1.28. Scénario
Mon scénario parlait d'un café dirigé par un idéaliste qui en avait hérité de son grand-père. Il ne supporte pas que les employés soient prisonniers d'un rôle, obligés d'être tous identiques, de ne pas exprimer d'individualité, de sourire tout le temps, ...
Alors il décide de les libérer. Il supprime les uniformes et il supprime toutes les règles qu'il juge inutiles. Les employés doivent toujours servir les clients mais ils peuvent sourire ou bouder au choix, faire des remarques sarcastiques s'ils en ont envie, ne pas parler s'ils n'en ont pas envie,...
Il décide d'en faire un concept marketing : le café où vous êtes servis par de vrais personnes. Il a un succès fou pendant un temps. C'est quelque chose d'innovant, de différent, d'intéressant ; ça plaît aux gens. Puis il commence à y avoir des clients mécontents envers certains serveurs, qui se plaignent de personnalités incompatibles qui gâchent leur expérience.
Du coup le concept est modifié : pour que le client puisse choisir le serveur qui lui convient, chaque serveur a une étiquette décrivant sa personnalité. Comme ça les clients ont le choix : le client qui veut être tranquille prend le serveur introverti, celui qui veut rire opte pour le serveur sarcastique, celui qui veut débattre de l'actualité préfère le serveur informé, celui qui veut se plaindre de ses problèmes choisit le serveur à l'écoute, celui qui veut qu'on lui insuffle de la bonne humeur demande le serveur joyeux, ...
Le café rencontre de plus en plus de succès. Et au fil du temps, chaque serveur se met à exagérer la personnalité qui était la sienne. Au point de devenir une caricature.
Et puis viennent les jours où ça ne les amuse plus. Le serveur introverti aurait bien besoin de parler aujourd'hui, le sarcastique est déprimé, le serveur informé est fatigué, le joyeux est triste, le serveur à l'écoute voudrait être écouté, ... Et chaque fois que ces gens ne sont pas tout à fait dans leur rôle, le manager qui avait eu cette brillante idée de les libérer les rappelle à l'ordre : "Non, ce n'est pas qui tu es".
Ils sont devenus des personnages, des acteurs, tout aussi enfermés sinon plus qu'ils l'étaient au départ. Et le café a du succès, le public est ravi. Ils viennent là comme ils viendraient au cinéma. Parce qu'au fond, être servi par des humains c'est bien ; mais être servi par les personnages d'une série télé, c'est mieux.
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