Je nouais mes longs cheveux châtains en une natte. Mes doigts tremblaient tellement j'étais stressée. Stressée par ce qu'il allait arriver dans les vingts prochaines minutes. Ma mère passant par là, y ajoutait un ruban blanc. Elle me chuchota à l'oreille que je n'avais pas à être stressée, que tout allait bien se passer. J'essayai de la croire, mais cela ne fit qu'empirer mon état.

Après tout, je n'avais pas réfléchi à tout cela. Et quand on m'avait demandée, la semaine dernière, quel poste j'aurais voulu, je n'avais pas su leur répondre.

J'étais vêtue d'une robe blanche m'arrivant à mi-cuisses. C'était obligatoire. Cheveux attachés et habits blancs, c'était le protocole habituel pour cette cérémonie.

Dix minutes avant le début de la cérémonie, mon frère vint me rejoindre et me dit :

—Mia, ça va bien se passer, même si tu ne sais pas où tu vas être affectée. Moi par exemple, je n'en suis pas encore sûr.

—Mais toi c'est différent Hugo ! Depuis tout petit tu sais que tu vas aller dans l'armée des anges ! 

Mon frère, Hugo, était un ange. Nés de parents guérisseurs, nous étions les seuls enfants de notre planète qui n'avaient pas les mêmes pouvoirs que leurs géniteurs. Moi je ne savais pas qui j'étais, personne le savait vraiment en réalité... et c'était cela qui constituait ma plus grande peur. J'avais peur que personne ne comprenne qui j'étais.

—Mia ? Tu m'entends ? me demanda mon frère.

—Oui oui, bon on y va ? Ça va être l'heure, dis-je.

Je me dirigeai vers la grande salle, accompagnée de mon jumeau. On alla s'installer avec nos parents sur les places prévues à cet effet.

—Bonjour à tous très chers habitants de Focus (le s est à prononcer) ! clama la grande sage, que l'on appelle tous Dame Fleur. Nous sommes réunis en ce jour pour la cérémonie du choix. Cette cérémonie dure depuis déjà cinq cents ans et a été mise en place par nos ancêtres créateurs. Elle consiste à ce que chaque habitant de notre bien aimé planète trouve sa vocation. Commençons dès à présent par les cyborgs. Vous avez été chargés d'apprendre dans l'informatique et réussir dans ce qu'il vous plaît. J'appelle : [...].
Les lunars. Vous ferez les expéditions nécessaires à notre survie sur d'autres planètes de divers systèmes solaires. J'appelle : [...].
Les pilots. Vous, constituerez notre précieuse armée, elle même constituée de deux catégories : l'armée des anges et l'armée spéciale. Commençons par nos beaux anges. J'appelle : Richard Benson, [...] Hugo Heaven.

À l'entente de son prénom, mon frère se leva en souriant et se dirigea vers Dame Fleur. Elle lui chuchota à l'oreille et dit finalement à voix haute : « ton souhait a été exaucé cher Hugo. Tu seras affecté dès demain à notre section spéciale de l'armée des anges. Félicitations ! Que tes rêves se réalisent. »

Elle continua son discours pour chaque personne. Les shells, ceux qui sont en phase avec la nature et la protège. Les princests, qui eux sont au service des autres et enfin les guérisseurs, qui comme leur nom l'indique, guérissent les habitants, les animaux et la nature ...

Mais au fur et à mesure que les prénoms fusaient et que les jeunes de mon âge se levaient, je sentais que quelque chose n'allait pas. Je n'avais toujours pas été appelée.

Et voilà que l'avant dernière personne venait de se faire appeler. C'était ma meilleure amie, Jade Jobia qui voulait devenir une shells.

Mais mon inquiétude ne faisait que grandir davantage.

Logiquement, si elle était l'avant dernière, j'étais la dernière.

Et cela m'inquiétait. Car je ne savais pas qui j'allais devenir, ni même où l'on allait m'envoyer pour apprendre un métier et surtout quel métier ...

—Très chers focusiens, il est maintenant venu le temps de vous annoncer une grande nouvelle et le grand changement qui va s'en suivre. 

Je retenais mon souffle. Et si elle m'avait définitivement oubliée ?

Dame fleur continua sur sa lancée :

—Comme vous le savez tous, Marc Zenfield est notre cupidon bien aimé. Mais le temps passe et Marc se fait vieux. C'est pour cela que depuis près de trois mois, nous observons, lui et moi, chacun de vos faits et gestes, vos attitudes et aptitudes, qu'elles soient mentales ou physiques. Nous avons cherché lequel d'entre vous tous pourrait le remplacer dans sa fonction, dit-elle en s'adressant à nous tous, les jeunes. Nous avons finalement fini par trouver. J'appelle donc Marc à me rejoindre s'il le veut bien, pour annoncer qui assurera sa suite.

L'interpelé se leva et rejoignit Dame Fleur sur la scène. Il marchait d'un pas lent mais assuré. Il boitait, signe de sa vieillesse. À cet instant précis, je ne pus que me demander pourquoi il n'avait pas arrêté plus tôt. 

—Je ne vais pas passer par quatre chemins, annonça-t-il. J'appelle Mia Heaven à me rejoindre.

Mais qui est donc cette personne ? me demandai-je.

C'est seulement lorsque ma mère me donna un coup dans les côtes que je m'aperçus que c'était moi qui était appelée.

Je me levais sous les regards de chaque personne présentes dans la salle. Certains me regardaient avec fierté, d'autres avec étonnement, avec envie ou encore avec colère et haine.

Une fois arrivée sur l'estrade, Dame Fleur reprit au micro :

—Nous pouvons l'applaudir ! Mia, je te souhaite bonne chance dans ton destin et ton apprentissage. Nous sommes tous avec toi et Marc sera un prof génial, je n'en doute pas.

Les applaudissements fusaient. Je ne savais que faire, alors je baissais la tête, un sentiment de culpabilité m'ayant envahit.

Quelques minutes après, alors que Dame Fleur avait demandé à tout le monde de se taire, elle m'invita à rejoindre les bancs où étaient installés tous ceux qui étaient de la même année que moi.

Je le fis rapidement et rejoignis Jade qui me lança un de ses plus grands sourires, un de ceux qui signifiaient « on va parler toutes les deux après ».

—C'est ainsi que se termine notre cérémonie. Je vous souhaite à tous une très bonne fin de journée et espère que vos enfants sauront s'atteler à leurs tâches à la perfection.

Je ne sais pas si c'est moi ou autre, mais quand elle a prononcé ses derniers mots, elle m'a regardée avec insistance.

***

Nous voilà tous chez moi dans le salon. Mes parents avaient invité ceux de Jade à manger. Ce qui faisait que nous nous retrouvions tous à table, à rire, boire et manger de délicieux petits plats préparé par ma mère.

Mais moi je n'arrivais pas à rire avec eux. J'étais perdue dans mes pensées. Je me demandais pourquoi c'était moi qui avait été choisi, et pourquoi Dame Fleur m'avait regardée ainsi à la fin de son discours.

Mon frère me donna un coup de pied sous la table comme il était en face de moi. Je le regardai. Il me mima un « ça va ? » et je lui répondis par pensées « câlin ce soir ».

Le repas se termina plutôt bien, dans la joie et la bonne humeur. Je réussis à éviter les questions de Jade ; je ne voulais pas lui parler, pas maintenant.

J'étais à présent dans mon lit, à fixer le plafond, quand on toqua à la porte. Une petite tête fit son apparition : c'était Hugo.

Il s'avança et s'installa à mes côtés, enveloppant ses ailes autour de moi et des miennes.

Oui, même si je ne suis pas un ange, j'ai des ailes. C'est une particularité des focusiens. Quoi que vous soyez, qui vous soyez, vous possédez des ailes.
Mais bien sûr, les miennes sont plus fines que celles de mon frère et elles ne sont pas de la même couleur.

Pour en revenir à mon frère, il me regarda longuement, comme il le faisait si bien avant de me dire :

—Pourquoi tu doutes de toi ?

—Parce que je ne comprends pas, lui dis-je.

—Tu ne comprends pas quoi ?

—Le fait que ça soit moi qu'on ai choisit et pas une autre personne, une fille et non un garçon.

—Mia, tu doutes trop de toi. Tu as amplement les capacités pour réussir la mission que l'on t'a confiée. C'est-à-dire, faire tomber les âmes soeurs de la planète Terre amoureuses, les réunir.

Je ne savais pas quoi lui répondre ... Il avait raison après tout ...

—Allez, dors, ça te fera du bien. Et demain, n'oublie pas que ta nouvelle vie commence.

—Et la tienne..., fis-je dans un souffle, avant de m'endormir bercée par le souffle réconfortant de mon jumeau dans mon cou.

***

—Allez debout ! fit Hugo en me secouant gentiment l'épaule. Ton professeur est passé à la maison il y a à peine dix minutes. Il a dit qu'il t'attendrait dans moins d'une heure là où a eu lieu la cérémonie.

—Dans combien de temps ? dis-je, encore endormie.

—Il te reste quarante-cinq minutes maintenant, sourit-il.

Je réfléchis deux secondes et me rendis compte qu'il ne me restait que très peu de temps pour me préparer et arriver à la grande salle.

Je me redressai brusquement, complètement paniquée :

—Hugo ! Tu pouvais pas me réveiller avant ?

—Tu étais si paisible comme ça, je ne voulais pas risquer de te réveiller, rit-il.

Je me demandais à cet instant ce qui me retenant de faire manger le sol à cet imbécile. Mais pour l'instant je me dirigeai vers la salle de bain.

J'en ressortis quinze minutes plus tard, douchée, habillée et maquillée.

J'enfilai mes chaussures au rez-de-chaussée et m'en allais sans oublier de crier :

—J'y vais à ce soir !