Chapitre 32
— Tu es décidé, c'est sûr ?
— Oui. Je suis cloué dans ce lit depuis un mois, je commence à avoir des escarres, je n'en peux plus. J'ai besoin de sortir, de prendre l'air, de... De vivre.
Derek opina. En revenant de déposer Stiles à l'aéroport de Fresno, il avait reçu un message de Jarvis qui lui disait qu'il avait pris sa décision. Il n'était donc pas rentré chez lui et avait été directement à l'hôpital.
— Dans deux jours, c'est la pleine lune, dit alors le loup. C'est la pire épreuve pour les nouveaux nés, mais tu ne seras pas tout seul, je serais là, ainsi que d'autres jeunes et Scott.
— Il ne m'aime pas, n'est-ce pas ?
— Non, il ne t'aime pas, parce que ta famille sont des Chasseurs de créatures surnaturelles, mais surtout parce que la femme qu'il a aimée plus que tout était la fille de chasseurs, elle-même en était une, mais elle a réussi à comprendre et elle a retourné sa veste après le suicide de sa mère, mordue par un loup-garou.
Jarvis opina en silence. Il inspira ensuite et Derek posa une main sur son poignet.
— Qu'elle est l'étendue de tes lésions ?
— Je n'ai désormais plus aucune sensation à partir de la taille... Au début, j'avais des fourmillements, mais depuis quelques jours, il n'y a plus rien sauf parfois des pics très douloureux. L'infirmière McCall m'a expliqué que c'était mes nerfs qui mouraient et que si rien n'est fait rapidement, même la morsure ne changera pas mon état...
— Je vais te mordre, Jarvis, dès maintenant dans ce cas. Je vais rester près de toi toute la nuit, tu vas souffrir, beaucoup, mais je veux que tu t'accroches, d'accord ? Tu es en bonne santé, tu n'as aucune raison de ne pas vouloir te battre, au contraire. Sache toutefois que je suis un Alpha Supérieur, cela signifie que mon venin est plus puissant que celui de Scott. La transformation sera donc beaucoup plus douloureuse, mais plus rapide, mais je serais là, et si vraiment tu sens que tu lâches prise, tu n'auras qu'un mot à dire.
Jarvis inspira. Ils avaient eu cette conversation une dizaine de fois depuis l'accident et, à chaque fois, Jarvis acquiesçait au moindre mot de Derek. Melissa entra soudain dans la chambre.
— C'est pour ce soir ? demanda-t-elle.
— Oui, vous pouvez rester ?
— Je le dois. C'est la nouvelle politique de l'hôpital. Désormais, nous devons laisser quelqu'un en permanence en surveillance quand nous soignons un loup-garou ou tout autre créature surnaturelle. Comme je suis de garde, je serais là toute la nuit, au bureau des infirmières et je surveillerai vos moniteurs de là-bas.
— D'accord, merci madame.
Melissa esquissa un sourire puis vérifia rapidement les perfusions du jeune homme avant de se détourner. Elle posa une main sur l'épaule de Derek en passant puis quitta la chambre.
— Tu veux réfléchir encore un peu ? demanda alors de dernier.
— Non, allez-y, si je réfléchis encore, je vais me dégonfler. Alors allez-y, mordez de toutes vos forces. Je suis prêt.
Derek opina, prit le poignet droit de Jarvis dans ses mains et l'approcha de son visage. Il shifta ensuite, ses yeux rougirent et il ouvrit la bouche. Lorsqu'il planta ses crocs dans la chair de Jarvis, celui-ci se tendit immédiatement et serra les mâchoires en gémissant.
Le contact ne dura qu'une poignée de seconde et Derek relâcha ensuite le bras et reprit son apparence normale. Il se releva ensuite et Jarvis se décala vers l'autre bord du lit tandis que le loup s'installait près de lui.
— Tiens le coup, d'accord ? Accroche-toi à moi, je ne crains rien...
— Je vais faire de mon mieux... Merci.
— C'était la moindre des choses.
Jarvis sourit puis ferma les yeux et posa sa tête sur l'oreiller. Derek leva ensuite les yeux vers la caméra au-dessus de la porte et hocha la tête.
.
La tête sur les bras, Melissa prenait un peu de repos tout en surveillant ses patients. Elle sursauta en entendant marcher et sourit en reconnaissant son fils.
— Tu dormais ?
— Je me reposais un peu, la nuit a été très calme, tout le monde dort.
Levant les yeux, Scott observa la chambre d'Anise, elle dormait aussi. L'écran adjacent montrait la chambre de Jarvis et en voyant Derek assis sur la chaise à côté, endormi au bord du lit, Scott serra les mâchoires. Sa mère posa une main sur son bras.
— Tu n'as pas à t'en mêler, dit-il. Derek n'est pas de ta meute, il fait ce qu'il veut.
— Je sais, mais...
— Mais rien, chéri, occupe-toi plutôt d'Anise, elle a besoin de toi. Je sais que c'est étrange entre vous deux en ce moment, mais vous avez un lien, c'est indéniable, alors profites-en. Tu ne la connais pas si bien que ça, j'en suis sûre, alors profite de ce lien que tu as créé et si jamais vous voyez que ça ne fonctionne pas, alors au moins, vous aurez essayé.
Scott plissa le nez et glissa ses mains dans ses poches.
— Il y avait Malia à la tanière, hier soir, avoua-t-il alors.
— Quoi ? Mais...
— Il ne s'est rien passé, elle est venue s'excuser, c'est tout. Je les ai bannis, mais cela ne signifie pas qu'ils doivent partir à l'autre bout du pays.
— C'est vrai, admit Melissa.
— Comment ça s'est passé avec Jarvis ?
— Pas entendu de la nuit, pas un gémissement, pas un sanglot, rien. Derek est resté à côté, Jarvis s'est accroché à lui toute la nuit, souffrant en silence, et depuis sept heures ce matin, ils dorment. Je l'ai surveillé de près toute la nuit.
Scott opina puis avisa Anise qui était réveillée et s'excusa auprès de sa mère pour la rejoindre. Melissa lui adressa un sourire puis observa l'écran et son sourire s'élargit quand Anise salua Scott d'une tendre accolade.
.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Rien du tout, ne t'en fais pas.
Anise sortit de la salle de bains en boutonnant sa chemise et observa le jeune Alpha.
— Elle est revenue, c'est ça ?
— Non, répondit Scott. Et elle ne reviendra plus jamais.
— Alors oublie-la. Elle ne s'est pas privée de t'oublier pendant cinq ans, alors oublie-la maintenant.
Scott haussa les sourcils, surpris par le ton et Anise soupira.
— Désolée, mais même si je lui ai pardonné son acte, je ne cautionne pas sa manière de faire pour autant. D'accord, elle a passé toute son enfance dans la peau de son coyote, mais ce n'est pas une raison, c'est une fille civilisée, elle n'avait pas à m'attaquer de la sorte. Elle m'est tombée dessus alors que je préparais le petit-déjeuner de tes loups de garde, elle était dans le hangar et...
Anise se tut alors ; Scott ne répondit rien et laissa la jeune femme enfiler sa veste avec une grimace. Le bandage sous sa chemise lui donnait une épaisseur étrange, comme si elle portait un gilet pare-balles et elle avait des pansements sur les mains et le visage ainsi qu'un grand bleu sur la mâchoire.
— La prochaine fois, rappelle-moi de ne pas m'enticher d'un loup, dit-elle soudain. Ça fait trop mal...
Scott pouffa et tendit le bras pour l'enlacer. Elle se laissa faire avec un marmonnement puis elle rangea le reste de ses affaires dans sa valise et ils quittèrent la chambre. Alors qu'elle allait signer sa décharge, Scott s'excusa et s'approcha de la chambre de Jarvis en voyant que Derek était réveillé.
— Stiles sait que tu as passé la nuit ici ?
— Il doit bien s'en douter, répondit le loup, un peu sombre.
— Écoute, je sais que tu m'en veux de ne pas avoir abondé dans ton sens, mais je ne pouvais pas aller contre l'avis des miens.
Derek opina. Comprenant qu'il n'aurait rien de plus, Scott tourna les talons, rejoignit Anise et passa son bras sur ses épaules en l'entraînant vers la sortie de l'hôpital.
— Il est furieux...
Derek tourna la tête et Jarvis esquissa un sourire fatigué.
— Salut... J'ai survécu on dirait...
— Et d'une manière remarquable, répondit Derek. Tu as l'habitude de souffrir, je me trompe ?
— Tu veux dire, avant d'être envoyé dans le décor à moto et me retrouver paralysé ? Ouais... Il se peut que je n'aie pas tout dit sur mon passé, en fait.
— C'est-à-dire ?
Jarvis serra les mâchoires.
— Je suis un enfant maltraité, répondit-il alors en observant ses mains. Avant que mon père ne quitte ma mère, je vivais principalement dans la cave de notre maison, sans lumière, sans eau ni chauffage. Ma mère, enfin celle qui m'a mis au monde, on va dire, ne m'a jamais aimé. Je n'étais pas prévu dans son programme, jamais, mais en bonne catholique, quand je me suis annoncé, elle n'a pas pu se résoudre à avorter. Elle m'a porté, mis au monde et "stocké", littéralement.
Derek grimaça.
— Et ton père ?
— Il faisait de son mieux. Quand ma mère partait, il me faisait remonter dans la maison, je pouvais prendre un bain et manger jusqu'à me faire vomir, je dormais aussi, dans leur lit, même vingt minutes, et je pouvais regarder la télévision aussi. Puis quand ma mère revenait, je retournais vite dans la cave et je faisais comme si de rien n'était. Je ne suis jamais allé à l'école, je n'étais enregistré nulle part jusqu'à l'âge de quinze ans.
— Pourquoi ton père n'a jamais appelé les services sociaux ?
— Parce que si ma mère l'avait appris, elle se serait empressée de me faire une chambre et de leur montrer que j'étais un enfant aimé et choyé.
— Cette femme est morte ?
— Pas que je sache. Quand j'ai eu quinze ans, je me suis enfui par le vasistas de la cave. J'étais assez grand pour l'atteindre et suffisamment maigre pour m'y faufiler. Je me suis rué chez la voisine que j'entendais discuter toute la journée avec son mari, et en apprenant que ses charmants voisins avaient un enfant de quinze ans, elle a été sidérée. Pire encore quand j'ai raconté mon histoire. On m'a ensuite placé dans une autre famille loin de mes parents et ce sont eux, les fameux Chasseurs.
Derek haussa un sourcil.
— Donc ta sœur... ?
— Elle est l'enfant naturelle de ces gens et elle m'a toujours considéré comme son petit-frère, même si la plupart du temps, elle me trouvait stupide.
— Je vois. Quoi qu'il en soit, désormais tout ça est derrière toi, dès que tu auras passé quelques pleines lunes avec nous, tu pourras repartir sur les routes. Scott ne t'apprécie pas, mais je ne lui laisse pas le choix, demain soir, c'est la pleine lune, tu passeras les trois nuits suivantes aux mines avec les autres, mais de ce que j'ai vu cette nuit, les transformations ne devraient pas te poser de problèmes majeurs.
— Merci Derek, merci pour tout.
— C'était la moindre des choses. Tu fais partie de ma meute désormais, si tu as un problème, tu sauras me retrouver et tu seras toujours le bienvenu où que je sois et avec qui que je sois.
— Y compris l'Alpha ?
Derek sourit et opina. Il lui serra la main puis le laissa se reposer et quitta l'hôpital en demandant à Melissa de le faire appeler au moindre problème.
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