Chapitre 9 : Et les mensonges continuent
Je hurle à la mort. Le corps sans vie de Rodrigo tombe au sol, inerte. Mes yeux sortent de leurs orbites. Je plaque une main contre ma bouche, choquée, et m'adosse au mur pour ne pas tomber. Je n'arrive pas à y croire. Rafaël a enlevé la vie si facilement à cet homme.
- Mais qu'est-ce que tu as fait ? je panique en trouvant la force d'avancer jusqu'à Rafaël.
- Quoi, tu ne voulais pas voir cette ordure morte ? Après ce qu'il t'a fait ?
- C'était sûrement l'une des pires ordures de ce monde mais j'aurai préféré le torturer que de le tuer !
Je n'en reviens pas qu'un homme soit mort, là, ce soir, devant mes yeux. Voir quelqu'un se faire tuer est choquant. Mais, au fond de moi, je sens un certain soulagement. Après ce qu'il a dit juste avant de mourir, sa mort ne peut être que justifiée. Un petit poids s'enlève de mon cœur. Ce Rodrigo ne me touchera plus jamais. Il ne me fera plus jamais de mal.
- Alejandro ! hurle Rafaël, remonté à bloc.
Son cri me sort de mes pensées. Mon ex avance, lentement, ses yeux trahissant la peur de se faire tuer aussi. Il arrive devant le chef, tout penaud. Ça me réjouit de le voir comme ça.
- Tu veux que je le tue aussi ? m'interroge Rafaël en jouant avec son arme.
- Ne rigole pas avec ça, je secoue la tête en avançant vers lui. Ne le tue pas, je préfère le torturer.
Je fais un faux sourire à Alejandro. Après ce qu'il m'a fait, ça me fait du bien de me sentir bien supérieure à lui, de voir que c'est moi qui ait tous les pouvoirs.
- Qu'est-ce que tu vas faire ! me crie mon ex en me crachant sur le blouson.
Je sors instantanément le Glock de mon sac et le pointe sur lui. Une marée d'étonnement retentit. Alejandro se tait, il a encore plus peur qu'avec Rafaël.
- Et oui, je commence, tu sais bien que moi j'ai beaucoup plus de raisons de te tirer une balle entre les yeux que Rafaël.
Je vois la peur lui dévorer l'âme. La peur est aussi un monstre sans pitié. Je lui donne un immense coup de poing dans la mâchoire à l'aide de la cross de mon pistolet. Le sang gicle de sa bouche. Il tousse fort et commence à tomber, mais deux hommes le rattrapent et le maintiennent debout.
- Mais je ne suis pas comme toi, sale con.
Pour le plaisir, je lui donne un dernier coup de pied dans l'estomac. Ça me soulage. On l'entendrait gémir à l'autre bout du bâtiment.
- Fermé-la, Alejandro ! tonne Rafaël en se rapprochant de lui. Qui étaient les deux autres hommes avec Rodrigo.
- Ils ne font pas partis du gang, pleure Alejandro en gesticulant. Je t'en supplie Rafaël ne me tue pas !
- Qui sont-ils ? insiste le chef en dégainant à nouveau son arme.
Il panique une nouvelle fois à la vue de son arme.
- Je n'en sais rien. Quand je suis arrivée dans le gang, je ne parlais qu'à Rodrigo. Quand on m'a donné le test à faire, ce jour-là, j'ai croisé Rodrigo, en dehors du gang, avec deux potes à lui. Je lui ai dit qu'il pouvait coucher avec une fille gratuitement et ils ont voulu venir tous les trois.
- Et on connaît la suite sale...
Je l'insulte de tous les noms possibles et inimaginables. Une gifle part toute seule et j'attrape son visage entre mes doigts, la haine prenant possession de tous mon corps.
- Par ta faute, sale con, je me suis faite violée par trois hommes. Trois hommes ! Je vais faire de ta vie un enfer, Alejandro. Tu souffriras tellement que tu supplieras Rafaël de te tuer.
J'attends ce moment depuis si longtemps. Alejandro va pouvoir ressentir la douleur et la peur que j'ai ressenti à cause de lui. Rafaël m'attrape par la taille pour m'éloigner d'Alejandro.
- Qui t'a demandé de faire le test ? demande-t-il.
- Jack.
- Qui est Jack ? je demande.
- Celui que j'ai remplacé. Il est mort il y a un an et demi.
- Un de moins sur cette Terre, bonne nouvelle, je dis sarcastiquement.
- Vous pouvez le lâcher, ordonne Rafaël aux deux hommes tenant Alejandro. Et brûlez-moi ce cadavre !
Il se dirige vers la sortie, mais se tourne une dernière fois vers ces hommes.
- Le prochain qui ose toucher un seul cheveu de Rym aura affaire à moi. Considérez-la comme ma protégée, elle travaille avec moi. Le premier qui la touche, je le tue, menace-t-il en quittant la pièce.
Je fais un grand sourire de peste au reste de la salle et m'en vais aussi, un trop plein d'émotions coincé au fond de moi. Je suis Rafaël jusqu'à son bureau, qu'il ferme à clef.
- Tiens.
Il me tend un mouchoir que je m'empresse de prendre pour essuyer le cracha d'Alejandro.
- J'ignorais que tu savais tirer, me dit-il en jetant un coup d'œil à mon arme.
- J'ai appris à tirer il y a quelques années mais je ne suis pas sûre de viser quelqu'un à cent mètres, je souris.
Je regarde Rafaël dans les yeux. Il me rend mon sourire.
- Merci, je dis dans un souffle. Merci de l'avoir tué. Et je suis désolée de t'avoir criée dessus. J'ai eu peur sur le coup, je n'avais jamais vu quelqu'un mourir de ma vie.
En réalité, c'était faux. J'étais avec ma grand-mère lorsqu'elle est décédée. Mais personne ne l'avait tuée, son cœur avait simplement arrêté de fonctionner. Tandis que dans le cas de Rodrigo, Rafaël l'a tué volontairement, en toute connaissance de cause.
- Mais pourquoi l'as-tu tué ? je m'interroge en m'asseyant sur une des chaises de la pièce.
Je range mon arme dans mon sac pendant qu'il me répond.
- Ce n'est pas dans mes mœurs de violer quelqu'un.
- Je crois que ce n'est dans les mœurs de personne, je rétorque en levant un sourcil.
- Ce que je veux dire, c'est que les membres de notre gang ne sont pas censés faire ça. Je nous considère comme l'élite des gangs. Et, en tant que tel, on ne fait pas ça. Certains prennent des prostituées, ce sont leur choix, tout le monde est consentant dans l'affaire. Pas dans un viol. Et je n'aurai pas supporté que tu te mettes dans des états pareils à chaque fois que tu le verrais. J'ai plus besoin de toi que de lui, crois-moi.
J'ignore pour quelle raison, mais son discours me fait chaud au cœur. Dans un monde de brutes pareil, j'ignorais qu'il pouvait encore exister des gens avec une poignée de sentiments.
- En tout cas, je te remercie vraiment. Ça m'a enlevé un poids du cœur.
Il me sourit et s'installe devant son ordinateur. Je le vois cliquer sur sa souris et, pendant ce temps, je l'observe attentivement à la lumière de la pièce. Ses cheveux châtains sont si foncés qu'on dirait qu'ils sont bruns. Ils sont très bien coupés, aucune mèche ne dépasse. Sa barbe de trois jours lui donne sûrement quelques années de plus.
- Tu as quel âge, au fait ? je demande en croisant les jambes.
- Vingt-cinq ans.
J'ai donc visé juste la première fois que je l'ai vu. Il fait son âge finalement, même avec sa barbe. Mais il reste concentré sur son ordinateur.
- Je peux y aller si je te dérange ? je demande avec ironie.
- Je suis en train de rechercher la vidéo de ton viol sur les bases de données.
L'entendre de la bouche de quelqu'un d'autre me fait bizarre. Les personnes les plus proches de moi ne sont même pas au courant de ce viol mais un gang entier l'est. Ce n'est pas normal.
- Supprimé ! me sourit gentiment Rafaël en appuyant sur la touche « entrée » de son clavier.
- Je crois que je n'aurai jamais assez de mot pour te remercier de ce que tu as fait pour moi ce soir.
- Je t'en prie, ça me fait plaisir. Je ne suis pas quelqu'un de méchant, tu sais. Même si je suis dans un gang.
Il se lève de sa chaise et vient s'adosser à son bureau, juste devant moi.
- Maintenant, commence-t-il, parlons plus sérieusement. Demain soir, nous partons en mission, toi et moi.
Il nous montre du doigt tour à tour, ce qui me fait sourire. Mais la panique reprend vite le dessus.
- Comment ça demain soir ? Aussi tôt après mon arrivée ?
- Oui, je veux que tu te rendes compte du genre de mission que nous allons faire tous les deux durant les prochains mois. Nous sommes donc conviés à un gala de charité de bourgeois blindés de tunes. Tu verras, tu fais partie des membres du gang qui ont les meilleures missions. On a juste à amener nos fesses là-bas, à être bien habillés, et à vendre notre drogue aux trois personnes qui nous l'ont demandées. Après ça, on profite de la soirée, on mange et on boit à l'œil, puis on rentre au quartier général pour faire un compte rendu. La belle vie, non ?
Vu comme ça, c'est sûr que c'est vendeur.
- Tu n'auras même pas besoin d'utiliser ton arme, ni à te battre, ni quoi que ce soit, poursuit-il. Ce sera une mission des plus tranquilles.
- Il n'y a jamais des membres d'autres gangs dans ces soirées ? je demande sérieusement.
- Ça peut arriver mais très rarement. Les riches qui achètent de la drogue ne veulent pas que ça se sache, évidemment. En amenant deux gangs différents, ils prennent le risque d'un conflit. Alors ça n'arrive presque jamais.
Je hoche la tête. Je découvre vraiment un tout nouveau monde.
- Demain, dix-neuf heures ici ? m'interroge Rafaël en levant son sourcil gauche.
- Je serai là, pile à l'heure !
Sur ce, je me lève, prête à partir.
- Je te raccompagne à ta voiture, déclare-t-il en prenant son badge.
C'est à mon tour de lever un sourcil en l'air.
- Je peux rentrer seule, tu sais.
- Je préfère te raccompagner, ce n'est pas négociable.
- D'accord, d'accord, je capitule d'une voix aiguë.
Nous ressortons par le passage par lequel nous sommes arrivés, tout à l'heure.
- Si tu viens ici la journée, tu pourras ressortir par derrière, ce sera la porte tout au fond du couloir du quartier général, m'indique-t-il en passant devant moi pour sortir de la banque.
Il jette des coups d'œil dans la rue lorsque nous sortons, la main toujours posée sur son arme. Nous avons cinq minutes de marche en vue. Je décide donc d'entamer la conversation.
- Pourquoi tu es entré dans le gang, toi ?
Je le vois froncer les sourcils.
- Pourquoi cette question ?
- On ne répond pas à une question par une autre question, tu sais.
- Je suis ton chef, sourit-il. J'ai tous les droits.
- Pas avec moi.
Il me lance un regard sarcastique.
- J'adore ton caractère.
Je ne m'attendais pas vraiment à cette réponse. Mais je suis preneuse.
- Tu n'as toujours pas répondu à ma question, je renchéris. Pourquoi tu es dans ce gang ?
- J'aurai besoin de plus que trois minutes pour te raconter tout ça. Sache juste que j'avais besoin d'argent et que le gang m'a permis d'en avoir pas mal.
C'est pour l'argent qu'il a intégré le gang. Je suis déçue. Je m'attendais à une meilleure histoire. Mais voyant qu'il ne souhaite pas poursuivre, je ne continue pas mon interrogatoire.
- Pourquoi voulais-tu savoir ça ? me demande-t-il en fixant deux hommes arriver devant nous.
Mais avant que je ne puisse répondre, il passe sa main droite autour de ma taille et m'embrasse la tempe en mimant un rire alors que les deux hommes passent à côté de nous. Je continue de marcher mais le reste de mon corps est statique. Une dizaine de mètres plus loin, Rafaël me relâche.
- J'ai cru reconnaître les membres des Navajas. Pour ne pas attirer l'attention et ne pas avoir d'ennui, j'ai appris que se faire passer pour un couple rend les personnes mal à l'aise. Du coup, les gens ne nous regardent pas et nous passons inaperçus.
C'est extrêmement malin. Mais là, c'est moi qui suis mal à l'aise. Alors que je sens encore ses lèvres sur ma tempe, nous arrivons à ma voiture.
- Ta voiture est canon ! s'exclame-t-il en la regardant sous tous les angles, à la lumière du réverbère. Tu dois être blindée de tunes, toi aussi.
- Pourquoi tu poses la question alors que tu connais déjà la réponse, je dis en levant les yeux au ciel. Sur ce, binôme, on se revoit demain !
Il me sourit et j'entre dans ma voiture. C'est Rafaël qui claque ma portière en m'intimant de verrouiller les portes. Me considère-t-il comme une enfant fragile ? Je le vois repartir devant moi et démarre ma voiture pour rentrer chez moi. Une fois arrivée, je vois trois appels manqués de Julio. Il est maintenant vingt-trois heures et cette journée m'a achevée. Je décide tout de même de répondre à son quatrième appel.
- Oui, Julio ?
- Salut Rym. Je suis désolé de te déranger mais je me demandais si demain soir tu ne voudrais pas qu'on aille manger au restaurant, tous les deux ?
Un nouveau mensonge pointe le bout de son nez. Demain je dois me rendre au gala de charité.
- Après-demain, je préférerai.
- Un dimanche soir ? Aucun restaurant ne sera ouvert.
- Lundi soir, alors. Je finis les cours à dix-huit heures, passe me prendre à l'université. Ça te va ? je lui propose.
Je le sens déçu mais il accepte gentiment. Je me sens terriblement mal de reporter tous nos rendez-vous, de les annuler ou de les écourter. Je croise vraiment les doigts pour que Rafaël ne me colle aucune réception. De toute façon, qui organise un gala un lundi soir ? Probablement personne. Nous continuons de parler alors que je vide mon sac à main. Je cache mon arme dans un des tiroirs de mon dressing.
- Au fait, à quand remonte ta dernière petite-amie ? je lui demande en souriant bêtement.
- Il y a six mois, me répond-il.
- Et ça faisait longtemps que vous étiez ensemble ?
- À peine trois mois.
- Désolée pour l'interrogatoire, je rigole en me mettant en pyjama. Mais tu as déjà eu des relations longues ?
- Jamais plus de quelques mois.
Je reste un peu dubitatif. C'est peut être un coureur de jupons. Après tout, je ne le connais pas depuis très longtemps.
- Pourquoi ça ne dure pas longtemps ? je demande en m'allongeant enfin dans mon lit.
- Je vais être honnête avec toi, commence-t-il. Je pense qu'il n'y a rien de mieux que l'honnêteté entre deux personnes qui se rencontrent.
J'ai envie de pleurer de nerf. Tous les signes me disent de ne pas mentir à Julio. Mais je ne peux pas faire autrement.
- Je t'écoute, je dis simplement en attendant la suite.
- J'ai déjà trompé mes ex petites-amies. Parce que je ne les aimais pas vraiment, parce qu'elles me trompaient aussi, parce que j'avais envie d'autre chose.
Je reste bête devant ce qu'il me raconte. Je n'arrive pas vraiment à cautionner ce genre de comportement égoïste et blessant. Mais je ne réponds rien, alors il continue.
- Et je préfère te le dire avant que tu ne l'apprennes autrement. Et, pourtout te dire, je n'ai jamais été amoureux, je n'ai jamais eu de coup de cœur pour quelqu'un. Et je t'ai rencontré. Je ne dirai pas que j'ai eu le coup de foudre, parce que ça voudrait dire que je ne m'attache qu'à ton physique, mais j'ai ressenti un profond sentiment à ton égard. Je ne sais pas comment expliquer ça. Tu appelles ça le feeling, moi je dirai que nous avons des atomes crochus. Et je crois n'avoir jamais apprécié une fille comme je t'apprécie. Et je voulais être honnête avec toi.
Une personne qui vous avoue ses sentiments, c'est toujours particulier. Ses mots ont un goût de chamallow qui me réchauffent le cœur.
- J'apprécie ton honnêteté, je commence, un demi sourire aux lèvres. Et sache que tu peux avoir le pire passé du monde ; mais si tu me regardes droit dans les yeux et que tu me promets que jamais ton passé ne viendra interférer dans notre présent, alors on peut se donner une chance.
Je le sens sourire à travers son téléphone. Quelques secondes après, je reçois une photo de sa tête, zoomée sur ses yeux, et il me dit dans son micro :
- Je te promets que mon passé est derrière moi et que je ne te ferai jamais de mal.
Je rigole toute seule.
- Si tu n'as pas compris, m'explique-t-il, je t'envoie la photo pour te regarder dans les yeux.
- J'avais compris, je souris en fixant encore la photo de ses yeux.
Ils sont si envoûtants. J'aime notre complicité, j'aime ses petites manières et ses blagues nulles. J'apprécie Julio comme je n'ai jamais apprécié un homme depuis deux ans. Nous continuons de rire pendant quelques minutes encore, mais la fatigue nous emportant, nous décidons de raccrocher et d'aller nous coucher. La journée a été très longue pour moi.
Mais je ne m'endors pas tout de suite. Et comme beaucoup de soir dans la semaine, je me mets à réfléchir. J'adore Julio mais je dois aussi retrouver ma sœur. Je dois faire partie de ce gang pour avoir des réponses à mes questions. Et je sais que je le regretterai si je ne le faisais pas. Je commence donc réellement à me poser la question de savoir si je peux combiner mon activité au sein d'un gang et une relation stable avec un homme. Comment une relation amoureuse peut-elle être stable si elle débute dans le mensonge ?
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