1.27. Rencontre
Et c'est à ce moment de ma vie, celui où je réalisais que je pourrais être heureuse même si je ne trouvais jamais l'Amour, que ton papa a croisé mon chemin. Il travaillait dans le café où j'allais étudier tous les soirs. Lui, il me servait mon café. Moi, je préparais des projets pour les cours.
Quand je suis partie de chez mes parents pour faire mon école de cinéma à six heures de chez eux, j'étais dévastée. Dévastée de devoir vivre seule. Toute ma vie j'avais eu cette idée que je partirais de chez mes parents seulement le jour où je me marierais, ou quand je serais au moins fiancée ou avec un petit-ami. Je n'avais aucune envie de vivre toute seule. D'une certaine façon je le vivais comme un échec. Absurde façon de penser ; inculquée par le système bien sûr.
Mais il y avait aussi le fait que j'avais pris l'habitude de vivre entourée : entre ma grande sœur et mon petit frère, leurs disputes avec les parents et leurs amis toujours à la maison à rire à tue-tête. Depuis que je vivais seule, le silence me pesait, mais surtout la solitude me pesait. Alors quand je n'étais pas en cours ou à la bibliothèque, j'allais travailler au café, entourée d'une agitation qui m'inspirait et ne qui m'avait jamais empêchée de me concentrer.
Bien sûr, je ne passais pas ma vie à étudier : j'avais des amis, je sortais, je m'occupais. Je limitais le plus possible le temps que je passais seule chez moi, de peur de me retrouver confrontée à ma solitude. Sauf quand je regardais des films ou des séries, ce que je préférais faire seule pour pouvoir y réfléchir à ma façon.
Mon bébé, ne supprime jamais totalement la solitude, parce qu'elle est importante elle aussi. Trouve l'équilibre qui te conviendra à toi, mais n'aie jamais peur de la solitude.
Pendant trois mois j'ai vu ton papa chaque soir dans ce café ; et jamais je ne l'ai vraiment regardé. Jamais jusqu'à ce que je me mette à écrire ce projet qui nous a réuni.
L'une de mes profs avait eu la brillante idée de nous faire écrire à chacun "un scénario suscitant l'angoisse chez le public", avant de commencer les cours sur ce sujet. Et j'avais eu une idée que je trouvais absolument géniale et qu'elle a rejetée d'un bloc lorsqu'elle a commencé au semestre suivant à nous faire un coaching sur nos projets en parallèle de ses cours.
Et si j'approuvais ses méthodes pédagogiques, je lui en voudrais toujours d'avoir été incapable de reconnaître à quel point mon idée était plus angoissante que toutes les histoires de tueurs en séries inventées par mes camarades. Elle était incapable de voir que la mort spirituelle est plus effrayante que la mort physique.
Ton papa non plus n'aimait pas mon histoire. Pour des raisons totalement différentes. En fait, j'ai commencé à lui parler justement parce que je voulais son avis sur ce projet. Mon histoire parlait d'un café et de ceux qui y travaillent. Il semblait tout naturel d'interroger des gens dont c'était le quotidien afin de recueillir différents renseignements, des points de vue, des idées.
Alors un soir que ton papa partait du café après son service, je lui ai demandé s'il accepterait de répondre à quelques questions pour m'aider sur ce projet. Je ne pensais pas qu'il accepterait. Je me disais qu'au mieux il répondrait à deux trois questions là sur le pas de la porte du café en deux minutes. A la place il m'a proposé de venir prendre un café chez lui. Il habitait l'immeuble juste en face du café. Il habitait et travaillais donc dans la rue ou moi même j'habitais et travaillais. Et pourtant, je ne l'avais jamais croisé dans la rue. Ou ne l'avais-je juste jamais reconnu ?
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro