Chapitre 11 Réécriture : Une Lueur Au Milieu De La Noirceur
Je m'agrippe au mur qui me maintient en position assise pour me redresser. Mon corps dans la lueur vacillante des bougies, peine à se mouvoir. Je glisse à plusieurs reprises sur le sol que j'ai rendu humide malgré moi. La libération de mes entraves me donne un faible espoir, mais après des jours de séquestration qui m'ont paru être une éternité, mes gestes se prolongent par des soupirs qui répriment intérieurement un gémissement de douleur. Mes chevilles lacérées par les crocs métalliques qui m'emprisonnaient dans cette pièce maudite m'infligent une vive douleur à chaque pas.
Je dois tenir bon, je dois être discrète ? pensé-je en marchant maladroitement.
Mes mouvements ainsi saccadés me permettent de gagner l'issue de la cave. Je scrute le couloir qui, comme le reste des catacombes, me parait bien silencieux.
Où sont-ils donc tous passés ? Est-ce encore une des machinations de l'esprit malade d'Enzo qui cherche à me tourmenter ? songé-je avec méfiance en continuant mon analyse.
Au fond du couloir, une silhouette se découpe étrangement. Je reconnais sans difficulté le jeune garçon de mes visions.
— Viens vite ! me crie-t-il sans s'inquiéter de son indiscrétion.
Il me fait signe avec ses frêles petites mains de le suivre. Son corps transparent sans pieds s'impatiente. Ses mouvements trahissent son excitation. Son allure fantomatique ne trouble pas mon élan de liberté, c’est mon fil d'Ariane que je dois suivre pour m'échapper de ce labyrinthe qui me tient captive en son antre. Je jette une dernière œillade furtive dans la pièce qui reste le seul témoin de mon enfer, comme pour lui dire adieu. Mon cœur se serre en voyant mon amie toujours assise dans son coin recroquevillée sur elle-même, tremblante de peur.
— Dépêche-toi ! Elle ne va pas pouvoir maintenir cette connexion bien longtemps, lâche-t-il avec impatience.
— Chut ! J'arrive, lui murmuré-je en lui jetant un regard inquiet.
En faisant mon premier pas vers l'enfant, je m'attarde une dernière fois sur ma sœur de cœur. Mes pupilles recherchent sa présence, mais la pièce est vide. Cette absence symbolise à mes yeux son approbation, elle me libère de ce lieu de souffrance et d'oppression. Un sourire maussade fend mes lèvres, c'est la dernière image que j'aurai d'elle ?
Je clopine vers mon Sauveur le cœur lourd, espérant rapidement pouvoir fouler de nouveau les graviers blancs de notre parcelle. Mon attention se focalise sur ce petit être qui, malgré ses propres souffrances, vient à mon aide. Je me languis de traverser ces immenses pièces ou de longer ces couloirs pour voir à chaque intersection son visage joyeux en m'indiquant le chemin. À ma grande surprise de voir ce lieu vide de toutes âmes, nous arrivons dans les galeries souterraines peu accueillantes avec leur atmosphère lugubre. L'obscurité me donne l'illusion d'être épiée par des créatures inhumaines. L'air qui se propage dans ces tubes de terre nous balaye la peau en amenant avec lui un son semblable à des cris d'agonie.
Je foule de mes pieds nus la terre froide sans aucune hésitation ni réticence. Mon cœur bat rapidement, je panique de plus en plus, je ne veux pas qu'ils me rattrapent. Je ne veux plus être enchaîné. Comme un animal faible et blessé, mes sens sont en éveil, le moindre bruit, le moindre mot me fait sursauter. Ma prison s'éloigne, la caresse de l'air extérieur qui s'engouffre avec fracas dans ces mines abandonnées me gonfle d'espoir. Je m'agace en marchant lentement, bien trop lentement. Mon esprit me supplie de voler loin et aussi haut que possible, même si pour cela je me brûle les ailes ou encore de courir à toute vitesse comme une dératée, mais non, mes satanées plaies aux chevilles m’entravent, comme-ci mes liens me retenaient encore, me contraignant à rester dans ce lieu pour que sa noirceur sournoisement continue de me dépecer de mes émotions, mais je fuis vers la lumière et l'espoir qui me guide dans cette obscurité. Même si je tombe plusieurs fois au sol, je me relève péniblement.
