main de JungKook est posée dans celle de TaeHyung, au bord du matelas, pas loin du sol. Ils ouvrent les paupières. Leurs yeux ne seront plus pareils. Et pendant tout ce temps, le reste du monde a cessé d'exister. Un murmure franchit le néant.
« -Je t'aime JungKook. »
JungKook embrasse sa poitrine. Puis il répond tout contre son cœur.
« -Moi aussi je t'aime. »
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Viens m'écouter
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La ville se tait. L'art pleure. Le bleu est vraiment électrique. Doucement, les feuilles poussent depuis le papier. Personne pour les voir, mais elles sont là. Et au dessus de ces deux êtres éperdus, sur le mur d'en face, une larme rouge coule le long de l'idéogramme.
Ils s'endorment.
TaeHyung sourit.
On a donné une fleur
En offrande
A son cœur.
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