Une silhouette sillonait la forteresse. Forcément, il fallait marcher de tout côté pour surveiller, se disait-il. Il scrutait l'horizon de ses yeux rougis par sa précédente nuit blanche. Comment un si petit être pouvait-il faire tant de désastre, rigola-t-il. En étant un enfant.
   Marco releva la tête. C'était cette nuit. Il en était sur. Lui aussi le savait. Ils se reveraient enfin. Après dix longs mois...
   Soudain, il fut tiré de ses pensées. Une rumeur montait jusqu'à lui. Ils étaient là. Alors, il fléchit les jambes et bondit. Il réatérit sans la moindre poussière sur le sol sabloneux. Il ne regarda pas derrière lui. Au diable, la forteresse des mercenaires; son fils était en sécurité. Au diable l'armée ennemie, dont le cri reflétait le courage et l'ardeur. Sa vie n'avait pas de sens sans lui, tant et si bien qu'il était près à mourir pour le trouver.
   Il serait enfin avec son ami, son confident, son étoile, son existence, sa moitié. Le père de son enfant. Il lui tardait de passer sa main dans ses cheveux bleus, de se noyer dans l'océan de ses yeux gris, de s'abandonner à ses lèvres fines. Il lui tardait de revoir son corps, son visage et son âme.
   Il sauta sans qu'on le vit, alors qu'il n'était qu'à cinquante centimètre des assaillants. Tâche noire dans la nuit, invisible pour quiconque. Seul ses yeux verts émergeaient de son masque. Il retomba gracieusement, la main sur la garde de son épée. Il courut contre le flot de guerriers qui allait imanquablement l'emporter dans leur tulmulte. Ses yeux furtifs le cherchèrent.
   Et soudain, telle une apparition divine, il fut là. Avançant dans son costume de général, ses boucles bleues masquées par son casque d'argent. Dans sa main brillait son épée, lisse et aiguisée.
   Marco courut. Un ultime effort. Ils étaient face à face.
   Sirius et Marco.
   Marco et Sirius.
   Un torrent de larme submergea leur baiser.