— Courage, on y est presque ! m'encourage mon guide avec enthousiasme.
Sa voix me donne encore la force d'avancer, de me surpasser avec le peu d'énergie en moi pour atteindre notre but. J'avance encore dans cette obscurité qui me semble sans fin. Ses mots si réconfortants teintés de mystère me reviennent en tête quand je le contemple, m'attendant au prochain carrefour que forment indéfiniment ces maudites galeries.
— La personne la plus chère à son cœur, murmuré-je faiblement.
Je n'y comprends rien, soit il s'attache très rapidement, soit nous nous connaissons déjà rencontrés. Sur la deuxième hypothèse, je suis sûre que non. J'ai une bonne mémoire et, au vu de son attachement, notre lien doit être fort, donc je m'en souviendrais. Un doute s'insinue en moi, une voix intérieure s'éveille, me révélant sournoisement comme un poison qui me brouille les sens une autre hypothèse. Une réalité qui me glace le sang quand elle résonne dans mon crâne.
Il se joue de moi, comme Enzo, il va me piéger ? Pourrais-je encore me fier aux autres et vivre toujours dans la méfiance ? Pourrais-je supporter le poids de la culpabilité et le jugement des autres ? Ne devrais-je pas mourir ici et maintenant à ses côtés ?
Ses sombres pensées distillées dans mon esprit répandent dans mon corps leurs sinistres effets. Je ralentis le pas, chaque mot me paralysent.
Pourrais-je vivre ainsi, ne suis-je pas déjà morte ?
Ma course se stoppe, le doute et la peur s'installent dans mes jambes qui deviennent tremblantes.
— Stéphanie, résonne dans l'obscurité une voix familière qui me déchire le cœur.
Je ne peux retenir mes larmes, comme hypnotisée par une douce mélodie mortelle, je me retourne. Mes yeux empreints de sanglots me décrivent dans la noirceur qui me fait face une silhouette qui se rapproche de moi en continuant de m'appeler de sa chaleureuse et rassurante voix. Marie se présente à moi dans sa robe blanche du dimanche, me souriant. Elle me tend sa main pour me conduire avec elle dans ma prison, mon nouveau chez moi.
Elle est la seule en qui je peux avoir confiance, elle ne m'a jamais trahi ? Non, elle non, mais moi oui, je dois rester à ses côtés pour répondre de mes actes ? pensé-je en faisant mon premier pas vers ma douce amie.
— Non, c'est un piège ! hurle le jeune garçon.
Son intervention me fait sursauter, mais je continue à fixer ma sœur de cœur. Il court à ma rencontre, la panique se lit sur son visage juvénile. Il m'agrippe le poignet pour me tirer vers la sortie.
— Qu'est-ce qui te prend, elle n'est pas là, c'est une illusion ! Rappelle-toi ce qu'ils lui ont fait, me lâche-t-il en me saisissant par les joues pour plonger son regard dans le mien.
Son visage dévasté par l'inquiétude et la peur, ses yeux émeraudes noyés dans un torrent de larmes.
— J'ai besoin de toi. Le laisse pas te dévorer, me murmure-t-il dans un sanglot.
Je tente de me dégager de sa prise, toujours charmée par l'appel de la jeune fille de blanc vêtue. Mon corps ne me répond plus, il est happé vers elle. Mes sens s'endorment de nouveau.
Pourquoi lutter ? songé-je.
— Je suis un monstre, c'est à cause de moi si…, articulé-je à peine sans finir ma phrase, incapable de prononcer ces trois petits mots si lourds de sens qui provoquent en moi un cataclysme.
— Elle est morte ! crie-t-il comme pour briser un enchantement.
Mon regard redevient vide, mon corps tombe comme une loque sur le sol.
— Tu crois vraiment qu'elle voudrait te voir ainsi, tu crois vraiment qu'elle voudrait que tu meurs ici avec elle, s'exclame-t-il en me lâchant. Elle veut que tu vives pour elle, que ta vie soit remplie d'amour et d'aventure, conclut-il en se laissant à son tour tomber par terre.
