Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

Métropolengrenages

Crédit texture couverture : steampunk texture pack by cloaks (deviantart)

1

 Assis sur mon caillou comme si je chevauchais une montagne, j’observai la ville en contrebas, couchée sous une épaisse couverture de nuages.

Je me trouvais sur la bonne route. C’était la seule dans ce pays désert. De plus, je n’étais pas l’unique personne à traîner mes guêtres sur la longue langue d’asphalte qui menait à la métropole.

La ville était là, derrière le brouillard. Je ne la voyais pas mais je pouvais l’entendre : le grondement sourd, la détonation des moteurs à explosion, les klaxons de la circulation, le souffle asthmatique du steam épuisé, le fracas des accidents, la rumeur des zeppelins… certains engins volants perçaient le brouillard de temps à autre, aussitôt ravalés par la nébuleuse géante qui ne quittait jamais les lieux. Comme une cloque remplie de fumée putride, un nuage de mort aux reflets bruns, ocre et gris acier.

Que venais-je faire ici ?

Je quittai mon caillou pour descendre vers le fond de la vallée.  Même si j’éprouvais un manque, j’ignorais ce que je cherchais.

Ma réponse se trouvait en bas, dans la ville dont personne ne savait rien.

2

 La ville surgit de la brume comme un voleur dans la nuit. Je me figeai, pétrifié par le spectacle qu’elle offrait. Baignée d’une lueur jaune traversée d’innombrables faisceaux de lumières, elle reposait sur son incroyable dispositif, aussi démesuré qu’incompréhensible. Sous les quartiers mobiles, grâce au gouffre qui marquait leur pourtour, je pouvais apercevoir la crénelure acérée des rouages qui délimitaient les arrondissements. Je fis un pas supplémentaire.

Le grondement était un râle mécanique, celui des lourds rouages en sous-sol, qui permettaient à la tocante de tourner, tourner, tourner dans un ballet dont la logique m’échappait. Les bâtiments de fer, de pierre et de verre brillaient et tremblaient tout à la fois. J’inspirai une grande goulée d’air vicié. Relents d’égout putrides, vapeurs grises et âcre. Pollution quotidienne, souillure immanente.

Que venais-je faire ici ?

Les autres voyageurs que j’apercevais de temps à autre se posaient-ils la même question ?

J’avais mal jusque dans mes os, après avoir marché tout ce temps. Pourtant, mes jambes avalèrent seules les derniers kilomètres en pente douce qui me séparaient de la métropole montée sur engrenages.

Ma réponse se trouvait plus loin, dans la ville dont personne ne revenait.

3

 La fatigue s’envola sitôt que j’eus posé un pied sur le pont de singe métallique qui reliait la falaise à la ville. Le fond de la vallée n’était qu’un trou béant découpé à même la roche, rongée par le pourtour dentelé des engrenages.

Cette ville allait me dévorer vivant. Pourtant, je poursuivis mon avancée vers ce que je supposais être l’allée principale, car tous les autres s’y dirigeaient. Par-dessus le fond sonore excessif, j’entendais, clairs et secs, résonner mes pas sur les planches de fer. Nos pas, à nous, les voyageurs fatigués qui allions tous dans la même direction, pareils à des insectes hypnotisés par la lumière d’un fanal. Bientôt, je rejoignis une file d’attente. S’agissait-il d’une douane ? D’un péage ? D’autre chose encore ?

Lorsque mon tour arriva, j’ouvris de grands yeux ahuris : devant moi, avec ses quelques tonnes de mécanique bien huilée, un sphinx majestueux forçait au silence et au respect. Il posa ses iris luminescents sur ma personne. En même temps qu’il me scannait, le brûleur dans son poitrail redoubla d’intensité, flamme bleue ciel et orange agressif, et un jet de vapeur s’échappa de son dos.

« Que viens-tu faire ici ? fit la voix de synthèse.

— Je l’ignore. »

Il me laissa passer sans me dévorer.

4

Je tournai à l’angle de la première rue que je trouvai, en empruntai une seconde sur une centaine de mètres longilignes. Dans l’air, la dissonance permanente me donnait mal à la tête. J’essayais déjà de l’occulter, de la remiser à l’arrière-plan de mon décor intérieur. Cependant, j’appris dans la seconde qui suivit à ne jamais relâcher mon attention.

