1 - station-service, téléphone et historique
PDV MACKENZIE :
Je ne m'étais jamais retrouvée complètement seule – du moins sans jamais l'avoir voulu. Alors, lorsqu'en sortant de la station-service, je découvre que le car a disparu, je me mets bien évidemment à paniquer. Non, c'est impossible qu'ils puissent être partis. Peut-être le car est-il garé sur un parking spécialisé ?
Le conducteur nous a accordé vingt minutes pour que nous puissions dégourdir nos jambes et faire tout ce dont nous avions besoin avant de reprendre la route. Nous devions être de retour devant le car à 15h20, dernier délai – sans quoi il partirait sans nous. J'ai donc fait un rapide tour aux toilettes avant d'aller acheter un paquet de chips, une bouteille d'eau, des Dragibus ainsi qu'un roman pour me changer les idées pendant le trajet.
Je fais donc le tour de la station-service en cherchant du regard le long bus vert qui doit m'emmener jusqu'à Miami. J'arpente plusieurs fois le parking avant, puis le parking arrière, je passe entre les camions de livraison, les voitures dont les coffres sont remplis de bagages, ainsi que les autres cars de voyage. Malheureusement, je ne vois pas mon car, celui dans lequel se trouve ma valise.
Je sors mon portable de ma poche pour vérifier l'heure : 15h14. Je le savais, je ne suis pas en retard ! D'ailleurs je ne suis jamais en retard.
À moins que...
J'éteins mon téléphone et le rallume. L'heure qui s'affiche alors est 15h23.
"Téléphone de merde." soupirais-je en le rangeant dans ma poche.
Le cœur battant, je retourne à l'intérieur de la station-service pour voir s'il reste des passagers qui étaient avec moi dans le car, mais je ne reconnais personne. Quelle idée d'avoir voulu faire le trajet toute seule ? Pourquoi ne suis-je pas partie avec Charlotte et Niall ? Vingt heures de route seraient passées tellement plus vite si j'avais été en compagnie de mes deux meilleurs amis.
Je ne pouvais pas savoir que les menaces du conducteur étaient réelles ! Je ne crois pas qu'il soit autorisé à laisser des passagers au milieu de nul part ; j'ai payé ma place tout de même ! Maintenant, me voilà seule, au milieu de nul part et sans aucun moyen de pouvoir en partir. Comment vais-je faire ?
Mes yeux se remplissent d'eau et je suis obligée de prendre plusieurs inspirations pour ne pas me mettre à pleurer. Je ne peux pas me permettre de fondre en larmes maintenant ; je dois rester calme afin de trouver une solution. Se sont-ils rendus compte de mon absence ? Sûrement pas. Le siège à côté du mien était libre et j'ai passé tout le début du trajet à écouter de la musique, à regarder par la fenêtre ou à dormir. En soit rien qui ne m'ai permis de rencontrer d'autres personnes.
Je m'installe sur un banc près de l'entrée de la station-service et essaie de me connecter au Wi-Fi public pour chercher le numéro de la compagnie de transport. Bien évidemment, c'est lorsque j'en ai vraiment besoin que mon téléphone n'arrive pas à accéder à Internet. La page charge, charge et charge encore, sans jamais que rien n'apparaisse sur l'écran. J'envoies un message à Charlotte et lui demande si elle peut faire la recherche à ma place, puis je fouille dans mon sac afin de trouver mon ticket de transport dans l'espoir qu'un numéro de téléphone soit inscrit dessus.
Lorsque je le retrouve enfin, je lis tout ce qui est inscrit dessus en détail. Mon pouls est trop rapide, ce qui m'empêche de me concentrer. Je dois d'ailleurs m'y prendre à plusieurs fois pour arriver à me concentrer sur les petites écritures bleues qui figurent sur ce rectangle de papier glacé. Aucun numéro ne se trouve sur le billet, si ce n'est une adresse mail. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire d'une adresse mail alors que je n'ai même pas Internet ?
Je soupire, et une nouvelle vague de larmes m'assaille. Je mords l'intérieur de ma joue et reste assise là en espérant que Charlotte me réponde. Elle représente mon dernier espoir. Peut-être qu'avec un peu de chance, cette compagnie a un autre car qui se rend en direction de Miami ou, mieux, un en direction de New-York. Je veux rentrer à la maison. Ce voyage était une mauvaise idée.
Pourquoi partir deux mois en vacances dans une ville qui se trouve à une journée de route de chez moi ? Il s'agit sûrement d'un signe pour me faire comprendre que je devrais fêter mon anniversaire à la maison, comme tout le monde. Je n'ai pas besoin d'une plage de sable fin, tout ce dont j'ai besoin c'est mes amis. J'aurais dû dire à Charlotte que je ne voulais pas partir.
J'essuie ma joue comme si des larmes invisibles y avait coulées, avant de serrer mon sac à dos contre moi. Les gens vont et viennent dans la station-service comme si de rien n'était. Des familles, des couples, mais aussi des personnes seules. Peut-être que l'un d'entre eux se rend à Miami ou à New-York ? Je pourrais leur demander de m'emmener ?
Encore faudrait-il que je sois assez courageuse pour accoster quelqu'un.
J'observe les gens qui sortent de leur voiture et me mets à rechercher une personne pas trop effrayante. Une jeune femme claque la portière de sa voiture rouge, son téléphone portable collé à l'oreille. Elle porte une longue jupe en jean ample ainsi qu'un t-shirt jaune, et ses cheveux roux sont maintenus en place par les lunettes de soleil qui sont posées sur son front.
"Non, pas vraiment..." l'entendis-je dire alors qu'elle passe à côté de moi. "Je t'enverrais un message quand je serais arrivée à Cincinnati, d'accord ?"
Cincinnati ? Ça n'est pas du tout dans ma direction – quelle qu'elle soit. Dommage, elle avait l'air gentille.
De loin, j'aperçois une voiture noire se garer. Un homme aux cheveux bouclés en sort et fait le tour de son véhicule pour récupérer quelque chose dans son coffre. Un couple de personnes âgées s'approche de l'entrée de la station-service et la femme s'arrête à côté de moi, ce qui attire mon attention. Elle me sourit et ses yeux doux me font automatiquement penser à ma grand-mère.
"Vous attendez quelqu'un ?" m'interroge-t-elle d'une voix aussi caressante que son regard.
"Je cherche juste un moyen d'aller à New-York. Ou Miami." expliquais-je en me redressant sur le banc.
"Je suis désolée, ça n'est pas sur notre chemin. Mon mari est moi allons à près de Columbus pour rendre visite à notre fille." réplique la dame âgée avant de tapoter sur le bras de son mari qui lisait une affiche accrochée à l'entrée de la station-service afin d'attirer son attention. "Elle veut aller à New-York ou Miami."
"C'est dans deux directions complètement différentes." fait-il en fronçant les sourcils, et je comprends son incompréhension. "Vous êtes bien sûre que c'est là où vous devez aller ?"
"Je suis sensée aller en vacances à Miami, mais je pense que finalement je préférerais rentrer à New-York."
"Je vois... Nous ne pouvons pas vous emmener, mais si quelqu'un se rend à Jacksonville cela vous permettra de vous rapprocher de Miami." déclare-t-il en remontant ses lunettes de vue sur son nez avec son index. "Nous pouvons nous renseigner pour vous, si vous voulez ?"
"Oh, non merci. C'est très gentil à vous, je vais trouver un moyen de me débrouiller." les remerciais-je, gênée.
La femme m'offre un petit sourire et ils entrent dans la station-service, main dans la main. Les minutes passent, et je commence à me dire que j'aurais dû accepter leur aide. Si je ne suis pas capable d'oser aller voir une seule personne sur ce parking, comment vais-je partir de cette air d'autoroute ? Le couple passe à nouveau devant moi et je leur fais un petit sourire, me sentant encore plus mal à l'aise d'être toujours assise là, sur ce banc.
Je me promets alors d'aller voir la prochaine personne qui sort du bâtiment. Oui, c'est ce que je vais faire. Je referme mon sac, glisse mon ticket de transport dans la poche de mon jean et attends que les portes automatiques s'ouvrent à nouveau. Lorsqu'elles le font, c'est un homme d'âge mûr qui apparaît. Il a une longue barbe grise et porte une épaisse veste sans manches en cuir noir qui laisse entrevoir ses bras recouverts de tatouages.