Son discours me parvient comme un lointain murmure. Il a raison : Marie ne souhaiterait que mon bonheur, jamais elle ne me conduirait à ma perte. Mes yeux presque éteints se posent sur la silhouette qui s'accroupit à mes côtés en posant la tête sur mon épaule. Le garçon abattu observe la scène en pleurs.
— Bat-toi, intervient alors sévèrement la voix de la créature de mes visions. Tu penses vraiment que cet enfant prendrait autant de risques à venir te chercher si tu étais un monstre. Réveille-toi, tu es une victime, rien de plus qu'une victime comme elle. Alors bat-toi pour elle, termine-t-elle sèchement.
J'aventure mes pupilles sur la personne présente à mes côtés. La jeune fille a mué en une ombre sordide, un être sombre me prend dans ses bras. Un cri inhumain sort de sa bouche comme pour prévenir de sa trouvaille.
— Ils nous ont repéré, soupire l'enfant qui n'ose plus me regarder.
Ce n'est pas mon amie, mais encore un piège. Ils m'ont encore dupé. C'est quoi cette chose qui me serre de plus en plus contre elle. Sa langue putréfiée me lèche la joue. Une odeur de souffre me provoque un haut le cœur. Je me débats de toutes mes forces en reprenant brusquement conscience. Je la pousse en lui assénant des coups de poing. Mon jeune guide vient à mon secours, il tire sur le bras de ce monstre pour qu'il lâche son emprise. Je rentre dans une forme d'hystérie : je ne veux pas retourner là-bas, je ne veux plus être le jouet de ces personnes. Comme un réflexe, comme un geste ultime de survie, je prie. Je veux vivre plus que tout. Des bruits de pas nous parviennent, des gens se dirigent vers nous. Nous n’avons plus une minute à perdre.
— Amen ! hurlé-je au visage de cette chose en finissant de murmurer ma prière.
Un cri du cœur affirmant ma déclaration de foi, ma croyance en Dieu et ma supplication pour qu’il me vienne en aide ici, dans l'antre de cet enfer sur terre. Dans cette obscurité opaque, une lumière aveuglante jaillit de mon être. Mon assaillant se dissout sous la mine étonnée de l'enfant qui m'accompagne. Sans perdre plus de temps, je l'empoigne. Je cours à toute vitesse, pour mettre un maximum de distance entre les bruits inquiétants qui hantent les galeries et nous. Mon corps me soutient mieux, j'ai retrouvé mon énergie, mais surtout ma volonté. Le jeune garçon me jette des œillades timides. J'ai retrouvé ma force, mes plaies se sont cicatrisées. Je saisie sa petite main froide dans le creux de la mienne, ainsi nous courons à travers la noirceur.
Il me guide par des gestes, intimidé, il n'ose plus me parler. Nous nous dirigeons vers la sortie. Mon espoir renaît, au plus je m'éloigne de ce lieu néfaste, je reprends goût à la vie en sentant les fragrances boisées de l'air qui s'engouffre dans le tube souterrain. Nous n'entendons plus nos poursuivants.
— Nous sommes presque arrivés, indique timidement le garçonnet qui me précède.
Il pointe alors du doigt un halo de lumière qui provient des interstices de la trappe. Je lui réponds par un immense sourire. Dans la pénombre, je trouve rapidement l'échelle que j'agrippe de toutes mes forces, mon sourire s'étire de plus en plus sur mon visage quand la chaleur des rayons du soleil caressent tendrement ma peau. Je monte chaque échelon avec un tel empressement, ma liberté est là, à quelques centimètres. Je pose ma main sur la trappe pour l'ouvrir en grand. Un bain de lumière m’irradie, il fait jour avec un ciel immaculé dont le soleil juste au-dessus de moi semble venir m'accueillir pour m'envelopper de son onde réconfortante. Je l'observe en poussant un cri de soulagement, de joie, de liberté. Mes billes noisettes laissent couler des larmes. Je rigole de cette victoire en sortant de ce puits. Je me penche pour assister mon adorable petit protecteur, comme j'aimerais le serrer contre moi pour le remercier, mais il a disparu, me laissant dans l'incapacité de lui donner la récompense qu'il mérite pour son héroïsme.
Je sais instinctivement que ce n'est que partie remise, que je reverrai ce petit être innocent.
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