Un sifflement étrange monta de l’immeuble sur ma gauche, et bientôt le bruit d’un effondrement me parvint. Le hurlement d’une sirène retentit, soutenu par un rythme saccadé. Je m’écartai d’instinct de la porte devant laquelle j’étais placé.

Une locomotive transperça la façade, la rue, puis le mur d’en face. Mon propre hurlement me surprit par sa force. Je vis défiler le foyer à vapeur, la cheminée brûlante, les roues folles, leurs manivelles motrices, les cylindres rutilants. Soudain, ce dispositif de fureur quitta mon champ de vision. J’en avais presque oublié le bourdonnement traversé de cris, de clacs et de râles de la ville toute entière.

Je courus dans le sillage de dévastation en me protégeant la tête d’une vieille tôle rouillée, afin de ne pas recevoir une brique ou une planche au passage. Les immeubles paraissaient tenir bon malgré tout.

Persuadé que la locomotive allait finir dans le ravin que j’avais traversé tantôt, je débouchai pourtant sur une nouvelle rue, puis une autre. M’étais-je à ce point éloigné de l’entrée, en quelques pas à peine ?

Où étais-je ? Que venais-je faire ici ?

« Ici » avait-il seulement gardé une signification ?

5

J’avais intercepté un passant, avant de me souvenir que je n’avais rien à lui demander. Je l’abandonnai là et, puisque je n’avais pas de but, je décidai de poursuivre mon errance.

J’allais au hasard des intersections. Quand j’essayais de revenir sur mes pas, je ne retrouvais jamais mon chemin. J’avais l’impression que le paysage se métamorphosait dans mon sillage, engloutissant le pavé, les trottoirs, les gens, les déchets mécaniques. Le grondement sourd m’apparaissait désormais comme le gargouillis d’un estomac d’acier en pleine digestion.

Au bout d’une énième rue, je débouchai sur une place ovale, au centre de laquelle un lampadaire à gaz brillait faiblement. Jusque là, je n’en avais pas croisé. La lumière venait d’une source que je ne parvenais pas à situer.

Il me suffit d’un regard en arrière pour me rendre compte que d’autres éclairages avaient poussé. Leur aspect d’ancêtres courbés me faisait froid dans le dos. En me retournant vers la place, je remarquai de nouveaux réverbères, plus petits, vers lesquels les gens s’avançaient en murmurant.

Je les imitai.

« Que venez-vous faire ici ? crissa un lampadaire en se penchant vers moi.

— Qu’est-ce que c’est, ici ?

— L’un des arrêts du métropolitain, poursuivit-il de sa voix de synthèse à l’haleine gazéifiée.

— Faut-il un ticket ?

— Un peu de votre steam. »

Je sursautai. On exigeait mon énergie vitale, rien de moins. Le voyage en valait-il vraiment la peine ?

« Où ce métropolitain peut-il me mener ? »

Le réverbère se pencha pour chuchoter à mon oreille :

« N’importe où et n’importe quand.

— Je vais monter, alors. Par où dois-je aller ?

— Par là. »

Il inclina sa tête rectangulaire dans la direction du lampadaire central. Mes paupières clignèrent, puis s’ouvrirent sur un spectacle magnifique. Les gens grimpaient à bord de barques qui, pleines ou non, montaient à hauteur du fanal de gaz. Un chemin de lumière clignotait entre eux. Il servait de rail à ce fantastique réseau.

« Étonnant, commentai-je en y grimpant.

— Absurde », fit quelqu’un dans mon dos.

Cependant, je ne pus apercevoir le visage du sceptique qui venait de s’exprimer. Ma barque fila sur l’air comme elle aurait filé sur l’eau.

6

Seul dans mon embarcation, je dérivais au gré des courants d’air et de lumière et me penchais pour plonger le regard dans les rues cent mètres plus bas. Même s’ils percevaient la lueur émise par le réseau métropolitain, les passants ne me voyaient pas. Ils ne devaient pas s’interroger non plus sur l’origine de cette clarté diffuse.

Je quittai ce quartier pour me diriger vers un autre. La barque glissa au-dessus d’un pont rectiligne, à l’architecture si délicate que j’en oubliai de regarder le ciel. De gigantesques pylônes montaient des profondeurs qui s’ouvraient, béantes, entre les engrenages. Leur verticalité semblait précaire, les arceaux haubanés trop fins. Je fus rassuré d’être à l’abri dans le ciel.

« Avez-vous vu mon robot ? » s’enquit une voix humaine.

Je sursautai, et la barque avec moi.

Quand les battements de mon cœur furent calmés, et le moyen de transport à nouveau stable, j’osai me tourner vers l’appareil qui s’était placé à notre hauteur.

Je fronçai les sourcils face au regard vitreux de la libellule. La machine, sanglée d’un harnachement hasardeux, était montée par un homme à l’air d’insecte, avec ses grosses lunettes de vol, son bonnet de cuir, et les touffes mousseuses de cheveux gris qui en sortaient. Les ailes ne faisaient presque pas de bruit.

« Avez-vous vu mon robot ? répéta-t-il.

— Non.

— Qu’est-ce que vous cherchez ?

— Rien.

— Alors, cherchez mon robot ! »

L’ordre donné, sa libellule vira de bord et s’éloigna. Elle vola droit jusqu’à un nuage dans lequel elle disparut, et d’où s’échappa le bruit d’une explosion.

J’eus à peine le temps de contempler la déflagration rouge suivie de fumerolles noires. Le souffle balaya les nuées, renversant mon esquif trop frêle.

Je tombai droit vers le gouffre dont les engrenages allaient me broyer !

7

Je me rattrapai de justesse à un nuage. Ma main rencontra son rebord par hasard, et mes doigts se crispèrent dans la matière contaminée. Ici, la vapeur était si dense qu’elle se solidifiait parfois.

À coup sûr, le vieil homme avait foncé dans l’un de ces noyaux durs, provoquant l’explosion puis ma chute. Il ne retrouverait jamais son robot. Je soufflai. Et moi, qu’étais-je venu chercher ici ?

Le nuage dérivait au gré du vent, assez bas pour que je puisse atterrir au sommet d’un gratte-ciel. Dès que j’eus posé un pied sur le toit, on prit mon appontage pour un assaut :

« Halte-là ! »

Je levai le regard pour rencontrer le canon d’un fusil à verrou, qu’on me planta entre les deux yeux. Le contact froid de cette bouche noire me tira un frisson. Un bout de la nébuleuse de vapeur se posa sur l’immeuble, engloutissant le paysage dans son ventre rond et me dissimulant la main qui tenait l’arme.

« Que venez-vous faire ici ? interrogea la silhouette humaine.

— Je ne sais pas. »

Je balbutiais, bloqué par la peur et par le brouillard.

« Alors, on va vous trouver une occupation ! Relevez-vous ! »

J’obéis, et l’on m’intégra dans un bataillon de soldats dénués de destinée.

« Décollage imminent ! »

Je ne compris pas cet avertissement, puis je discernai l’ovale d’un zeppelin dans la vapeur ambiante.

La rumeur de ses hélices grandit jusqu’à devenir si envahissante que penser n’était plus envisageable.

J’embarquai.

8

Je ressentis, dans ma chair, la lutte acharnée contre la gravité. Nous décollâmes à la façon d’une mélodie qui allait crescendo. Le bâtiment ne comportait que deux pièces, une antichambre ainsi que la cabine de pilotage. Le skipper avait les mains crispées sur la barre.

Je m’approchai, pour constater qu’en fait d’un gouvernail il serrait une guitare à la table d’harmonie barrée d’écrous en cuivre. Chaque accord s’affichait sur le tableau de bord en face de lui, et se reflétait dans la grande baie vitrée qui s’ouvrait sur la ville.

Impossible de distinguer ses limites. Partout, le faîte de grands immeubles déchiquetait l’horizon. Nous survolions en ce moment-même un quartier que je n’avais pas visité. Le bruit de ses rouages persistait malgré la distance et le ronflement de nos turbines. Tandis que je ne parvenais pas à décrocher du spectacle grouillant de vie en dessous, les vingt autres regardaient le ciel. Je me tournai alors vers l’horizon.

« Que cherchons-nous ? » demandai-je.

Personne ne répondit.

« Là ! » s’exclama le pilote au bout de quelques minutes.

Il fit jouer ses doigts sur le manche de son instrument. Une poussée supplémentaire nous entraîna plus haut dans un nuage au gris clairsemé. Soudain, nous débouchâmes entre deux nébulosités plates, séparées par ce que je crus d’abord être un pont de bronze sans garde-corps.

« Nous y sommes ! Préparez la passerelle ! »

Le pilote fit tourner l’un des écrous sur sa guitare. Lentement, le zeppelin s’inclina vers la surface plane et luisante qui réfléchissait une lumière dorée venue de nulle part.

Tous, nous courûmes en foule vers le sas où l’on déroulait la passerelle.

9

La ville était une montre sise dans une vallée profonde, et nous étions posés sur son aiguille.

Une grande aiguille.

À en juger par la largeur de cet étrange viaduc, nous nous trouvions proche de sa base ; l’envie était forte d’aller à la rencontre du centre-ville. Quel mécanisme se cachait dans son cœur ?

J’ignorais si cette question avait une importance.

Je m’étais laissé porter. Il était temps de prendre une décision par moi-même.

Le groupe entama l’exploration en direction de la pointe de l’aiguille. Je les laissais partir, puis me retournai. De ce côté, si je plissais les yeux, je distinguais une construction. En tendant bien l’oreille, je percevais la saccade lente d’une chaîne qui s’étirait entre deux rouages crénelés.

Qu’est-ce que c’était que ça ?

Quel sens avait ce « ça » ?

10

À la base de l’aiguille, je fis une rencontre surprenante. Un sphinx d’une majesté identique au premier me barra la route. Il me força même à reculer, m’obligeant à faire dix pas quand ses pattes parcourues de cylindres, de bielles et de pistons rouillés en effectuaient un seul. Au bout de six de ses enjambées, il s’arrêta.

« Là », déclara la voix de synthèse mal réglée.

Celui-ci n’avait, à l’évidence, pas souvent l’occasion de parler. Le brûleur dans son poitrail manquait de vigueur, et ses yeux échouèrent à me scanner.

« Où sommes-nous ? demandai-je.

— Au cœur de la ville. Dans son poumon mort. »

Il marqua une pause, puis :

« Que viens-tu faire ici ? »

Une minute auparavant, mon but était clair. Maintenant que je l’avais atteint, je n’avais plus de réponse à offrir à ce terrible gardien.

« Je l’ignore », avouai-je sans masquer ma crainte.

Peut-être s’agissait-il de la bonne réponse, car, comme le précédent gardien, il me laissa indemne et m’autorisa le passage.

11

Un dôme de pierre blanche, soutenu par six épais piliers, couvrait de son œil bienveillant un jardin au contenu métallique. Il y avait là des buissons de ressorts, des bouquets de pendules au temps suspendu, quelques oiseaux mécaniques morts d’avoir trop donné l’heure, un bassin de clepsydres, et d’innombrables pièces que j’étais incapable de nommer.

« C’est un cimetière », murmurai-je au silence qui s’était fait.

Était-ce donc là la fin de mon voyage ?

Une intuition me guida jusqu’au centre du verger. Je m’arrêtai à l’ombre d’une horloge comtoise - astronomique, appris-je grâce aux cadrans - dont le sommet frôlait la pierre au-dessus d’elle.

En l’examinant de plus près, je remarquai que le coffre du balancier possédait une poignée. J’appuyai sur la clenche. J’ouvris le battant. J’entrai.

Il y avait un siège, sur lequel je me posai.

Je fermai les yeux.

12

Assis sur mon caillou comme si je chevauchais une montagne, j’observai la métropole en contrebas, couchée sous une épaisse couverture de nuages.

Je me trouvai sur la bonne route. Je le savais.

Ce dont j’étais moins sûr, c’était de l’objet de ma quête.

Une ville ? Une vie ?

Je l’ignorais.

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro