Et c'est vrai qu'il y a quand-même des fois où l'on devient presque télépathe. Il y a des fois où l'on sait ce que l'autre va répondre ou penser, avec une quasi certitude ; parce qu'on le connaît si bien. Mais si on le connaît si bien, c'est justement parce que l'on a communiqué. Si l'on peut deviner, c'est parce que l'on a déjà parlé du sujet en question.

Il y a une magie mais elle n'est pas magique. C'est cette magie qui a fait que, quand mon père a déménagé et que j'ai proposé à ta maman de chercher un appartement pour qu'on emménage ensemble, je savais qu'elle allait accepter. Bien sûr qu'elle allait dire oui, ça faisait un an que l'on en parlait ! C'est cette magie qui a fait que, quand en préparant la vente des meubles et des bibelots de chez nous j'ai trouvé l'alliance de ma maman, j'ai su que quelques jours plus tard elle serait sur le doigt de ta maman.

Le samedi suivant on emménageait : je lui ai donné un carton entier d'objets récupérés, en lui disant qu'on pourrait garder ceux qui lui plaisaient. Un instant j'ai eu peur qu'elle ne jette la boîte à bijoux de ma maman sans même regarder ce qu'il y avait dedans. Elle ne l'a pas jetée : elle l'a aimée et l'a gardée. Mais elle ne l'a pas ouverte. Elle l'a juste posée sur sa table de nuit et a continué l'emménagement. Et je ne lui ai rien dit : je voulais qu'elle le découvre par elle-même, naturellement.

Le lendemain matin quand je me suis réveillé la boîte était ouverte, la bague au doigt de ta maman, et sur son front il y avait l'étiquette "Oui" que j'avais mise dans la boîte. Tout autour d'elle étaient des confettis faits des étiquettes "Non" et "Peut être" qu'elle avait déchirées en mille morceaux. Et elle s'était rendormie comme ça. Je l'ai serrée dans mes bras et elle a ouvert les yeux. Elle a souri, et elle m'a juste dit : « Je me suis réveillée au milieu de la nuit et quand j'ai voulu me rendormir mes boucles d'oreilles me gênaient, alors je les ai enlevées et j'ai voulu les mettre dans la boîte. »

         Je ne crois pas vraiment aux regrets. Et il n'y a pas grand chose que je regrette dans   ma vie, vraiment. Mais ça quand même un peu : j'aurais tellement aimé être là au moment où elle trouvait la bague et voir sa réaction. J'aurais pu lui dire de regarder à l'intérieur de la boîte. Pas un instant je n'ai pensé qu'elle la trouverait pendant que je dormirais.

Mais après tout, peut-être que le bonheur que j'ai ressenti en la voyant comme ça   au réveil est exactement le même que celui que j'aurais ressenti en voyant sa réaction. Et après tout, même s'il est légèrement moins fort, vraiment on s'en fiche ! Ce qui est important c'est tout le bonheur que l'on a eu depuis, et tout celui que l'on va encore avoir à l'avenir, avec toi dans notre univers.

Papa