Blanc-Noir

Et puis un jour il y a eu comme un craquement.

Jimin est là
Dans
Le
Blanc.

TaeHyung est allongé.
Et
Il
Se
Sent
Malade.

JungKook n'est pas là
Dans
Le
Noir.

Jimin parle à TaeHyung, comme d'habitude. C'est qu'au fond, il a l'air normal. Il lui raconte des choses, qu'il lui a peut être déjà dites.
Il y a tout de même
Quelque chose d'étrange
Dans la chambre.
Jimin parle, lit et relit les signes sur les murs.

Zéro, un, zéro, zéro, un, zéro, un, zéro.
Il tape des doigts, en rythme, un funambule en équilibre.

Zéro, un, un, un, zéro, un, zéro, un.
Des souffles discrets que TaeHyung attrape.

Zéro, un, un, zéro, un, un, un, zéro.
Rien, rien, rien, rien, rien, rien.

Que de rien, qu'il s'en passe du temps, qu'il est commun ce temps, comme s'il tournait en rond, oui, c'est ça, il tourne en rond.

Rien, rien, rien, rien, rien, rien.
Jimin tourne en rond.
TaeHyung le suit des yeux.
Au milieu de la pièce, Jimin s'arrête.

Quelque chose.

« -Mais c'est quoi ça ? »

Jimin passe ses doigts sur la forme étrange tracée en plein milieu. Forme qui n'était pas là avant. Forme qui n'a absolument, absolument, absolument, aucun sens. Les lignes s'emmêlent, s'arrêtent subitement, ne se retrouvent jamais. Ça ne ressemble à aucun mot, à aucun objet, et surtout, surtout, surtout, à aucun nombre.

« -TaeHyung, c'est quoi ça ? »

Jimin répète la question plusieurs fois.
Il commence à respirer de plus en plus vite. De plus en plus fort.

Il n'assimile pas. Il ne connaît pas. Il a des sueurs froides.

La    Tête    Qui    Tourne.

TAEHYUNG, C'EST QUOI CA ?!

Un idéogramme que personne ne comprend.
Rien qu'à nous.

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01001010 01110101 01101110 01100111 01001011 01101111 01101111 01101011
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Jimin se met à crier, à tourner en rond, brutalement, à frapper les murs, avec ses poings, avec ses pieds, avec son âme de déchet. Il pleure, il panique, il ne sait plus par où sortir, il ne sait plus où il est, il ne sait plus qui ils sont,

il ne sait
même plus
qui il est.

TaeHyung ne sait pas quoi faire. Il sent sa conscience partir en arrière. Et ce mur blanc, et cet idéogramme sans couleur qui, si ça se trouve, n'a même pas de sens, mais ce ne serait pas grave. Parce qu'il est à eux cet idéogramme.

Son cœur n'est que hurlements.

Et Jimin aussi.

Mais personne ne vient.

Jimin n'est que sanglots.

Jimin s'effondre soudain.

Un grand calme revient dans la pièce blanche.

Jimin reste allongé sur le sol, pendant des heures, personne ne vient.
Sûrement qu'ils attendent quelque chose.

Mais sûrement qu'ils se trompent.

Quand Jimin se réveille, pas si longtemps après, il se traîne sur le sol, jusqu'au lit, là, il attrape le bras de TaeHyung pour ne pas tomber. Il a les yeux rouges et les lèvres brûlées. Il se met à parler d'une voix violente, murmure, mais paniqué. Les pupilles de TaeHyung sont deux points sombres au milieu de paupières grand ouvertes. Les ongles de Jimin dans sa peau le font souffrir.

La douleur est réelle.

Et ses mots aussi.

« -TaeHyung TaeHyung écoute moi, écoute moi, c'est très important, écoute, il faut que tu t'en ailles. Il faut que tu partes d'ici. Le plus vite possible. Je t'aiderais si tu veux. Il y a un monde tout noir dehors, je l'ai vu à travers le verre, et il faut que tu retournes là bas, parce qu'ici ils sont fous. Ils veulent se servir de toi. T'existes pas. T'es qu'un décrypteur pour eux. Et si tu continues à te laisser crever, ils vont se charger de toi, ils vont se charger de toi, je te promets, comme ils ont fait pour moi. »

TaeHyung a la tête qui déborde. Il se sent basculer ailleurs, mais Jimin le retient en enfonçant ses doigts plus rudement dans sa chair, en le tirant vers lui, pour qu'il reste là.

