2.11. Responsabilités
Pendant longtemps j'ai eu l'impression que ma vie ne m'appartenait pas, que je ne la choisissais pas. J'ai eu l'impression qu'elle était ce qu'elle était et que je me devais juste d'assumer mes responsabilités. J'espère que tu n'auras pas cette impression là ; que jamais tu ne seras dans cette situation. Mais j'espère que si tu t'y retrouves, tu sauras assumer tes responsabilités. J'espère que si les autres ont besoin de toi, tu ne leur feras pas faux bond.
C'était juste la façon dont les choses étaient, depuis le début : Maman n'était pas là, papa travaillait beaucoup, mon petit frère avait besoin de nous. Papa s'occupait de tout et dès que j'ai pu aider je l'ai fait, parce que c'était la chose naturelle à faire. De plus en plus, graduellement, jusqu'à ce que j'en vienne à abandonner mes rêves.
Et j'espère bien que tant que maman et moi n'auront pas besoin de toi, parce que c'est tout l'inverse de la façon dont les choses devraient être. C'est toi qui devra avoir besoin de nous, et nous qui devons être là pour toi. J'espère que tu auras droit à de longues années d'insouciance, que rien ne te forcera à grandir trop vite. J'espère que pendant un temps tu pourras vivre en n'ayant aucun souci en tête, aucune préoccupation ; vivre en n'ayant pas à être responsable.
Parce que les responsabilités arriveront bien assez tôt de toute façon. Et c'est important d'apprendre suffisamment tôt à les assumer, à aider, à participer. Mais c'est important aussi d'être un enfant. Je crois qu'en tant qu'être humain tu devrais avoir droit à quelques années de liberté totale ; à quelques années pleinement dédiées à profiter.
J'allais à l'école, je rentrais, je jouais avec mon petit frère, je faisais mes devoirs, je me couchais. J'ai appris la langue des signes, papa m'a appris à faire à manger, mon petit frère m'a appris à profiter de la vie. J'ai fait un peu moins de jeux vidéos et de foot que mes copains, un peu plus de garde d'enfant. J'ai joué aux billes et échangé des cartes dans la cour de récré, je suis allé aux anniversaires, j'ai changé d'école et je me suis fait de nouveaux amis, j'ai regardé les dessins animés. J'ai peut-être eu un peu moins d'aide avec mes devoirs que mes copains, mais j'ai aussi eu moins de punitions quand j'avais de mauvaises notes.
Je crois que si au final on devait faire le compte "bonheurs moins malheurs" au sortir de l'enfance j'en serais probablement au même niveau que mes copains. Et il est en certain que m'occuper de mon petit frère autant que je l'ai fait m'aura apporté dans la vie bien plus de bonheur que ça ne m'en aura enlevé.
On trouve le bonheur là où il est dans son existence : le mien était dans ma famille. Et tous les trois on a été heureux : on a fait des cabanes avec nos draps, des batailles de nourriture, des peintures sur tous les murs, et tellement de photos que je ne sais pas si je pourrais toutes te les montrer.
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