Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

1. Prologue : Renata


Renata rêvait.

Le sommeil lui seyait en ceci qu'il ravivait sa morne beauté. Ses cils ombraient la courbe des joues, sa bouche s'alanguissait et l'amère moue du quotidien s'estompait enfin. La nuit voyait l'éclosion d'un charme oublié.

D'aucun aurait pu y voir un miracle : comme la Renata diurne, aigrie, peste parfois, pâle et simple fantôme, se magnifiait au cœur des ombres ! Mais la femme dormait seule, ainsi personne n'eut -il le privilège de goûter cette remarquable métamorphose. L'aurait-on fait, d'ailleurs, qu'un second miracle éclipsait tout à fait le précédent.

Le rêve de Renata suintait à ses narines.

Suave, la substance pulsait. Ces laiteuses lueurs prenaient tantôt des reflets pervenche, tantôt outremer ; elles évoquaient quelque larme de lumières perdue au ras des flots.

Le rêve perla le long des joues. Avec quelle lenteur s'écoulait-il ! Du nez de la songeuse jusqu'à l'oreiller, les dégoulinures creusaient des rivières de nacre.

Du reste, l'oreiller lui-même semblait fort étrange. À peine en méritait-il le nom, tant toute idée de confort se dissociait de son usage. L'objet présentait une forme courbe, où l'on posait la tête ; là, mille vantaux béaient, l'orifice ceint de rouages cliquetants. Et cette gueule mécanique aspirait, vorace, chaque once de rêve. Les turbines amalgamaient les vapeurs, fondues en pâte épaisse.

Dans son agonie, la lueur incitait à la mélancolie. Quelle âme pour vomir ainsi ses songes au faîte d'une bouche d'acier ?

L'aube effleura les volets. Son long doigt perça la mansarde, hésitait, s'étira sur les engrenages - lumière jaune - pour enfin piquer Renata. La dormeuse gémit. D'un revers de main, elle froissa les draps. Sa moue prit un pli amer. Comme son crâne ballottait sur l'oreiller, le songe s'érafla tout à fait. Poussière d'étoile. Fin du miracle.

Les chatoiements cédèrent face au gris de l'aube. Renata retrouva l'ordinaire. Et cet ordinaire-là, celui qui amenait son lot de labeurs et de maigres victoires, lui était familier : elle s'éveilla.

Son regard, dans un aller-retour piqué d'habitude, balaya son chevet. Les tubulures y dégueulaient le rêve. Il bouillonnait au goulot d'une fiole et ses éclats rougeoyèrent à la manière de braises presque éteintes. Les dernières gouttes gargouillaient.


Renata inspecta le contenu.

- J'ai si peu rêvé, grinça-t-elle.

De fait, la fiole se remplissait aux trois-quarts à peine. C'était là un rêve sans grande fantaisie. Renata pourrait en espérer quatre pièces, guère plus - elle se targuait d'excellemment juger la médiocrité.

- Au moins, soupira-t-elle, ma logeuse sera payée.

Le monologue l'aidait à dissoudre la solitude. Et, quoique sa voix lui parût trop grave, trop lasse, celle-ci avait le mérite de couvrir le cliquetis des machines. Renata haïssait ce mécanique langage.

Étendue, la femme prit la mesure de sa fatigue - latente -, de l'aube - toujours bleue -, du silence qui montait des rues - huileux -, puis décida de se lever. Elle dormait toute habillée, de sorte qu'elle n'eût qu'à lisser les plis pour être présentable. Sans coquetterie, elle se chapeauta. Qui donc, dans ce taudis, pourrait-elle impressionner ?

Renata récupéra son rêve et quitta la chambre.


Ombres et murmures s'enlaçaient au travers du couloir. Quelques portes laissaient s'exhaler de voluptueux soupirs, mêlés de plaintes ou de cris. Au sein du Fantasmagoria, l'on vendait ses charmes ou ses rêves. Parfois les deux.

Il semblerait que la luxure épiçait les songes. Certaines filles affirmaient que le repos, dont les vagues vous roulaient entre deux orgasmes, alimentait alors la rêverie. Encore fallait-il que l'amant fût correct !


Renata serra son maigre point sur la fiole. La veille, personne n'avait voulu d'elle.

- Tu as un sourire d'épines, se flagella-t-elle.

Un sourire de rose fanée ; tout le monde le lui reprochait.


Sans bruit, elle descendit au rez-de chaussée. Un lampe y perçait l'obscurité.

Le jeune homme, celui-là même qui œuvrait comme gardien et comptable, usait sa vue sur un livre de comptes. Il hantait le Fantasmagoria de sa timide présence. Présent en toute heure, il ne semblait jamais quitter son poste. Renata s'approcha.

Sa bouche s'ourla sur un sourire - malgré elle, voila qu'il transpirait encore de mépris.

- Bonjour, toussota-t-elle.

Le garçon sursauta. Son livre s'éparpilla dans un grand fracas feutré. Il considéra la chute, hésita à ramasser, se retint, repoussa ses bésicles puis offrit un rictus d'excuse à Renata. Celle-ci ne l'encouragea pas, ni du regard ni de la voix. Elle resta froide face à son embarras.


La fiole rendit un bruit sec lorsqu'elle la claqua sur le comptoir.

- Combien ? supplia-t-elle du bout des lèvres.

- Une seconde, mademoiselle.

Il s'avança. Le rêve dispersa dans ses pupilles un reflet moiré. Ainsi auréolé, le visage du gardien semblait plus jeune encore. Triste veilleur de leurs nuits blanches ! Le garçon amorça un geste mais se reprit.

- Vous... Vous permettez ?

Renata opina. De l'amertume qui piquait sa langue - « quatre sous ! Il vaut quatre sous, je le sais très bien » -, elle en ravala chaque miasme. Mieux valait-il regarder l'autre s'affairer en silence.

Toujours gourd, mais moins gêné, l'employé se saisit de son attirail. Loupe, pince, balance, d'autres ustensiles inconnus. Renata aimait assez cette auscultation des songes. Il y avait là une certaine désuétude. Comment l'homme graduait-il ce qui, par essence, demeurait indomptable ? L'on s'en enivrait, certes, mais personne ne comprendrait jamais ces fantasques gouttes.

Le gardien s'essaya à la conversation :


- La couleur est jolie, mais il n'y en a pas beaucoup. Avez-vous mal dormi, mademoiselle ?

- Oui.

- Cela sera meilleur demain, assurément !

- Peut-être.


- Vous souvenez-vous parfois de vos rêves ?

- Non.

Cette tyrannie de la monosyllabe heurta le jeune homme. Blême, il œuvra sans aucune autre remarque. Enfin, sa main étala quatre pièces sur le comptoir.

- Je le savais, murmura tout de même Renata en les empochant.

L'autre ferma son livre de comptes et, raide dans sa politesse, s'inclina.

- Mademoiselle, je vous souhaite une belle journée.

Seul l'écho d'un soupir lui répondit :


- Merci !

Renata était déjà dehors.


Sortir du Fantasmagoria lui fit l'effet d'une gifle. Le froid diluait la moiteur de ces nuits rêveuses. Ses pas l'emmenèrent fendre l'aube. La brume piquait ses cils de mille perles, de sorte que la femme distinguait les rues au travers d'un halo. Quelques toits émergeaient du brouillard.


Sa démarche rythmait le silence. Parfois, un bruit lui faisait redouter sa solitude. Dans chaque ombre rampait une menace. La ville endormie avala son errance.

À gauche, le canal gargouillait de clapotis. Un pêcheur, pâle silhouette auréolé de fumerolles, la siffla :

- Hé mignonne ! Ҫa te dirait, un extra ?

Renata accéléra. Il ne la paierait qu'une piécette ; et encore, pour une étreinte bancale et boueuse. Bien qu'elle s'estimait peu, elle méritait tout de même davantage !

Elle allongea la foulée, puis bifurqua le long des quais. L'esplanade rendit un son clair sous sa semelle. Quel staccato que sa démarche ! Un, deux ; un, deux ; un, deux. La voilà qui cadençait le silence.

Mais Renata fronça les sourcils. Quelque chose clochait. Elle distingua, lointain mais net, un contretemps à sa démarche. Comme si l'on souhaitait marcher dans ses traces... sans y parvenir, faute d'enjambées plus larges.

Un, deux - trois.

L'écho s'amplifia. Un perle de sueur lui dévala l'ovale du visage comme Renata réalisait : on la suivait. Le souffle déjà court, elle accéléra. Le sang bourdonnait à ses tempes.

- Maudit, haleta-t-elle. Il me colle au train. Et cette ville qui ne s'éveille pas !

Pleines, les rues constituaient une vraie fourmilière où disparaître mais en ces heures, elles ouvraient un boulevard à sa fuite. Renata envoya une œillade par dessus son oreille. Son regard perça l'aube. Il était là ! À la lisière des ombres, un homme la traquait bel et bien. Grand, vif, la brume enveloppait sa silhouette.

- Merde !


La fuyarde détala. Elle avait le cœur au bord des lèvres. Chaque foulée l'emplit d'une nouvelle frayeur. Vol. Viol. Violences. La sournoise peur persifla à ses oreilles. Coup. Coupures. Couperet.


Meurtre.

L'air sifflait au sortir de sa bouche. Une pointe perça son flanc. Reniant la douleur, Renata courut plus vite.

- Allez ! s'exhorta-t-elle.


Mais ce fut un cri sauvage qui lui échappa. Les quais s'ouvraient non loin sur des entrepôts. Il s'agissait d'un lacis de ruelles et de cul-de-sacs : elle allait l'y semer ! Renata s'engouffra dans la première alcôve. Elle sprinta sur trois mètres, bifurqua à droite, traîna un dernier regard sur ses traces.

- Attention !

Tête la première, la femme heurta un corps massif. Le choc la propulsa au sol, il la laissa étourdie, des larmes de douleur au coin des yeux. Quelques lueurs pulsèrent sous ses paupières avant qu'elle ne comprît.

C'était le fallotier. Il mouchait les réverbères, car l'aube s'avivait déjà, diluant le gris du ciel. Ils s'étaient emboutis à la croisée des ruelles. Fort heureusement, son embonpoint l'avait préservé de la chute - mais pas de la surprise.

- Dites donc ma p'tite dame, vous m'avez fait peur !

Toujours à terre, la fuyarde peinait à reprendre haleine. Ses jupons offraient un corolle à la pâleur de son teint. Renata appuya sur son poing de côté.

- Hé là ! Vous allez pas m'tourner d'l'œil entre les bras, hein ? Qu'est ce qui vous arrive ?

- On me poursuit, balbutia-t-elle entre deux inspirations. Un meurtrier !

Aussitôt piqué, le fallotier inspecta les alentours. Il sonda l'aube ; alla jusqu'au bout de la rue, poussa la recherche aux deux cul-de-sacs voisins. Personne.

Sa poigne franche remit Renata sur pied. Elle vacilla un peu.

- P't'être bien que vous avez croisé quelqu'un et imaginé qu'il vous suivait, rassura-t-il en l'époussetant - c'était un homme simple et factuel. Ce gars traçait sa propre route, mais vous avez eu peur. Normal, à cette heure là, tout vous paraît louche. J'sais d'quoi je parle, hein ?

Renata ravala sa terreur. De viscérale, celle-ci devint raisonnable. Les paroles du fallotier lui rendirent un brin de raison et, à mesure que la panique refluait, un autre sentiment embrasa Renata : le ridicule. Quelle folie l'avait submergée ? Quels fantômes s'étaient immiscés sous sa rétine ? Maintenant qu'elle la voyait sous la lueur ambrée du jour, la rue ne lui paraissait pas si terrible.

L'inconnu devait rejoindre un endroit proche du sien, voilà tout. Rassérénée, Renata lissa son corsage :

- Pardon de vous avoir bousculé. Vous avez raison, la nuit m'aura joué des tours.

- Y'a pas d'mal.

L'allumeur de réverbères fit mine de s'éloigner.

- Ҫa ira ? - il désigna l'aube. C'est que j'ai un horaire à respecter...

- Oui... Oui, bien sûr.

Et le fallotier s'éloigna éteindre ses étoiles. Il sifflotait une ritournelle, qui, de loin en loin, se mêla à la brume. Renata se prit à l'imiter. S'il suffisait d'une mélodie pour s'emplir tout à fait de courage...


- Fou, fou, celui qui siffle dans l'mistral...

Elle rebroussa la ruelle. Ses mains traînèrent sur les murs, comme elle le faisait jadis, bien plus évaporée qu'aujourd'hui. La ville s'éveillait enfin. Les volets semblaient autant de paupières mi-closes sur la rue ; les entrepôts ouvraient la gueule sur un bâillement.

Au loin, quelques ouvriers s'animèrent. Ils chargèrent leur fardeau puis, dans un soupir frissonnant, reprirent leur ouvrage.

- Fou, celui qui chante dans le vent ; voilà qu's'éveillent Morts et Rêvants, chanta plus fort Renata.

Tout proche, le marché esquissait ses arches. Enfin ! Sa maison approchait. La femme coupa par une étroite venelle. Le linge pendait aux fenêtres.

Pâles, passés parfois, les tissus évoquaient dans leur alternance une valse de fantômes. Une brise monta du fleuve. Son souffle emplit l'artère de murmures éthérés - chuchotis des draps.

- Entre les tombes l'automne est roi ; Et ce silence, moi...

Renata repoussa une nappe.


Au moment même où sa main froissa le linge, un terrible pressentiment l'engourdit. Une silhouette l'attendait derrière. Il était là !

Elle hurla.


Seul un sourire acéré lui répondit.


Renata sursauta quand le poignard lui transperça l'aine. Pourquoi la lame irradiait-elle un tel froid ? Pourquoi ses forces fuyaient-elles au rythme de son désespoir ? Ses yeux cherchèrent le ciel ; elle ne vit que les ombres. Les ténèbres murmurèrent :

- Fais de beaux rêves.


Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro