10-Cousin prefet
Résumé des chapitres précédents :
Merlin est blessé suite à l'agression de Romain, et souffre surtout de son premier chagrin d'amour. Au moins, il s'est rapproché de Stan.
Carlin son chien est malade.
Une prof le ridiculise, et il sèche les cours. Le proviseur menace de le faire passer en conseil de discipline, étrangement sévère, une punition bien expéditive.
Personnages principaux :
Merlin Dambreville,
Lancelot Joubert
Stan Bervange
Personnages secondaires :
Gaspard et Nine Dambreville ses pères vétérinaires
Son grand père Anatole, l'oncle Charles, Mariam l'aide-soignante.
Stave le prof de kitesurf
Les profs du lycée : Raberton, Radier, le proviseur.
Les élèves du lycée : Romain, Annabelle
Deux garçons qui ne sont plus là :
Malo et Lucas
***
Merlin
Je me suis réveillé tard le jeudi, mais ma grasse matinée est gâchée par ma conscience. Je n'oublie pas que je devrais être en classe et que comme un con, je risque de me faire virer du lycée, d'après la menace à peine voiler du proviseur. Il a parlé de conseil de discipline à mes pères. Je ne dois pas être le seul élève à sécher. Cet idiot a tout gagné, il a énervé mes pères qui vont sortir l'artillerie lourde. Je voulais terminer mes années lycée tranquille, j'en ai marre des dramas dans ma vie en ce moment.
Stan va se retrouver seul à nouveau. Je lui ai écrit hier pour lui proposer de passer me voir au kite, mais il a refusé, au prétexte que c'est nul.
Mariam chantonne dans la cuisine. Elle me prend dans ses bras sans rien dire quand j'arrive.
Je vais m'assoir, vaseux et guère enthousiaste à l'idée d'aller rencontrer le cousin préfet. J'ai la flemme et je me demande pourquoi il nous a accordé une audience aussi vite, ça ne fou rien les préfets ou quoi ?
Les chiens viennent à ma rencontre, rendant l'immobilité de Carlin frappante. Il n'a même pas tourné la tête pour me regarder. J'ai des frissons dans le dos, ce n'est pas que l'air froid de la pièce que nous arrivons difficilement à chauffer.
Mes pères sont en vieux jeans et pulls délabrés, couverts de ciment, ils vont monter bricoler sur le toit ce matin.
─ Tu as fait les analyses pour Carlin ?
Papa me sert un bol de lait et me tend mes céréales sans répondre.
Ça veut dire quoi ça ?
Mon grand-père nous rejoint avec Mariam, il est bien silencieux, lui aussi ce matin. Il semble conscient de l'époque à laquelle nous vivons et surtout du fait qu'il n'a pas vu son fils ainé depuis un moment. Il n'arrête pas de marmonner qu'il veut parler à Charles.
─ Donne-moi de l'argent, je vais emmener Carlin chez un de tes collègues.
─ Je lui ai fait ses analyses, m'interrompt mon père.
Je hausse un sourcil, parce que ça ne lui ressemble pas. Il ne loupe jamais une occasion de me faire lire un compte-rendu de labo au point de me bassiner.
─ Tu me les passes ?
─ Je n'ai pas tout eu.
─ Donne ce que tu as !
─ Tout à l'heure, je ne sais plus où elles sont.
─ Sais ça, prend moi pour un con !
─ Merlin, la politesse !
Je prends mon petit-déjeuner avec l'impression d'avoir un nuage noir qui flotte au-dessus de ma tête. Je suis devenu poissard, en même temps que gay et malheureux en amour.
─ Carlin a des mauvaises analyses, se résigne mon père.
Je m'en doutais tiens ! mais mauvais à quel point ?
─ Montre !
─ Ce n'est pas la peine !
Je le regarde furieux et il cède en jurant, il sort les feuilles qu'il a caché dans un tiroir de la grande armoire de bois. Je regarde les taux et en effet c'est mauvais, la numération et les taux des enzymes hépatiques, les paramètres rénaux, les protéines totales, tout indique un cancer généralisé, comment n'avons-nous pu ne rien voir !
─ C'est à cause de ce foutu déménagement.
Il me prend dans ses bras.
─ Il doit souffrir horriblement non ? je demande, glacé.
─ Je pense aussi, normalement à ce stade-là, l'homme est inconscient. Il a masqué son mal, sans doute par amour pour nous. On n'imagine pas le dévouement de nos compagnons à quatre pattes.
─ Tu vas faire quoi ?
─ Tu sais ce qu'il faut faire.
Je secoue la tête, furieux, m'éloignant de lui et de ses mauvaises nouvelles.
─ Je suis désolé Merlin, mais ce n'est pas le moment de faire un caprice, il souffre.
─ Il n'a pas l'air de souffrir.
─ Il est courageux et dévoué. Regarde-le, il ne bouge plus.
─ Je l'ai emmené en balade le week-end dernier, et hier on a été à la plage. Dire que je l'ai fait courir.
─ Il a aimé se balader avec toi, tu le sais bien.
Je ne réponds pas, parce que mon père va poser le geste ultime que fait un vétérinaire quand on abrège la souffrance d'un animal. Carlin semble résigné.
─ Attends laisse-moi un peu de temps, je supplie mon père.
─ il n'y a pas de raison de le laisser souffrir.
Nous sommes interrompus par mon portable qui clignote. C'est un message de Stan, il me raconte des bêtises, alors qu'il est censé être en cours. Il choisit son moment, lui, pour m'envoyer des blagues.
Je suis remonté dans ma chambre avec Carlin, que j'ai installé dans mon lit.
***
─ Je ne savais même pas que tu avais un cousin !
Mon père cherche une place de parking devant la préfecture et je découvre un nouveau pan de sa personnalité. J'oublie trop souvent qu'il a passé son enfance ici.
─ J'en ai pleins ! rétorque-t 'il.
─ Pourquoi on ne les voit pas ?
─ C'est compliqué et le quotidien nous happe.
OK j'ai compris, c'est son homosexualité qui doit gêner.
C'est fou, parce qu'en apparence c'est cool, mais dès qu'on gratte un peu, il y a plein de blême.
Je porte un pantalon violet et un pull à carreau jaune et noir, c'est une copine à moi, qui avait fait le pari de me trouver le pull le plus moche possible. Je l'adore, alors je le porte assez souvent.
Nous avançons dans les couloirs du bâtiment administratif, une assistante empressée nous invite à la suivre, pour notre rendez-vous avec le préfet Mathieu Dambreville. Ça en jette !
Elle nous installe dans une salle d'attente avec des fauteuils ancien et un papier peint vert dragées, c'est assez classieux. Ensuite, nous rentrons dans un bureau digne d'un ministre de Louis 16. L'homme qui ressemble à mon père nous salue et nous présente le recteur d'académie, son collègue avant de mitrailler mon père de questions.
─ Gaspard, un revenant, quand j'ai su que tu voulais me parler j'ai cru tomber de ma chaise. Content de ton revoir, comment va l'oncle Anatole ? J'ai appris pour Charles, laisse-moi te dire que je suis désolé. Voilà ton rejeton alors ?
─ Oui, il s'appelle Merlin.
Je comprends soudain pourquoi le préfet a accepté si rapidement la demande de mon père qui ne les avait jamais recontactés. Il exagère quand même.
─ Tu me racontes ce qu'il t'arrive au lycée ? demande le copain recteur, qui sait pourquoi il est là et sans fioriture ne prend pas de raccourci.
─ Je détonne et les profs ne me supportent pas. Apparemment le proviseur songe à un conseil de discipline parce que je suis sorti du lycée. J'étais énervé car la prof de SVT m'a interpellé devant toute la classe à la lecture de mes réponses sur une fiche d'identité.
─ Il faut dire qu'il s'est passé pas mal de choses dans ce lycée, alors le proviseur est un peu nerveux.
Je répète notre échange lamentable. La façon, dont elle m'a mis la honte.
─ Tes camarades ont dit quelque chose ?
─ Non, ils ne m'apprécient pas.
─ Pourquoi ?
─ Je ne sais pas, parce que je suis nouveau, parce que j'ai des fringues colorées. Ils m'appellent l'oiseau des iles et me détestent.
Je remarque le sursaut de mes pères, je ne leur en avais pas encore parlé.
─ Qui t'a frappé ?
Je porte la main à ma joue, ma pommette a pris toutes les palettes du violet au noir, en passant par le jaune. Elle est assortie à mon pull.
─ Cela va rester entre lui et moi.
─ Très bien, fait Mathieu, Anthony tu vas pouvoir appeler le proviseur ?
─ Bien sûr, rien qui justifie de songer à un conseil de discipline.
Ils l'appellent devant nous. Le recteur est sec, le préfet explique qu'il est mon oncle et que je lui ai raconté le contenu de la conversation avec la prof, la façon dont j'ai été accueilli au lycée. Ils la jouent bad cop et good cop, s'étonnent de la sévérité de la sanction.
Le proviseur bégaye, évoque mon allure, ma sortie non autorisée. Il précise que c'était juste une menace en l'air, au vu de ce qui s'est déjà passé et qu'il n'avait pas décidé encore.
Matthieu me regarde et me fait un clin d'œil.
─ Un peu de couleur n'a jamais fait de mal à personne. Moi aussi j'aimais les fringues colorées quand j'étais jeune !
Je sursaute, parce qu'il est en costume gris et chemise blanche, horriblement banal. Il poursuit :
─ Je trouve que j'ai souvent des signalements pour votre lycée, surtout après les évènements graves de l'an dernier ! Vous croyez que c'est le moment de vous faire remarquer ?
─ Bien sur, monsieur le préfet. Vous avez raison, nous allons revoir tout cela.
Mais quelle carpette !
Le cousin raccroche sèchement, le proviseur a dû avoir mal aux oreilles.
Mon père le remercie, évoquant le fait de montrer ses couilles. Le cousin rigole en disant que ça a toujours été le genre de papa de se montrer dissuasif.
Je comprends ce qu'il a voulu faire, indiquer au proviseur que nous n'étions pas sans défense.
Moi ce qui m'a tilté, c'est que le recteur et le cousin ont évoqué à plusieurs reprises des trucs graves au lycée, je voudrais les interroger cependant, je ne peux pas en placer une. Ils se sont lancés dans une discussion, d'où je suis consciencieusement exclu. Le recteur part déjà, puis le cousin et mon père nous invite à diner, il parle aussi de prévenir ses parents qui seront heureux de nous voir. Je tente à nouveau de l'interroger, mais sa secrétaire rentre dans le bureau annonçant que son rendez-vous suivant est arrivé.
Sur le chemin du retour, nous nous sommes arrêtés à la pharmacie pour acheter des médicaments pour grand-père. J'en profite pour acheter la crème contre les coups que m'a conseillé Tina. J'avais noté le nom sur mon téléphone. C'est la mère de Stan qui me sert, la gothique étrange. Son nom Sophie Bervange est accroché à sa blouse.
Il y a d'autres pharmaciens plus loin dont une femme sévère à l'allure bourgeoise avec un chignon et des grosses boucles d'oreille et un homme maigre aux cheveux ébouriffés.
Mon père a demandé des conseils pour ma joue. Le pharmacien s'approche, mais une profonde antipathie m'assaille. Un sentiment de panique qui m'oblige à sortir de la pharmacie comme un fou. Mon père m'a rappelé, mais j'ai refusé de me laisser examiner à nouveau.
Gaspard marmonne en se demandant ce que j'ai dans le crâne. Je n'en ai pas la moindre idée.
De retour à la maison, ils ont enlevé leurs costumes et se sont mis en tenue pour aller bricoler sur le toit. Je les accompagne déterminés à les aider.
─ Tu n'avais jamais recontacté ton cousin ?
─ Non, ils ne sont pas venus à mon mariage avec Nine et nous étions bêtement fâchés. Tu vois grâce à toi nous nous sommes réconciliés, admet Gaspard.
Nous bricolons un moment en silence, mine de rien je réalise qu'il va falloir que je retourne au bahut dès ce lundi. Franchement, je le sens de faire l'école à domicile, même si cela veut dire ne pas savoir ce qui est arrivé l'an dernier de grave.
─ On va t'acheter un scooter c'est une bonne idée. Tu pourras rentrer à la maison les midis. Il n'y a pas de raison de se laisser emmerder, annonce Gaspard.
Je hoche la tête, en ramassant les tuiles, sans rien dire.
Je ne peux pas me réjouir, c'est mon lot de consolation pour la perte de mon chien.
***
Nous avons enterré Carlin ce matin.
J'ai pleuré comme une madeleine et mes pères ne sont pas au mieux de leur forme. Ils sont montés sur le toit et je les rejoints après un moment à trainer sur mon lit. J'ai pleuré mélangeant tout, mon éloignement de Sens, mon chagrin d'amour et la perte de mon chien.
─ Tu as mis un jeans neuf, redescends te changer ! rouspète mon père.
Nine n'aurait rien dit, mais Gaspard ne cède jamais.
Je suis partie me changer, j'ai un truc à leur demander.
Ce qui me fait le plus mal au cœur c'est de voir les autres animaux qui cherchent Carlin, conscients de son absence.
─ Et si on allait à la SPA, pour choisir un chien pour papy et un autre pour moi ?
─ Plus tard Merlin, j'ai besoin de souffler un peu, nous aussi nous venons de perdre Carlin, répond papa.
Nine l'enlace, et voilà ils se bécotent, partis dans leur monde.
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