Trop souvent on oublie qu'on a le choix, où on ne voit pas les choix que l'on a. Après avoir eu mon bac j'ai dû commencer à travailler : parce que papa était tout seul à apporter de l'argent à la maison, que l'école privée de mon petit frère coûtait cher, qu'on avait dû déménager pour s'en rapprocher et que les prix de l'immobilier dans ce quartier étaient élevés.

On vivait normalement : ni dans le luxe ni dans la misère. Mais on avait des dettes. Et c'était normal que je participe aux frais, dès que j'en ai eu la possibilité. J'ai promené des chiens, lavé des voitures. Et quand j'ai eu 18 ans j'ai commencé à travailler dans le café en face de chez nous tous les samedis. Au moment où j'ai eu mon bac, ils cherchaient quelqu'un à temps plein, alors j'ai saisi l'opportunité et je suis resté là bas.

Mon père m'a dit de continuer mes études, de me construire un avenir. Mais à vrai dire je n'avais aucune idée de l'avenir que je voulais. Je voulais juste finir chaque journée en me sentant utile. Et c'était le cas là bas au café ; plus qu'à l'école.

Je n'avais jamais été très investi dans mes études. Je faisais ce que je pouvais et tant pis si ce n'était pas parfait : mon papa me disait juste de faire plus d'efforts la prochaine fois, et moi je faisais le minimum parce qu'à la fin de l'année avoir 11 ou 18 revenait au même. Je ne voulais pas embêter mon père en lui demandant de m'aider avec mes devoirs, parce qu'il avait toujours l'air occupé et qu'il avait d'autres soucis en tête.

J'allais à l'école pour m'amuser ; et je m'amusais. Je me laissais distraire par les petits oiseaux que je voyais à travers les vitres ou par mes camarades qui faisaient les pitres. Des fois les profs racontaient des trucs intéressant en rentrant à la maison et je les racontais à papa ou à mon petit frère en me disant que ça pourrait les intéresser. J'avais des bonnes notes en maths parce que j'aimais les maths ; des fois aussi dans d'autres matières quand j'aimais bien les professeurs. J'aimais juste les maths. Les maths c'était comme un jeu pendant longtemps ; mais au lycée le jeu est devenu un peu trop difficile pour moi et du coup ça m'a nettement moins amusé. Alors je n'ai plus aimé les maths.

Je prenais ce que chaque journée m'offrait mais je ne voyais pas du tout où ils voulaient en veni avec l'école et tout ça.