« -TaeHyung tu m'entends ? TaeHyung faut que tu sortes, faut que tu sortes, faut que tu te lèves et que tu sortes, regarde moi, tu te rappelles ce que t'as promis. TaeHyung ! »

La porte s'ouvre, des hommes hauts et forts entrent, attrapent Jimin et le tirent comme ça, comme s'il n'était rien. Jimin gesticule et hurle.

« -BANDES DE MENTEURS ! MENTEURS MENTEURS MENTEURS ! MOI JE SAIS TOUT ! MEME QUE C'EST DES CONNERIES TOUT CA ! TAEHYUNG LES ECOUTE PAS ! LES ECOUTE PAS ! »

Les mots deviennent des simples syllabes, les syllabes des simples lettres, et puis des cris.
Et puis un rire.
Et puis une porte qui claque.
Et puis plus rien.

TaeHyung a le corps à moitié basculé au bord du lit. Le visage vers le parterre blanc, et un bras qui pend, et qui remue tout seul, légèrement emporté par une brise qui passe, dans ses rêves. Et un idéogramme tailladé dans le mur, en face du lit, que personne ne comprend, que personne ne comprendra jamais.

TaeHyung tombe.
Tombe.
Tombe.
Tombe.
Ailleurs.
Dans le Noir.

Dans le Noir, dehors, c'est la ville.
Un vaisseau survole un terrain de silence.

Et sur des centaines de mètres, s'étendent des masses de corps sombres.

Qui ne seront plus jamais rien.

Et qu'on viendra retirer, bientôt.

Et au milieu de tout ça, un groupe de cinq personnes se faufile. Ils pillent. Ils courent et se retrouvent agiles, vivants, entre les victimes.

Deux d'entre eux soulèvent un tas, cherchent, se reculent brusquement.

« -Hé ! YoonGi ! »

Le susnommé parcourt la distance, les autres suivent, vêtus de loques et couverts de poussière. Ils n'ont pas l'air bien dignes. Et pourtant, leurs yeux scintillent.

« -Regarde ça. »

YoonGi tire sa cigarette s'agenouille, et entre les corps immobiles, il y a une poitrine qui respire. Un survivant. YoonGi leur fait un signe pour qu'ils le tirent de là. Le corps vibrant jaillit dans la nuit froide, sous une lune rouge qui redessine les saillis sanglantes qui recouvrent son visage et plongent dans sa bouche entrouverte. A genoux, inconscient, la tête tournée vers le ciel.

« -Putain de merde, souffle YoonGi. »

Il lui attrape le bas du visage pour mieux le voir, éclairé par le feu de la cigarette.

YoonGi rit. Les autres l'interrogent.

« -Quoi ?

-On va pas l'emmener, hein YoonGi ?

-Tu rigoles ? C'est la chance qui nous sourit !

-Quoi ? Pourquoi ?

-Personne connaît mieux la ville que ce gars là. »

YoonGi le lâche, se relève, regarde la route à parcourir, et fume un coup

« -Pas vrai JungKook ? »

Un peu plus tard, le groupe s'en va, transportant le corps à travers la vallée muette.

La tête en arrière, le souffle imperceptible, JungKook ouvre doucement les paupières.
Il aperçoit d'abord la grande infinité sombre, puis les grattes ciels, puis la ville qui l'absorbe, car alors il se sent tout à elle.

Et il murmure quelque chose du bout des lèvres, juste un nom, que personne n'entend.

Puis il perd connaissance.
Et la ville est là.
Et il ne tombe pas.

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JungKook
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Un corps en fleurs, au bord du quai.
Un autre corps s'approche
S'allonge contre lui
S'endort sur son épaule
Puis fleurit à son tour.