1.19. Toujours sourire
Une autre absurdité de cette secte dans laquelle l'on vit : cette obligation d'être heureux, ou au moins de paraître heureux. Qui es-tu pour te plaindre ? Ne vois-tu pas la chance que tu as ? Pense à tous ceux qui sont plus malheureux que toi.
Bien sûr les choses pourraient être pires, et bien sûr elles le sont pour certains et même pour beaucoup. Mais est-ce que ça veut dire que je n'ai pas le droit de me plaindre ? Est-ce que je perds le droit de dire que l'humanité fait n'importe quoi et qu'elle avait le potentiel de faire infiniment plus ? Est-ce que, parce que je survis sans aucune difficulté, je devrais m'en contenter et je perds le droit de rêver à une société dans laquelle les êtres humains aspireraient à s'épanouir et réaliser leur potentiel ?
On n'a pas le droit de se plaindre que le monde soit moins qu'idéal. Non ce serait absurde ; l'idéal n'existe pas, l'idéal n'est que chimères. Mais si on n'essaye pas de tendre vers un peu plus d'idéal, alors quoi ? Pourquoi se résigner ? La résignation me semble être le plus grand danger. Accepter les choses comme elles sont ? Jamais !
Peut-être que je ne pourrais pas les changer. Peut-être que je ne pourrais même pas faire en sorte de ne pas m'y contraindre moi même. Mais personne ne me retirera mon droit de m'en plaindre ! "Arrête de te plaindre", ça veut dire quoi ? Arrête de t'exprimer déjà. Puis arrête de penser tant qu'on y est. Arrête de réfléchir. Éteint ton esprit bon sang ! Contente toi de profiter de la chance que tu as.
Mon bébé, n'éteins pas ton esprit, n'arrête pas de penser, n'arrête pas de t'exprimer, plains-toi encore et encore même si ça ne sert à rien, ne te résigne jamais à accepter la réalité telle qu'elle est. Voilà ce que je te souhaite dans la vie.
Sourire encore et toujours. Je crois que c'est le pire au travail. Faire semblant que tout va bien quand ce n'est pas le cas. Faire semblant d'apprécier être là quand ce n'est pas le cas, semblant d'apprécier tout le monde tout le temps. Met ton masque souriant le matin. Ça fatigue les zygomatiques. C'est surtout très lourd émotionnellement. Fais semblant de ne pas être affecté par les choses, retiens tes larmes, retiens tes mimiques désapprobatrices. Veux-tu bien arrêter d'être humain ?
Mon bébé, n'arrête pas d'être humain. N'arrête pas d'être humain huit heurs par jour comme ils font tous. N'arrête pas une seule minute. Fronce les sourcils si tu veux et pleure si tu veux. Sourie quand tu as des raisons de sourire, sourie souvent mais sourie quand ton sourire veut dire quelque chose. Sois vrai ! Sois humain !
Ils contrôleront le moment où tu te lèves du lit le matin, celui où tu te lèveras de ton banc pour te diriger vers ton lieu de travail, celui ou tu feras ci ou ça. Ils contrôleront déjà bien assez de tes actions. Ne les laisse pas contrôler tes émotions !
Et si tu as des émotions, tu as le droit de les exprimer. Société qui se targue d'une fichue liberté d'expression, quand ils ont là toute une armée de robots qui te répète de sourire à longueur de temps. Tes émotions importunent les autres, vois-tu ? Comment oses-tu leur rappeler que tout ne va pas au mieux dans le meilleur des mondes ? Comment oses-tu être pleinement humain alors qu'eux s'interdisent de l'être ?
Mon bébé, ose. Ose. Ne masque pas tes émotions : quand tu les cache elles gagnent en emprise sur toi. Et si jamais tu cherches à changer tes émotions (parce que ça peut être une bonne idée parfois), assure toi que c'est pour toi-même et pas pour qui que ce soit d'autre.
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