Quand Scott entra dans l'entrepôt, il plissa le nez rapidement. C'était une ancienne usine de savons abandonnée depuis des dizaines d'années, mais il y flottait encore cette odeur capiteuse de propre ; les loups s'en étaient accommodé avec le temps.

— Comment il va ?

La louve jeta un regard vers Scott qui s'approcha d'elle.

— Il est effrayé, il ne comprend pas ce qu'il fait ici, on dirait... qu'il est perdu.
— Pourtant, il est arrivé ce matin en sachant pertinemment où il entrait, répondit le jeune Alpha, surpris.

La femme secoua la tête puis Scott lui fit signe de partir et il s'approcha des deux garçons qui discutaient. Dès que Jared sentit Scott, il bondit de sa chaise et s'éloigna.

— Hey, hey ! s'exclama Liam en lui attrapant le bras. Du calme ! Du calme, Scott est mon Alpha, il ne fera pas de mal...
— Je ne sais même pas ce que je fais ici, pitié, laissez-moi partir !

Aculé dans un coin, Jared se recroquevilla, les bras sur la tête, et se mit à marmonner. Liam jeta un regard inquiet à Scott qui secoua la tête et tourna les talons pour ressortir du bâtiment.

— Derek ! appela-t-il.
— Qu'est-ce qui se passe ? demanda Stiles, surpris.
— Qu'est-ce que tu as fait à Jared ?
— Comment ça ?
— Il est terrorisé ! Il est roulé en boule dans un coin, il tremble de tous ses membres, qu'est-ce que tu lui as fait ?
— Mais rien ! s'exclama Derek en se levant d'un bond. Tu as bien vu ce qu'il s'est passé ! Je n'ai rien fait !
— Du calme tous les deux, intervint Stiles. C'est quoi cette histoire ? D'abord Jared est mort, puis ensuite il n'est pas mort, et maintenant il est terrorisé ? Soit il joue très bien la comédie, soit il y a un truc surnaturel dessous.

Scott fronça les sourcils.

— Il était mort d'accord ! répliqua Derek sur un ton grondant. Je l'ai tué, j'ai senti sa nuque se briser sous mes doigts et je suis resté avec lui jusqu'à ce qu'il soit froid !
— Alors dis-moi qui c'est là-dedans ! s'exclama Scott en retour.

Derek rentra le menton.

— Je ne sais pas... avoua-t-il, soudain calmé. Je... Jared est mort, il...

Le loup tourna soudain les talons et Stiles tenta de le retenir, sans succès.

— Scott, bordel...
— Il reviendra, ne t'en fais pas, répondit celui-ci. Tout ce que je veux savoir, c'est pourquoi j'ai une panthère terrorisée dans mon entrepôt !
— Et je voudrais le savoir moi aussi, mais si Derek dit que Jared est mort, alors c'est vrai.

Scott grimaça.

— Tu parlais de surnaturel ? demanda-t-il ensuite. À quoi tu penses ?
— Un esprit, ou quelque chose du genre.
— Un esprit qui posséderait les créatures surnaturelles ? Mais pourquoi ?
— Aucune idée, mais on est à Beacon Hills, Scott...
— Vrai. Bon, essaie de retrouver Derek et...
— Je vais plutôt aller parler avec Jared, si tu n'y vois pas d'inconvénients. Il a peur des loups, moi je suis humain.

Scott opina puis tapota l'épaule de son meilleur ami qui entra dans l'entrepôt.

— Laisse-nous, dit-il à Liam. Scott t'attend dehors.
— Tu es sûr ?
— Il ne me fera pas de mal, assura Stiles.
— Je te fais confiance, mais Ashley reste tout de même devant la porte.

Stiles opina en croisant le regard de la femme à quelques mètres de là, puis il se tourna vers Jared, roulé en boule dans un coin de la pièce, marmonnant tout seul. Une fois Liam sortit de la pièce, il s'approcha et s'assit en tailleur près de Jared, en silence.
Celui-ci continua de marmonner et de remuer un moment avant de se figer et de tourner les yeux vers Stiles. Il releva ensuite la tête et regarda autour de lui.

— Ils sont partis, dit Stiles.
— Tu es humain ? demanda Jared.
— En effet. Scott est mon meilleur ami et Derek mon petit-ami.
— Ton... Derek n'est pas...
— C'est une très longue histoire, sourit Stiles. Ce qui m'intéresse pour le moment, c'est toi. Qui es-tu ?
— Je... Jared Gardien, je... Je suis Canadien et je... On est où ici ?
— Beacon Hills, Californie Centrale, États-Unis.

Jared blêmit et secoua la tête.

— Ça va te sembler bizarre mais, quel jour sommes-nous ?
— Le onze novembre...

Stiles regarda autour de lui et avisa le journal posé sur un bureau. Il se leva pour le récupérer et le tendit ensuite à Jared.

— Oh, Seigneur... Je... dit-il.

Il reposa le journal sur le sol et Stiles l'observa un moment.

— Écoute, je n'ai aucune raison de douter des paroles de Derek, d'accord ? Je n'ai aucune raison de douter des tiennes non plus, mais il va falloir que vous accordiez vos violons, parce que pour lui, tu es mort depuis six mois.

Jared souffla une longue seconde et se frotta le visage.

— Je ne me souviens de rien du tout après que ces gars nous aient attaqué, Derek et moi, alors qu'on rentrait après la journée de boulot à l'épicerie... C'était vingt-trois heures, un truc comme ça et on avait couru toute la journée, on était morts, on voulait juste manger un truc et nous coucher, mais on a croisé la route d'une bande de crevures ivres. On n'avait rien fait hein, on rentrait au condo, et ils ont commencé à se crisser de nous, tabarnak !

Stiles haussa les sourcils. Il avait déjà entendu parler des canadiens, mais il avait toujours un peu mal avec certaines de leurs expressions. Jared continua à raconter la soirée et c'était exactement ce que Derek lui avait raconté quelques jours en arrière.

— Quand Derek a commencé à se battre avec eux, j'ai tout de suite compris qu'il y avait quelque chose qui allait pas, on aurait dit des animaux, tsé, ça grognait, ça crachait comme des chats sauvages et leurs yeux à tous...

Jared frissonna.

— J'ai voulu reculer, mais deux de ces gars se sont jetés sur moi et ils m'ont mis sur les genoux et là...

Jared porta sa main sur son épaule gauche. Stiles serra les lèvres.

— Ces gars étaient des panthères-garous, expliqua-t-il.
— Ouais, Derek m'a expliqué, mais j'étais tellement mal que j'y croyais pas, il m'a aussi dit ce qu'il était lui, et je le croyais encore moins, on vivait au même endroit depuis trois ans, je veux dire, on est des mecs hein, on se baladais en calbute et...

Stiles esquissa un sourire. Jared soupira alors profondément.

— Je me souviens de rien après ça, dit-il. Derek est resté avec moi, il me tenait contre lui, il arrêtait pas de s'excuser, de me demander de lui pardonner de pas avoir pu me protéger, il était effondré, je l'avais jamais vu comme ça, mais je pouvais même plus parler, j'avais tellement mal, mon corps me brûlait de l'intérieur, mon cerveau bouillonnait...
— Tu as été contaminé par du venin de panthère-garou, on n'a aucune idée de ce que ça fait, mais quand un Alpha mord un humain, c'est très douloureux...

Ashley acquiesça silencieusement, s'étant faite oublier près de la porte. Elle ne se souvenait que trop bien de sa transformation, un an en arrière.
Après avoir été sauvagement battue par son compagnon qu'elle avait chassé une semaine auparavant, elle avait passé deux jours à l'hôpital, victime d'une légère commotion cérébrale. Quand elle avait été autorisée à sortir, elle avait découvert que sa maison avait été visitée et son ancien compagnon avait laissé un message sur son frigo en lui expliquant clairement qu'il allait revenir et lui faire payer sa rupture. Elle avait alors porté plainte avec preuves médicales à l'appui, mais les hommes du Shérif Stilinski avaient été peu optimistes, car l'homme ne vivait pas à Beacon Hills et était inconnu des fichiers de police. Terrifiée, Ashley avait alors pris la lourde décision d'aller trouver la seconde personne la plus puissante de la ville, ou peut-être même LA plus puissante : Scott McCall... Depuis, elle était une louve et son petit-ami ne l'avait plus approchée des l'instant où elle l'avait accueilli, dans l'obscurité de son salon, d'un splendide regard jaune luisant et d'un long grognement...

— Jared, dit soudain Stiles. Cette nuit-là, Derek t'a tué, à ta demande il t'a brisé la nuque, mais anéanti par son acte, il est resté avec toi jusqu'à ce que ton corps soit froid, ensuite, il est parti en abandonnant toutes ses affaires. Il a erré pendant trois mois entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique, avant de revenir ici, à Beacon Hills, où il savait que Scott pourrait le protéger contre les fédéraux. Il y avait, et il y a toujours, un mandat d'arrêt international contre lui pour ton assassinat.

Jared ferma les yeux.

— S'il m'a tué, alors pourquoi je suis ici ? Pourquoi je suis vivant ? Je vais bien, enfin je crois, je...
— Je ne sais pas, mais ma théorie est que tu as été possédé par quelque chose qui a rendu l'effet de la morsure de la panthère bien plus violent que ce qu'il devait être. Je crois que tu n'as jamais été mort, que ce qui t'a possédé a fait croire à Derek qu'il t'avait tué, pour ensuite te ramener à la vie.

Jared secoua la tête et se frotta le visage. Il tendit alors la main et Stiles l'aida à se relever.

— Comment... Comment je fais pour dire aux fédéraux qu'il y a eu méprise ? demanda-t-il. Derek...
— Je vais m'occuper de ça, assura Stiles. Je suis un Agent du FBI pour le Bureau de Protection des Créatures Surnaturelles, je ferais en sorte que le mandat soit annulé en expliquant l'histoire, que tu n'étais pas mort, que tu as été transformé et que le processus final passe par une « mort » de quelques heures à quelques jours, le temps que le corps s'habitue à ce qu'il se passe en lui.
— C'est vrai ça ?
— Tu n'as pas besoin de le savoir.
— Ok. Et pour Derek ? Je veux dire, il m'a sauté dessus comme un enragé, je...
— Ne t'en fais pas, on va lui laisser un moment pour se calmer, Scott doit être en train de lui expliquer ma théorie et une fois qu'il aura imprimé le truc...

Jared opina, les lèvres serrées. Stiles grimaça soudain, les mains dans les poches.

— Dis-moi... Vous avez vécu trois ans au même endroit, Derek et toi, est-ce que...
— Quoi ? sourit Jared, étonné. Est-ce qu'on s'envoyait en l'air en rentrant du boulot ? Sérieux, tu le connais pas suffisamment, ton chum ?

Stiles plissa le nez, un peu gêné et Jared lui donna un coup dans le bras en se penchant vers lui.

— Tsé, on est roulés pareil lui et moi, on a rien à vouloir à l'autre et les nanas, elles le savaient, tsé !

Stiles rougit aussitôt et Jared se mit à rire. Il se calma rapidement et inspira avant de soupirer.

— Bon sang, qu'est-ce que ça pue ici...
— C'est une ancienne usine à savons...
— Nan, ça, ça me gêne pas...

Il darda un regard sur Ashley qui laissa rouler un grondement.

— On va sortir, dit alors Stiles. On va aller voir si Derek est calmé et ensuite on s'occupera de te ramener parmi les vivants et de rendre son innocence à mon mec.

Jared haussa un sourcil et observa Stiles de haut en bas.

— Franchement, je sais pas ce qu'il te trouve...
— Sympathique. T'es du genre brut de décoffrage toi. Saches que ce n'est pas mon corps d'allumette brûlée qui attire Derek Hale, mais ce que j'ai dans le crâne.
— Bah voyons !

Stiles serra les mâchoires. Il poussa alors Jared en direction d'Ashley qui leur ouvrit la porte avant de sortir après eux et de la refermer.

— Ils sont là-bas, dit alors Stiles.

Derek et Scott étaient assis sur un muret, à discuter. Quand ils braquèrent leurs regards sur eux d'un même mouvement, Jared eut un violent frisson et une seconde d'hésitation, mais Stiles le poussa dans le dos et ils se plantèrent devant les deux Alphas.

Une longue seconde de silence passa alors pendant laquelle Derek et Jared se toisèrent, qui assis, qui debout, avant que Derek ne se lève et que les deux hommes ne s'enlacent avec brutalité. Jared fondit en sanglots bruyants dans l'épaule de son ami et, près de Stiles, Scott lui toucha la main. Il baissa les yeux sur lui et serra les lèvres comme Scott opinait. Derek repoussa alors Jared et celui-ci se passa ses manches de pull sur le visage.

— Je suis désolé... dit-il. Tu as vécu six mois en enfer à cause de moi, si tu savais à quel point je m'en veux !
— Arrête, c'est terminé maintenant, répondit Derek en l'enlaçant de nouveau. On va prouver que tu n'as jamais été mort, que c'était une maladie, ou je ne sais pas quoi et que tout ça, c'est juste une grosse boulette des feds et...
— Je vais m'occuper de ça, assura alors Stiles avec un sourire en coin. N'oublie pas que je travaille pour le Bureau de Protection des Creatures Magiques. On ne sait rien sur la morsure des panthères-garous, je vais leur dire que la transformation a besoin de tuer le nouveau-né pour se finir et ça passera crème jusqu'à, bien sûr, qu'une panthère ne vienne contredire mon rapport.
— Ce dont je doute, répondit Scott en se levant. Je ne connais aucune panthère-garou, et s'il y avait des meutes, je le saurais. Pour ce qui est de ton arrivée sur mon territoire, par contre, on va devoir enquêter et retracer ton parcours depuis Oshawa.

Jared secoua la tête.

— Je pourrais pas vous aider, j'ai aucuns souvenirs après avoir été mordu...

Stiles fronça soudain les sourcils.

— Scott... Mon père...
— Ben quoi, ton père ?
— Mon père ne se souvient de rien non plus juste après avoir été agressé... On a pensé que c'était Jared qui l'avait mordu, mais...

Près de Derek, le concerné baissa le nez.

— Il y a donc bel et bien quelque chose qui s'empare des nouveau-nés surnaturels pour les posséder pendant quelques temps avant de trouver mieux, répondit Scott. Je vais mettre mes loups en alerte et prévenir la police qu'ils gardent un œil sur tout comportement suspect.
— Il y a plus de trente mille habitants à Beacon Hills, Scott, comment tu veux tout surveiller avec trente loups ? demanda Stiles.
— T'en fais pas pour ça, sourit le jeune homme.
— Je te fais confiance, tu le sais.

Scott opina puis s'excusa et laissa les trois autres en plan.

— Tu crèches où ? demanda alors Derek.
— Aucune idée... Je ne sais même pas comment je suis venu jusqu'en Californie...
— Si ça ne te dérange pas, Stiles, il va venir chez moi, dit alors le loup en regardant son compagnon. Je veux juste garder un œil sur lui, on sait jamais.
— Lui, il est toujours là, hein...

Stiles haussa un sourcil et Jared préféra se taire.

— T'en fais pas, répondit ensuite Stiles. Je te fais confiance à toi aussi.

Derek opina et, après un clin d'œil pour son compagnon, il proposa à Jared de le suivre et ils s'éloignèrent dans cette fin de matinée qui avait été mouvementée.

— Pas jaloux ?
— Pourquoi je le serais ? demanda Stiles en regardant Isaac avec un sourire. Jared est une panthère et ça pue sa race !

Isaac explosa aussitôt de rire en hochant vivement la tête puis Stiles annonça qu'il rentrait se reposer chez lui, que si Scott avait besoin de lui, qu'il savait où le trouver.