1.14. Ados révoltés
Plus tard j'ai compris ta tata. Plus tard, j'ai compris la révolte des adolescents.
Je m'étais faite piéger par le système : il est fourbe. Son arme la plus redoutable est dans les mots, dans les croyances. Il étiquette du terme "intelligence" ceux qui réussissent en son sens. Ça lui permet de décrédibiliser ceux qui sont contre lui : ceux-là sont juste idiots.
Mais en vrai ce ne sont pas des ados stupides. Ils sont des êtres qui sont au stade de la prise de conscience des failles du système dans lequel on vit. Ils sont éclairés l'espace d'un instant. Je n'arrivais pas à comprendre ça à l'époque.
Il faut dire aussi que ces ados, ta tata comme les autres, manquent souvent de la capacité à justifier leur révolte, à l'expliquer de la bonne façon. Ils n'ont pas les concepts pour, et leur rébellion est d'abord émotionnelle. Ta tata n'était qu'exaspération : elle nous répétait à longueur de temps que nous ne comprenions rien mais n'expliquait jamais rien.
Mon bébé, si tu ne réussis pas à l'école ce n'est pas grave. Si tu ouvres vite les yeux sur l'absurdité de leur système tant mieux. Mais exprime-toi, exprime ta révolte de la bonne manière, trouve les mots, parle. Ne te laisse pas déborder par les émotions. Utilise-les pour réveiller ton esprit, mais ne les laisse jamais te conduire à l'éteindre.
Les adolescents qui ne se sentent pas bien dans le système, ceux qui ne naissent pas adaptés à lui, la plupart en fait, sont éclairés l'espace d'un instant. Puis ils décident de s'abrutir parce que ça semble le moyen le plus simple de faire face à tout ça et heureux malgré tout.
Ils s'abrutissent de consommation, dans toutes ces déclinaisons des plus innocentes aux plus dangereuses. Plus tard, ils s'abrutissent de la façon la plus commune : en choisissant d'éteindre leur esprit et de rejoindre la masse. Ils se résignent au fait que de toute façon c'est comme ça que les choses fonctionnent et on n'a pas le choix, alors autant faire avec. Ne te résigne jamais mon bébé. Mais c'est ce qu'ils font tous.
Il faut bien survivre : on trouve un travail et jour après jour on fait des choses, on se laisse prendre, puis on oublie de prendre du recul et au final la vie est passée et ce n'était pas si terrible que ça. Mais est-ce que c'était vraiment une vie ? Ou bien, dans le meilleur des cas, on éteint son esprit et on le rallume le soir et le week-end : on se dit que la vie est dans se laps de temps. On a juste vendu sa liberté huit heures par jour quatre jours par semaine. Mais est-ce que c'était vraiment la seule possibilité ?
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