Noir-Chair

Les nuages sont venus dévorer les montagnes
Et les rochers deviennent poussière sous les grandes dents du ciel
Les planètes volent les neiges éternelles
Alors le ciel gronde
Alors le ciel pleure
Sur la Terre
Et toi tu allumes ta faible lampe. Gronde.
Tu ignores la pluie, même si tu as froid. Pleure.

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TaeHyung travaille. Encore. Et encore. Son corps agit. Son cerveau oublie. Et il sait que dans cette grosse industrie, il n'est qu'un moins que rien, une poussière dans un désert noir, une météore infime sur toutes les branches de l'univers. Mais il sait qu'il en est de même pour son voisin, et pour le voisin de son voisin. Des points jaunes, des taches, posés sur le sol, dans une salle, dans un monde, fait de décombres.

Ses mains à lui, elles tremblent.

TaeHyung doit écrire un programme destiné à une base de données bancaires. Il s'en fout. Des comme ça il en fait des millions. Et des millions encore. Il les connaît par cœur. Son corps les connaît sûrement autant que son cerveau les oublie. Mais peut être qu'il aimerait pas qu'on en parle. Peut être qu'il aimerait qu'on oublie le long et lent drame qu'est sa vie.

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Viens me parler
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TaeHyung est allongé sur un des lits de la salle de repos. Des couchettes il y en a des dizaines. Et des souffles qui se perdent, il y en qui s'éloignent. Dans des rêves. Qui ne sont pas les leurs. TaeHyung écoute mais ne bouge pas, ne dort pas, n'existe pas. Il n'a que le souvenir de la nuit. Et au milieu de celui-ci, le souvenir inattendu de sa paume sur ses yeux, de sa main qui guide la sienne, et de son rêve dans sa bouche. Qui sort. Qui rejoint la sienne. Et qui se déploie sur le papier. TaeHyung a mal aux mains. Il frotte sa peau qui brûle de trop de froid. Sa main s'est accoutumée à la sienne. TaeHyung fixe le plafond, il murmure :

« -Tu ne peux être qu'un autre rêve. »

Des arbres,
Sous des paupières écloses,
Et des roses,
Couleur chair.

JungKook est assis dans un vieux bar sale. A sa table, le silence. Et tout autour, un bruit violent, instinctif, et pourtant pas plus fort qu'un discours. Pas de fond sonore. Pas de radio. Pas de musique. Rien. JungKook disparaît dans les ombres de sa capuche. Il n'a plus de visage. Mais il écoute, mémorise, entend des mots qui s'étalent en très grand. Sur une page vierge, dans son esprit. Il reconnaît « mort », « minuit », un jour, un lieu, un nom peut être. Puis plus rien. C'est ça la vraie musique de la vie. JungKook laisse trois pièces d'acier, se lève et marche jusqu'aux escaliers. Il erre quelques temps, trouve un mur couvert de vieilles affiches et pages de journaux.

Peinture sur les os de l'Espoir.

Il trace son idéogramme, c'est comme une rose, couleur chair. Quand il s'éloigne, elle reste vive, fleurie par la pensée qu'un homme ne mourra pas ce soir. Ni demain. Ni jamais. Mais l'espoir, il n'y en a pas. Et quand la mort annonce sa venue, sache qu'elle n'y manquera pas. Mais la vie vient aussi. JungKook croit l'apercevoir de l'autre côté d'une avenue. L'ange sort de sa cage, il marche à l'horizon d'une ville infinie.

N'arrête-t-il jamais de gronder
De pleurer ?
Maudit orage.
Ciel courroucé.

« Je te vois à tous les carrefours du monde. »