Dire que pendant toutes    ces années je n'avais rien vu.  Dire que je croyais que le petit bout de monde  auquel   moi j'avais été exposée était  plutôt parfait. Mais ce n'était  pas vrai.

J'ai vu l'injustice en face seulement une fois arrivée dans le  monde du   travail.  Pourtant le  système éducatif est bien pourri lui  aussi. Mais   ce n'est pas mon  expérience qui m'a appris que l'école  est mal faite. Parce que moi, par chance (ou malchance), j'avais assez de  self-control, de facilités et de  motivation intrinsèque   pour réussir  sans difficulté. Malgré le fait  qu'ils enseignent   n'importe comment.

Ils enseignent à la peur de  l'échec, comme si c'était   la seule forme  de motivation possible.  Comme si ça allait te donner   envie de  continuer d'apprendre. Ils te  disent "Tu dois, tu dois" et   "C'est  comme ça c'est tout". Ils  t'apprennent que l'éducation n'est pas    quelque chose que tu pourrais  aimer ou une chance de t'enrichir, mais   un  devoir, une obligation,  une responsabilité, une torture à endurer,   une  épreuve sur ton  chemin. Mais j'ai appris, et j'ai réussi.

Alors  je  n'ai pas   réalisé : je   n'ai pas réalisé que c'était tordu au possible, et je n'ai pas réalisé que ça m'avait affectée moi   aussi. Voir ceux  qui  avaient plus de mal que moi m'a mis la puce à l'oreille sur le fait quel  le  système est contre-productif. Il devait  forcément y  avoir   quelque chose qui n'allait pas : ça ne pouvait pas  être tous ces    enfants qui n'allaient pas, alors c'était l'école, forcément.

Ce  n'est qu'en    travaillant sur la scénarisation d'un programme télé  éducatif sur les    neurosciences que j'ai compris à quel point leur  système est    irrationnel. Tu ne peux pas apprendre si tu as peur.  Plus ton cerveau    est occupé par des émotions négatives, moins tu peux  apprendre. Ce n'est pas le seul exemple de leur manque de pédagogie, mais c'est celui qui m'a le plus marqué. Je ne sais pas quel est le but de ce système, mais certainement pas faire grandir nos esprits et le remplir de connaissances.

Et moi    je n'avais pas pu le voir toute seule parce que  j'avais la chance    d'avoir un lot de facteurs favorables qui me  permettaient d'apprendre    malgré la peur. Si tu n'as pas cette  "chance" tu bénéficies  beaucoup   plus tôt de cette intuition que le  système est pourri. Plus  tu échoue   plus tu as peur, et ça devient un  fichu cercle vicieux. Ou  tu te   désengages complètement de tes études,  parce qu'il faut bien  protéger   son estime de soi. C'est ce que font la plupart.

Plus tard j'ai  réalisé que même si  j'avais   parfaitement réussi selon leurs critères,  ils m'avaient  affectée moi   aussi. Ils m'avaient rendue stressée, soumise  au  perfectionnisme,   incapable d'essayer de nouvelles choses de peur  de  ne pas être bonne   immédiatement. Ils m'avaient inculqué que la vie   était sérieuse et qu'il   fallait avoir peur de tout, mais surtout de   l'échec. Ils avaient fait de moi un être qui vivait pour bien faire, pour éviter de mal faire, pour satisfaire les autres et être conforme à leurs attentes, pour ne jamais décevoir.