Chapitre 58
Un pot en carton à la main, percé d'une paille, Gustave pensivement le sang de cochon frais, le regard rivé sur la télévision. Cela faisait à peine une semaine qu'il était arrivé dans cette ville et cet étrange boîte à images mobiles était ce qui le fascinait le plus...
Un bruit le fit frémir et il tourna les yeux vers la porte du hangar, mais elle ne s'ouvrit pas. Le bruit recommença et il fronça les sourcils, posa le gobelet en carton sur la table basse et s'approcha d'une des six grandes baies vitrées qui donnaient sur un vaste parking envahi d'herbes folles. Anciens quais de chargement, ils avaient été transformés en fenêtres et donnaient un panorama impressionnant sur la forêt proche et la montagne.
Le bruit recommença et Gustave tira la baie pour sortir ; l'odeur familière qui lui arriva aux narines le fit esquisser un sourire et il longea l'ancien quai de chargement jusqu'à l'avant de bâtiment. Il s'arrêta au bout et observa Liam qui, assis sur le sol, lançait une balle de baseball contre les portes de l'un des conteneurs rouillés qui traînaient là depuis des années.
— Salut... dit le vampire en croisant les bras.
Liam frémit et loupa sa balle. Elle partir sous le conteneur et il baissa la tête. Sans un mot, il se leva ensuite et s'approcha du vampire qui sauta sur le sol. Lorsque le loup lui fit face, il leva la tête vers lui.
— Viens, allons discuter à l'intérieur, il y a trop d'oreilles qui traînent ici...
Liam regarda autour de lui, huma l'air, puis grogna en se détournant.
— Liam... tenta Gustave.
— Je n'aurais pas dû venir, c'est idiot ! J'espérais quoi, franchement ? Je vis avec ces sautes de colère depuis des années, je vivrais avec jusqu'à ma mort !
Le jeune loup se dirigea vers sa voiture mais, au moment d'ouvrit la porte, la main de Gustave se plaqua sur la vitre et l'en empêcha. Liam baissa la tête.
— Vous m'impressionnez, avoua-t-il alors. Je sais qui vous êtes, Gustave, et c'est encore pire que quand je l'ignorais... Avec ça, j'ai lu beaucoup d'histoires sur les vampires et leurs mœurs débridés pour ne pas croire que votre proposition soit désintéressée...
Gustave baissa le bras et Liam s'adossa à la voiture.
— Elle l'est, répondit le vampire. Mais il n'est pas totalement exclu qu'un jour, dans quelques mois, quelques années, notre relation évolue. Si je suis toujours à Beacon Hills, bien évidemment.
Liam déglutit. Il tourna la tête et un grondement roula dans sa gorge. Gustave observa la louve qui se tenait au bout du parking.
— Casse-toi ! lui hurla Liam. J'ai pas besoin de baby-sitter !
La louve serra le poing, grogna, puis se détourna.
— Pourquoi est-elle là ? demanda alors Gustave.
— Scott. Il ne vous fait pas confiance et il sait que vous me tournez autour. Il ne vous laissera pas m'approcher...
— Tu n'es pas son fils, pourtant...
— De cœur, si. Je suis son premier Bêta, j'ai énormément de respect pour lui, quand bien même mes sautes de colère sont encore pires depuis que j'ai été transformé...
— C'est normal, la magie qui nous transforme exacerbe nos émotions, répondit le vampire en s'asseyant sur un bloc de béton. Quand je me suis réveillé après avoir été transformé, j'ai cru devenir fou. Je voyais tous les détails, jusqu'au poil de sourcil blanc d'une femme à dix mètres de moi ; j'entendais tous les cœurs battant la chamade autour de moi, le flux du sang dans les artères... C'était atroce ! J'ai passé des semaines dans le noir et le silence d'une cave, je ne supportais plus rien, mais j'avais faim, très faim. J'étais ce que vous appelez maintenant un Nouveau-Né et à ce stade, les vampires sont des machines à tuer, incapables de penser autrement qu'avec leur estomac. Ils sont ultra puissants, ils peuvent déchirer un humain en deux à la force de leurs mains...
Liam pinça la bouche.
— Les jeunes loups sont un peu pareils, nous sommes submergés par des odeurs, des sons inaudibles pour les humains, répondit-il. Nos capacités sont difficilement contrôlables, et la première pleine lune est un enfer...
Il inspira puis leva les yeux vers Gustave et observa son profil. Quand le vampire tourna la tête vers lui, il esquissa un rictus. Il tendit ensuite la main.
— Allons à l'intérieur, dit-il.
— Vous êtes en train de manger, vous puez le sang, répondit Liam en secouant la tête. L'odorat, un truc bien chiant, ça aussi...
— Ça dépend des moments... roucoula le vampire avec un sourire.
Liam s'étouffa puis sourit en secouant la tête. Il se redressa d'un coup de reins et inspira.
— Je dois réfléchir, dit-il en ouvrant sa portière. Anise m'avait dit qu'elle me trouverait une potion pour m'aider, une histoire de phéromones, mais elle est trop prise par son apprentissage et sa relation avec Scott...
— Raison de plus pour me laisser t'aider, répondit Gustave. Je ne te demande rien en retour, je te le promets. Ma capacité à aspirer les émotions des gens te rendra la vie beaucoup plus facile, je t'en fais la promesse, mais pour cela, il faut tu acceptes mon offre de ton plein gré.
Liam leva un pied, hésita, puis referma la portière et Gustave pencha la tête, intrigué.
— Vous avez raison, Scott n'est pas mon père, je n'ai de comptes à lui rendre qu'en tant que Bêta, dit alors le jeune loup. Je dois faire quoi pour que vous puissiez m'aider ?
Gustave sourit en plissant le nez puis se détourna.
— Rentrons, dit-il. Nous serons mieux à l'intérieur que sur le parking.
Liam hésita ; Gustave monta sur le quai sans effort apparent puis disparut dans le hangar. Le jeune homme renifla alors et tourna la tête : la louve était de retour.
— Scott sera informé, dit-elle.
— Fais ton rapport. Je n'ai aucun compte à lui rendre sur ma vie privée et s'il est en colère, envoie-le-moi.
— Je n'y manquerai pas.
La louve tourna les talons et disparut dans les ombres des conteneurs. Liam souffla ensuite par le nez et sauta sur le quai. L'odeur du sang frais lui piqua aussitôt les narines et il éternua violemment en entrant dans le hangar.
— Mais comment vous faites pour vous nourrir de ça... grimaça-t-il.
Gustave sourit. Il reposa son pot et le jeune loup contourna le canapé ; il s'assit près du vampire qui s'essuya la bouche avec une serviette en papier tout en coupant la télévision. Lorsqu'il se tourna vers Liam, celui-ci baissa le nez.
— Regarde-moi, s'il te plaît... Je ne te ferais pas de mal, ce n'est pas dans ma nature, du moins, plus maintenant.
— Vous êtes le Comte Dracula, Gustave, vous êtes le pire vampire qui existe en Europe et...
— Je ne suis pas fier de certaines choses que j'ai faites, en effet, mais n'oublie pas que j'ai été enfermé dans une boîte durant les deux derniers siècles... Cela ne m'absout pas des cinq siècles précédents, je te l'accorde.
Liam esquissa un sourire.
— Vous me terrifiez, dit-il en secouant la tête.
— Moi, ou bien ce que tu imagines du devenir de notre alliance ?
— Je...
Liam inspira et s'assit en tailleur sur le canapé, face au vampire qui lui prit alors les mains en s'installant comme lui.
— Bien que ce ne soit pas le désir qui m'en manque, tu es un beau garçon et tu as l'air agréable à vivre, pour le moment, c'est ta colère qui me préoccupe et je veux t'aider à la contrôler, répondit-il.
— Comment ?
— Ma capacité à absorber les émotions de mes victimes me permet de les rendre totalement indolentes, ainsi, elles ne souffrent pas et meurent en paix une fois que j'ai fini de me nourrir de leur sang. C'est mon venin qui fait cela, mais je ne vais pas te mordre, j'en serais très malade.
— Je vais devoir boire votre sang ? demanda Liam, les sourcils plissés.
— Précisément. Un simple dé à coudre suffira ; j'ai juste besoin d'une sorte d'ancre surnaturelle pour attirer ma capacité d'engourdissement des sens.
Liam déglutit.
— Ca fait mal ?
— De ?
— L'indolence ?
— Pas du tout. C'est même tout le contraire. C'est comme... Comme quand l'on éponge l'eau qui déborde d'un vase, par exemple. Lorsque ta colère sera sur le point de te submerger, c'est moi qui prendrais le relais. Tu ne t'en rendras pas compte, sinon avec le fait que tu ne risquera plus d'imploser à la moindre contrariété. Et cela fonctionnera que nous soyons ensemble ou pas, tant que je serais vivant.
— Et vous ? Vous allez souffrir ?
Gustave baissa le nez. Liam récupéra aussitôt ses mains et quitta le canapé. Le vampire lui emboîta le pas.
— Je suis immortel, Liam ! dit-il en lui saisissant le poignet. Être un vampire est une souffrance au quotidien, mais j'ai sept cents ans, je suis habitué, c'est normal pour moi... !
— Il n'est pas question que je fasse souffrir une autre personne ! répliqua le loup en se dégageant de la poigne. Je vais attendre Anise ! Elle me trouvera quelque chose, une potion, un charme, je ne sais pas, mais vous ne souffrirez pas à ma place !
Liam se dirigea vers la porte de la savonnerie, mais Gustave le devança et se mit devant lui. Liam gronda et shifta soudain.
— Ecartez-vous ! gronda-t-il.