"Je vais attendre le suivant..." murmurais-je, ne me sentant pas assez courageuse pour aller parler à cet homme-là.
La personne qui sort juste après lui est le propriétaire de la voiture noire – celui avec les cheveux bouclés. Il tient un gobelet en carton et un journal est coincé sous son aisselle. Je l'observe déposer son verre sur le toit de sa voiture avant qu'il n'ouvre sa portière et s'installe sur le siège avant pour feuilleter son journal. Lorsqu'il sort à nouveau de son véhicule, il récupère son gobelet et l'apporte à sa bouche avant de rire en voyant quelque chose sur son portable. J'attends encore un peu avant de réunir tout mon courage pour me lever et aller le voir avant qu'il ne s'en aille.
"Excusez-moi." l'interpellais-je en me postant derrière lui.
Il se retourne et me sourit, étonné de me voir. Il est tellement grand que mon regard se trouve au niveau de ses lèvres roses et charnues, et je suis obligée de lever la tête pour pouvoir regarder droit dans ses yeux verts.
"Oui ?"
"Est-ce que vous avez Internet ?" demandais-je, ne me sentant pas capable de lui demander où il se rend.
"Sur mon portable ? Oui."
"Est-ce que je peux vous l'emprunter ? Je n'arrive pas à connecter le mien au Wi-Fi de la station-service." expliquais-je.
Il pose son regard sur le téléphone qu'il tient entre ses doigts et semble hésiter.
"Tu ne vas pas me le voler et partir en courant, n'est-ce pas ?" s'assure-t-il, tout de même avec un petit sourire au coin des lèvres.
Oh, alors on se tutoie.
"C'est promis." souriais-je aussi. "Je dois juste chercher un numéro de téléphone sur Internet."
Il me tend son portable et je le remercie avant de sortir mon ticket de ma poche pour taper le nom de la compagnie de transport sur Google. Je sens son regard sur moi, tandis qu'il boit dans son gobelet en carton, ce qui me déstabilise.
"Miami, hein ?" fait-il et je le regarde, surprise. Comment sait-il où je vais ? "C'est écrit sur ton ticket." répond-t-il à ma question silencieuse.
"Ouais, hmm... j'y vais avec des amis."
"Où sont-ils ?"
"Ils sont déjà à Miami." expliquais-je en faisant défiler la page Internet. "Je dois les rejoindre là-bas."
"Tu y es déjà allée ?" continue-t-il.
Toutes ces questions sont-elles un moyen de s'assurer que je ne m'en aille pas en courant avec son téléphone ?
"Non, c'est la première fois." répondis-je tout de même. "Et toi ? Où vas-tu ?"
"Je vais aussi à Miami."
Je lève la tête pendant quelques secondes avant de continuer ma recherche.
"Oh..." est la seule chose que je trouve à dire.
"Je m'appelle Harry." se présente-t-il et je le regarde à nouveau.
"Et moi Mackenzie."
Il me sourit et je trouve enfin le numéro que je cherchais. Je sors mon téléphone de ma poche et l'enregistre dans mes contacts avant de lui rendre son portable. Il le jette sur le siège avant et s'appuie contre sa voiture, alors que je reste là, plantée devant lui.
"Merci, pour ton téléphone." dis-je en agrippant les lanières de mon sac à dos avant de les lâcher, me rendant compte que cela doit me donner l'air d'une enfant.
"De rien."
"Bon, et bien, je te souhaite... de faire bonne route."
Je fais demi-tour pour retourner m'asseoir sur la banc et appeler la compagnie de transport, mais Harry m'interpelle.
"Et comment tu te rends à Miami ?"
"Je ne sais pas encore." répondis-je, honnêtement, en me tournant vers lui. Même si je me trouve à plusieurs mètres de lui, son regard vert m'intimide et je baisse les yeux vers le sol. "C'est pour ça qu'il me fallait ce numéro de téléphone."
"Je peux t'emmener si tu veux." propose-t-il et je pince les lèvres.
C'est vrai que l'offre est alléchante... mais je pèse tout de même le pour et le contre. Je ne connais pas Harry. Il pourrait être dangereux. Mais en même temps, ai-je vraiment le choix ? Même si j'arrive à avoir quelqu'un au téléphone, qui me dit qu'un autre car passera ici ?
"Je ne sais pas trop..." hésitais-je.
Il a tout de même l'air gentil.
"Je n'ai pas de casier judiciaire, promis. Et je conduis bien, je n'ai jamais eu d'accident." réplique Harry. "Je ne fais partie d'aucune secte et, aux dernières nouvelles, je n'ai pas de maladie contagieuse."
"C'est juste que... On ne se connaît pas, Harry." expliquais-je en croisant mes bras sur ma poitrine, tout de même amusée par le fait qu'il tente de me convaincre.
"Il y a encore pas mal d'heures de route jusqu'à Miami ; on peut apprendre à se connaître pendant ce temps-là. Tu sais, si tu n'acceptes pas ma proposition, je risque de me sentir coupable de te laisser ici toute seule."
"Je pourrais appeler un taxi ?" réfléchissais-je à voix haute, mais je vois à son regard qu'il ne s'agit pas d'une bonne idée. "Ça va me coûter un bras."
"Et je doute que quelqu'un veuille bien conduire pendant autant de temps."
"Tu peux me redonner ton portable ?" demandais-je alors en revenant près de lui.
Harry fronce les sourcils mais me tend tout de même son portable avant de s'asseoir sur le siège avant de sa voiture.
"Le code c'est 1967." m'indique-t-il en passant ses doigts dans ses cheveux longs pour les repousser vers l'arrière. Je rentre les chiffres et, une fois qu'il est déverrouillé, je clique sur Google. "Qu'est-ce que tu regardes ?"
"Ton historique de recherches."
Il hoche la tête lentement et puisque ça n'a pas l'air de le déranger, je fais défiler la page avec mon pouce pour passer en revue les différents onglets qu'il a récemment ouvert.
"Tu trouves ce que tu veux ?"
La météo à Miami, Twitter, un roman de Stephen King sur Audible, l'adresse d'un café à Philadelphie, Google Maps, un Ted Talk sur YouTube et sa boite mail. Ça ne ressemble pas à l'historique d'une meurtrier ni d'un kidnapper. N'est-ce pas ?
"Oui, c'est bon, tu n'as pas l'air dangereux." déclarais-je, satisfaite, en lui rendant son portable. "Je veux bien venir avec toi."
"J'ai l'air dangereux, d'après toi ?" s'étonne Harry avec un petit sourire en coin.
"Non, mais c'est justement ça qui est dangereux." affirmais-je et il rit. "Bon, on y va ?"
"Tu n'as pas de valise ?" s'étonne-t-il en se relevant pour jeter son gobelet en carton dans une poubelle qui se trouve près de sa voiture.
"C'est une longue histoire." soupirais-je.
"Heureusement que tu as une dizaine d'heures pour me la raconter."
Je souris et il me fait signe de monter en voiture. Une fois assise sur le siège passager, je dépose mon sac à dos à mes pieds et Harry referme sa portière. Son véhicule est très spacieux et propre – on dirait qu'il est neuf. En tout cas, ça sent le neuf. Nous attachons notre ceinture de sécurité et lorsqu'il démarre le moteur, la climatisation se met en route.
"Super..." m'extasiais-je en fermant les yeux pour apprécier l'air frais, ce qui amuse Harry.
"Alors, tu viens d'où, Mackenzie ?" me demande-t-il en sortant du parking.
"De New York."
"Tu ne fugues pas j'espère ?" m'interroge-t-il alors, son attention seulement sur la route.
"Non, je vais fêter mon anniversaire avec mes amis. Je suis en vacances." expliquais-je amusée. "Quel âge est-ce que tu penses que j'ai au juste ?"
"Je sais pas... 18 ans ?"
"Oh, merci."
"Quoi ? C'est pas ça ?" Il semble vraiment étonné, mais je suis habituée à ce que l'on me croit plus jeune.
"Non, je vais avoir 21 ans cet été."
"Wow, ça se fête !" s'exclame-t-il aussitôt.
"Et toi, tu as quel âge ?"
"25 ans, pourquoi ? Tu me donnes quel âge ?"
"24 ans, je pense. Mais tes cheveux longs te rajeunissent." expliquais-je après avoir observé son profil.
"J'aime bien mes cheveux longs."
"Moi aussi." souriais-je avant d'appuyer mon coude sur la portière.
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