1.18. Job de rêve ?
Démissionner sur un coup de tête en espérant trouver un job qui te plaise plus ? Pas forcément une bonne idée. Chercher à tout prix à imposer tes idées et refuser de mettre en œuvre les leurs, au risque de te faire virer ? Pas forcément une bonne idée. Bien trop risqué. Plus encore avec un bébé.
Tu peux juste te contenter de faire le plus que tu peux faire, le mieux que tu puisses faire, dans la limite du cadre qu'ils ont fixé. Pour l'instant, je me contente d'infiltrer des éléments qui me parlent dans les "œuvres" commerciales qu'ils me font créer. Je me contente de rendre ces "œuvres" le moins pire possible, de leur permettre d'avoir le plus possible d'effets positifs, ou au moins d'en réduire les possibles effets négatifs. Je fais le maximum, et c'est un défi de tous les jours.
Peut-être qu'au final ça rend mon travail plus intéressant que si j'avais été complètement libre de faire ce qu'il me plaît. J'aurais voulu me contenter d'écrire et de créer ; au lieu de ça je passe mes journées à débattre et argumenter. Heureusement que ça me plaît aussi. J'aimerais juste que ça porte ses fruits plus souvent, et entendre moins fréquemment "vous avez raison, mais ce n'est pas aussi important que faire de l'argent". Je cherche à vivre en gardant le plus possible de ma liberté, mais je dois bien me résigner à leur en laisser prendre une partie. Je vis juste pour faire en sorte que cette partie soit le plus petit possible.
Et bien sûr je suis contente qu'ils ne puissent pas acheter ma liberté d'esprit, et qu'ils achètent seulement mon temps et des produits de mon esprit. Mais je ne suis pas satisfaite de cette situation, et je ne le serais jamais. Ça pourrait être pire certes mais ce n'est pas assez. Je prends ce que je peux, mais ce n'est pas assez et ce ne le sera jamais.
Je ne serais jamais pleinement heureuse parce que je ne serais jamais pleinement libre. Je me contente d'être le plus libre que je puisse être. Et je ne suis pas malheureuse, mais pas heureuse non plus. Et je me plains. Plains toi toi aussi. Parce que tant qu'on se plaint on préserve sa liberté d'esprit.
Mais qui suis-je pour me plaindre ? J'ai un job de rêve. J'écris des séries. J'invente, je propose des idées, j'argumente, je parle avec des gens intéressants, on crée collectivement, j'écris, je vois mes idées matérialisées sur l'écran. C'est merveilleux !
Et pourtant je voudrais plus, et j'estime avoir droit à plus. Parce que ce serait mieux pour tout le monde. J'aimerais écrire ce que je veux sans faire de compromis. J'aimerais qu'on me laisse écrire des choses qui ont du sens et tirer plein parti du potentiel de cette série au lieu d'en faire une bouse qui plaira au public. Et des fois j'aimerais juste rester au lit le matin. Des fois j'aimerais écrire le soir quand il fait noir et profiter du soleil et chant des oiseaux pendant la journée. Des fois j'aimerais écrire un film, ou une autre série. Des fois j'aimerais écrire ce qu'il se passe dans trois saisons et pas l'épisode qui doit passer la semaine prochaine. Des fois j'aimerais me mettre à peindre, ou à faire la cuisine, ou travailler ailleurs, étendre mes horizons.
Mais non, dans ce système tu t'enfermes dans une case et tu y restes. Techniquement rien ne t'empêchera de changer, mais ce sera si si compliqué que tu ne le feras probablement pas. Et tu pourras changer, mais pas changer chaque jour selon tes envies. Tu pourras faire n'importe quoi, mais toujours une seule chose à la fois.
Des fois j'aimerais avoir dix métiers différents et choisir celui que je veux en me levant le matin. Des fois j'aimerais juste poursuivre des envies à l'instant où elles me viennent. Des fois j'aimerais juste explorer le monde et ne pas forcément être productive tout le temps. Des fois j'aimerais faire des choses qui ne profitent à personne. Et des fois j'aimerais ne rien faire.
Mais de quoi je me plains ? J'ai choisi ma prison moi-même et elle est jolie, je m'y plais autant que faire se peut. Que demander de plus ?
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