— Non ! Attaque-moi si tu en as envie, mais je ne te laisserai pas partir, pas dans cet état !
Les yeux jaunes du jeune loup luisirent et il se jeta alors en avant. Gustave le saisit à la gorge et l'envoya valser plus loin. Liam s'écrasa sur le sol et glissa sur plusieurs mètres en plantant ses griffes dans le béton usé. Il se redressa ensuite, le souffle court, et rugit ; la seconde suivante, il s'envolait de l'autre côté du hangar. Il atterrit lourdement dans un fauteuil qui se renversa sous l'impact.
— Cela ne sert à rien, Liam, dit alors Gustave. Tu n'es pas de taille contre moi, tu...
Le vampire se protégea de ses bras quand un objet s'envola et se fracassa sur lui. Il gronda alors et, se redressant, il feula. Ses crocs jaillirent et ses yeux devinrent rouge sang. Traversant la pièce, Gustave saisit Liam au col et le plaqua au sol si brutalement que la poussière se souleva. Liam accusa le choc en grognant et, agenouillé au-dessus de lui, Gustave feula. Il se figea soudain, tourna la tête vers la baie et Liam en profita pour lui planter ses griffes dans le ventre. Surpris, Gustave hurla de douleur et Liam le repoussa pour se dégager de lui. Il s'éloigna en se massant la gorge, un peu sonné, et quand une main saisit sa cheville, il laissa échapper une exclamation et s'écrasa sur le ventre. Son menton heurta le sol, ses dents claquèrent et il grogna de douleur. Il se retourna ensuite sur le dos et Gustave le tira à lui. Quand il fut au-dessus de lui, il n'était plus en mode vampire, ses yeux étaient redevenus bleus et du sang glissait de sa tempe et maculait sa chemise au niveau du ventre. Il y porta une main en fronçant les sourcils et, approchant la main de son visage, il observa le sang rouge sombre. Il regarda ensuite le jeune homme sous lui et Liam redevint humain, le souffle court et des égratignures un peu partout.
— La douleur est mon quotidien, Liam... souffla alors Gustave. Je n'aurais pas plus mal en absorbant la tienne que lorsque j'annihile les sens d'une victime...
— Je refuse...
— De quoi as-tu peur ?
Liam déglutit. Il leva une main et effleura la plaie à la tempe du vampire. Celui-ci ferma les yeux et s'appuya légèrement contre la main. Quand il les rouvrit, Liam laissa glisser sa main sur sa joue ; Gustave se pencha alors et l'embrassa doucement du bout des lèvres.
— Je te fais la promesse que je ne te ferais jamais de mal... dit-il ensuite. Et si jamais c'est le cas, tu auras le droit de me tuer, sans me demander pardon.
— Gustave...
— Chut... Ta colère a failli avoir raison de toi aujourd'hui... Si je n'avais pas été moi, je t'aurais tué sans sourciller...
Il regarda sa main maculée de sang et la retourna alors au-dessus de Liam qui déglutit. Quand le vampire passa le bout de ses doigts sur ses lèvres, il ferma les yeux et y passa ensuite sa langue. Une larme glissa alors sur ses tempes et, au prix d'un effort qui semblait surhumain, Gustave s'adossa au mur et l'attira à lui. Il le serra dans ses bras malgré la plaie lancinante de son abdomen et laissa le jeune loup s'épancher dans sa chemise. Soudain, la porte de la savonnerie s'ouvrit sur Scott, Isaac et Jared, mais ils se figèrent tous les trois.
— Mais qu'est-ce qui s'est passé ici ?
— Tout va bien, répondit alors Liam en se redressant. J'ai fait ce qu'il fallait faire...
Jared l'aida à se relever ; constatant le sang qui maculait le sol, il fronça les sourcils.
— Je vais chercher Melissa, dit-il en confiant Liam à Isaac.
— Elle ne pourra rien pour moi, répondit Gustave en voulant se relever.
Jared alla l'aider et l'adossa au mur. Il souleva ensuite sa chemise et fusilla Liam du regard.
— Je ne sais pas ce qu'il s'est passé et je ne veux pas le savoir, gronda alors Scott, les sourcils froncés. Cependant, je ne tolère pas que les membres de ma meute se battent entre eux ! C'est la dernière fois, c'est compris ?
Liam baissa la tête contre l'épaule d'Isaac.
— C'est compris ?! aboya Scott.
— Oui, Alpha.
Gustave eut un hochement de tête sec puis il glissa au sol en gémissant et Jared jura en français. Il tira son portable et composa le 911.
— J'ai besoin d'une ambulance à la savonnerie, dit-il. Dites à l'Infirmière McCall de venir, j'ai un loup et un vampire qui sont blessés assez sérieusement. Très bien, je vous attends.
Il raccrocha ensuite et Scott lui apporta la trousse à pharmacie. Il sortit ensuite pour attendre l'ambulance pendant qu'Isaac et Jared s'occupaient des deux blessés...
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro