Chapitre 14 : Le cœur peut aussi faire des montagnes russes
Je reste bête devant le journal intime de ma mère. J'ignorais qu'elle avait un livre dans lequel elle a écrit quasiment toute sa vie. La première page indique qu'elle avait dix-huit ans lorsqu'elle a commencé à raconter son quotidien. Mais la question qui revient sans cesse dans ma tête n'est pas de savoir ce qu'il y a écrit à l'intérieur mais pourquoi il est ici, dans la chambre de ma sœur ? Et je n'aurai jamais la réponse à ma question.
- Rym ?
Je sursaute à la voix de ma tante.
- Que se passe-t-il ? s'inquiète-elle en s'approchant de moi.
- J'ai retrouvé ça, je dis doucement en me tournant vers elle. C'est le journal de ma mère.
- Au regard que tu me lances, je suppose que tu n'en connaissais pas l'existence ?
Je secoue la tête, quelque peu désemparée.
- Tu vas le lire ? m'interroge ma tante en posant une main sur mon bras.
- Je ne sais pas si je suis prête. Je verrai bien.
Je soupire fortement et sors de la pièce, accompagnée par ma tante.
- Tu as retrouvé le jeu de société ? je lui demande alors que nous arrivons au niveau de l'escalier.
- Oui, je l'ai descendu. Il était dans le placard, à côté de ton bureau.
Je la laisse redescendre au rez-de-chaussée tandis que je m'en vais ranger le journal de ma mère dans ma table de nuit. Je reste quelques minutes assise sur mon lit. Toute la vie de ma mère est écrite dans ce livre. Il y a sûrement ma naissance, celle de mon frère et celle de ma sœur. Il doit y avoir la rencontre avec mon père et tout ce genre de détails qu'on peut retrouver dans un journal intime. Ça m'inquiète de l'avoir retrouvé dans la chambre de ma sœur. Elle a dû le trouver avant sa disparition. Mais combien de temps avant ? A-t-elle eu le temps de le lire ? Y a-t-elle appris quelque chose ? Une voix au fond de moi m'incite fortement à le lire, rien que pour savoir comment ma mère vivait sa vie. Juste pour savoir si elle avait vécu comme elle l'avait voulu. Je suis tiraillée.
L'alarme de mon téléphone me sort de mes pensées. Il faut que je parte courir. Me résolvant à lire le journal de ma mère dans les prochains jours, je décide de m'habiller. J'enfile des vêtements de sport puis mes baskets. Je prends avec moi ma montre pour me chronométrer.
- Tante Izabel est partie ? je demande à Maríaen descendant.
- Oui, il y a bien cinq minutes. Tu veux finir de manger ?
Je secoue la tête en mettant le casque sur mes oreilles.
- Je dois m'entraîner, on se revoit tout à l'heure !
J'agite ma main pour lui dire au revoir et m'en vais pour une matinée de course en ce beau dimanche.
*
Après être rentrée de mon footing, j'ai enchaîné avec mon déjeuner puis j'ai passé l'après-midi à travailler sur un devoir à rendre en droit pénal. Il est dix-sept heures et je suis déjà fatiguée. Je ferme mon ordinateur et me relève de ma chaise de bureau. J'attrape mon téléphone et, au même moment, je reçois un appel de Julio. Je décroche immédiatement.
- Oui ? je réponds d'une voix mielleuse. Que me vaut le plaisir de ton appel ?
- Je voulais savoir si tu étais tentée par la fête foraine qui vient de s'installer en ville ?
Je suis morte de fatigue mais l'envie de passer du temps avec Julio est plus forte. Je souris à travers le combiné en lui demandant :
- Ça dépend, avec qui j'y serai ?
- Avec le meilleur homme sur cette Terre, rigole-t-il en se rappelant du jour où il m'a porté dans la rue en me faisant dire qu'il était le meilleur.
- Alors c'est d'accord, tu passes me prendre à vingt heures ? Ou sinon on peut y aller avec ma voiture.
- Non, ne te dérange pas. Je viendrai te chercher, à tout à l'heure sale gosse !
Je n'ai pas le temps de m'offenser qu'il ricane d'une voix de hyène et me raccroche au nez. J'hallucine. J'espère qu'il a peur des montagnes russes et que je pourrai me venger.
Je m'en vais sur mon lit et prend le livre posé sur ma table de chevet. J'ai besoin de m'aérer l'esprit. Je continue la lecture du roman, comme je le fais chaque jour, mais l'image du journal intime de ma mère continue de trotter dans mon esprit.
- Il faut que je sache.
Je me relève, ouvre mon tiroir, et en sort le livre dorée. Ma curiosité mal placée finira par me tuer. Je me replace sur mon lit, prête à le commencer. Mais à peine ai-je lu les trois premières lignes que la sonnerie de la porte d'entrée retentit. Je sors de ma chambre pour connaître l'identité de l'individu lorsque María me crie depuis le rez-de-chaussé :
- Rym, Gabriela est passée te voir !
Je cours dans les escaliers, tout sourire. Je serre fort ma meilleure amie dans les bras.
- Je suis venue prendre de tes nouvelles et passer un peu de temps avec toi pour te changer les idées !
- Qu'est-ce que je t'aime toi, je souris en lui pinçant ses deux joues rebondies.
Elle retire ses chaussures et nous montons à l'étage. Elle balance son sac sur mon lit et en sort plusieurs produits de beauté.
- Une fin de journée à prendre soin de nous, qui dit mieux ? s'exclame-t-elle en secouant ses mains dans tous les sens.
- J'en dis que je vais sortir un paquet de bonbons et allumer mon ordinateur.
En quelques minutes, nous voilà allongées sur mon lit, des masques en tissus posés sur nos visages, en train de regarder un film à l'eau de rose. Je n'aurai pas rêvé mieux comme fin de journée.
- Je sors à la fête foraine avec Julio, ce soir, je lui dis en piquant un bonbon dans le paquet posé entre nous deux.
- Première sortie de couple ! s'excite-elle en tapant dans ses mains. En plus la fête foraine est un des plus gros clichés de couple.
- Je ne te le fais pas dire, je rigole en tournant ma tête vers elle.
- S'il ne te fait pas gagner une grosse peluche, m'apprend-elle, c'est que ton couple est voué à l'échec.
Je manque m'étouffer avec mon bonbon. Je tousse et recrache le bout gélatineux sur le lit. Au lieu de me venir en aide, Gabriela s'écroule de rire. J'avale de grandes gorgées d'eau pour faire passer la toux.
- T'es bête Gabriela, je parviens à articuler en remontant sur le lit. Ne me sors pas des bêtises comme ça.
Je tousse une nouvelle fois. Ma gorge me fait mal. Elle râle en continuant de sourire.
- Je disais la vérité. Le but de tout couple qui va à la fête foraine est de repartir avec une peluche. Ose me dire le contraire !
- Je n'y pensais même pas, je lui avoue en regardant le paquet de bonbons de travers. Mais c'est vrai que ce serait assez mignon une peluche.
Gabriela met le film sur pause et se lance dans le récit de la première sortie qu'elle a faite avec son copain, il y a de ça six ans. Elle avait quatorze ans, à l'époque.
- Vous ne seriez pas allés dans un centre aéré, par hasard ? je blague en éclatant de rire.
J'adore me moquer d'elle. Mais je la laisse me raconter cette histoire que je connais déjà par cœur. J'aime la voir revivre ce moment comme si c'était la première fois. Je revois ses étoiles dans les yeux, son sourire plaqué sur les lèvres et ses joues rougies. Pour rien au monde je ne la couperai dans son histoire. Voir sa meilleure amie aussi heureuse avec un homme n'a pas de prix. Je veux avoir ce qu'elle a : un homme qui m'aime plus que tout au monde et qui me rendrait heureuse chaque jour de ma vie.
- Ça a été la plus belle soirée de ma vie, conclut-elle en souriant toujours bêtement.
Je veux devenir aussi gaga en parlant d'un homme.
- J'aimerais être aussi heureuse que toi en couple, je dis doucement en retirant le masque de mon visage et en le jetant dans l'assiette que nous avons prévu à cet effet.
- Je te le promets que tu le seras.
Elle pose sa main sur la mienne et plante ses yeux dans les miens.
- Je crois n'avoir jamais connu aucune fille qui aime autant la vie que toi. Tu aimes la vie et tout ce qu'elle contient. Lorsque tu fais entrer une personne dans ta vie, ce n'est jamais pour rien. Et chaque être humain qui fait parti de ta vie, tu l'aimes inconsidérablement. Et hier soir, tu as décidé de faire entrer Julio dans ton petit monde. Tu as dû sentir quelque chose au fond de toi qui te poussait vers lui.
Elle penche la tête sur le côté avec un petit sourire.
- Le destin ne fait jamais les choses au hasard ; il ne place jamais pour rien les gens sur ton passage. Soit cette relation te permettra de rencontrer l'homme de ta vie, soit elle te permettra de savoir ce que tu ne veux pas chez quelqu'un. Et seul l'avenir te le dira. Mais si tu n'essaies pas, tu ne le sauras jamais.
Je serre fort sa main dans la mienne. C'est pour ce genre de discours qu'on devrait tous avoir une meilleure amie.
*
Je souhaite une bonne soirée à Gabriela et ferme la porte derrière elle. Heureusement que j'ai une fille comme elle dans ma vie. Je suis requinquée, de très bonne humeur et je retourne en courant dans ma chambre pour me préparer à la soirée qui m'attend. J'entends mon téléphone vibrer sur mon bureau. C'est Rafaël. Je décide de ne pas répondre. Je n'ai pas l'intention de me rendre au quartier général ce soir, j'ai un rendez-vous de prévu, il peut toujours rêver. Les appels continuent mais je les ignore tous. Si c'était réellement important, il m'enverrait un message. Or, je ne reçois que des appels. Je décide d'enfiler un jean noir et un sweat violet avec des baskets blanches. Un classique, mais très efficace. Je pars me laver les dents et lorsque je reviens dans ma chambre, Rafaël es ttoujours en train de m'appeler. Je soupire fortement et finis par décrocher.
- Qu'est-ce que tu veux ? je souffle en choisissant un sac à main.
- C'est maintenant que tu réponds ? s'énerve-t-il à l'autre bout du cellulaire.
- Si tu m'appelles pour passer tes nerfs sur moi, tu peux aller te faire voir !
Il y a un silence de quelques secondes avant qu'il ne parle.
- Nous avons besoin de toi au quartier.
- Je ne suis pas disponible ce soir, je le coupe en choisissant un sac à bandoulière noir.
- Je ne te laisse pas le choix, me rétorque-t-il, froidement.
Il ne va pas commencer à m'énerver maintenant.
- Je te dis que je ne pourrai pas venir, faites sans moi, je n'en ai rien à faire ! Je te dis que je ne suis pas disponible, donc laisse moi tranquille, Rafaël.
- Rym, l'information que tu nous as donnée hier soir était vraie, le quartier général des Viboras se trouvent bien dans les locaux de la grande enseigne téléphonique. Du coup, tu as été promue et tu deviens l'un des bras droit de Diego. Donc maintenant, tu ramènes ton derrière au quartier pour que nous élaborions un plan pour les attaquer.
Je n'apprécie pas la façon dont il me parle. Vraiment pas. J'ai toujours détesté les ordres, et ce n'est pas aujourd'hui que ça va changer. Je décide donc de mentir effrontément à Rafaël pour qu'il me laisse profiter de ma soirée avec Julio.
- Écoute, je suis contente d'être promue mais ce soir je suis malade. J'ai comme qui dirait eu un imprévu ce matin et du sang s'échappe d'une partie de mon anatomie depuis le début de la journée. Maintenant, je vais retourner dormir. Ne comptez pas sur moi ce soir, on se voit demain.
Je sens qu'il reste bête à l'autre bout du téléphone. Cette excuse est vraiment mon arme ultime.
- Tu nous forces à remettre le plan d'attaque à demain, grogne-t-il. Repose-toi bien, à demain.
Il raccroche avant que je ne puisse dire quoi que ce soit. Je n'ai jamais eu un échange aussi froid avec lui. Il n'avait qu'à pas me harceler et à s'énerver contre moi pour rien. Je balance mon téléphone sur mon lit. Voilà que j'ai les nerfs maintenant ! Je finis par reposer mon sac à bandoulière et par prendre un sac-banane noir. J'y range mon porte monnaie et mon téléphone portable. À peine suis-je sortie de ma chambre que Julio sonne à la porte. Je claque un bisou sur la joue de María et m'en vais au bras de mon pompier préféré. Nous entrons dans sa voiture et fermons nos portes d'un même mouvement.
- Tu as passé une bonne journée ? je demande en attachant maceinture.
- Si par bonne journée tu entends cuisiner tout l'après-midi, alors oui, j'ai passé une excellente journée !
- Tu cuisines ? je m'étonne en hochant doucement la tête.
- Une de mes passions, j'adore ça ! Ma mère recevait sa famille cet après-midi et j'étais de corvée à la cuisine.
- Si une mère te laisse faire le repas, c'est que tu dois vraiment être doué !
J'attrape l'élastique autour de mon poignée et me fait une queue de cheval dans le miroir du pare-soleil.
- Je me débrouille, me répond-il en haussant les épaules.
- Tu sais que c'est la phrase typique des gens qui ont un talent, je rigole en attachant mes cheveux dans une longue queue de cheval.
Je tourne la tête vers Julio et vois qu'il me regarde déjà. Il tourne furtivement la tête vers la route puis m'observe une nouvelle fois. Je souris comme une enfant.
- Tu es vraiment jolie. Tout ce que tu mets te va si bien !
Je me sens rougir. Il n'y a aucune tension entre nous, pas de négatif. Seulement nous deux, heureux d'être ensemble et de pouvoir commencer un nouveau chapitre de notre vie. Il pose sa main sur le haut de ma cuisse et un frisson me parcourt l'ensemble du corps. Je retire immédiatement sa main. C'est instinctif. Mes vieux souvenirs du passé reviennent. J'ai envie de vomir. J'ouvre la fenêtre passagère et inspire fortement l'air frais.
- Que se passe-t-il, Rym ? s'inquiète Julio en se garant rapidement en créneaux dans une rue. Je t'ai fait mal ?
Je secoue la tête alors que la nausée est en train de partir. Il éteint le moteur et détache sa ceinture. Il attrape avec douceur ma main gauche et la caresse en tournant mon visage vers lui.
- Je suis désolée, je souffle en secouant la tête de droit à gauche.
- Qu'est-ce que j'ai fait ? panique-t-il en voyant mon état. Je t'ai fait mal ? Je t'ai touché où il ne fallait pas ?
- Ce n'est pas de ta faute, je le coupe. Je ne veux pas qu'on me touche.
- Pourquoi ça ?
Suis-je prête à lui parler de ce qu'il s'est passée il y a deux ans ? Après tout, un gang entier est au courant. L'hésitation me paralyse.
- Viens par là, me dit Julio en détachant ma ceinture et en m'attirait contre lui.
Il m'embrasse sur la tempe et caresse d'une main ma joue. Il tente de me rassurer.
- Tu n'es pas obligée de t'expliquer, Rym. Et je respecterai cela.
Il est si attentionné et prévenant, je lui dois au moins une explication. J'aimerais qu'il sache au moins une vérité sur moi, à défaut de lui mentir presque tous les jours. Je me détache de ses bras et joue avec mes doigts. Je n'ai jamais parlé de ça ouvertement avec aucun de mes proches. Mais là, tout de suite, j'en ressens le besoin.
- Il y a deux ans, j'ai été violée par trois hommes, à cause de mon ex.
La phrase est sortie toute seule. Je n'ose pas regarder Julio dans les yeux. J'entends sa respiration s'accélérer. Il doit sûrement passer de la surprise à la colère. C'est ce que tout le monde ferait.
- Je ne vais pas entrer dans les détails ce soir, ni peut-être jamais. Mais je voulais que tu connaisses le traumatisme de ma vie. Aucune personne dans mon entourage n'est au courant.
Il prend à nouveau ma main pour la glisser dans la sienne. Je vois qu'il n'a pas les mots pour exprimer ce qu'il ressent.
- C'est pour cela que je ne veux pas qu'on me touche. Je ne suis pas prête à ce qu'un homme pose ses mains aussi prêt de...
Il hoche la tête, me montrant qu'il a compris.
- La main autour de la taille ne me dérange pas, les épaules non plus. Mais tout ce qui touche à la poitrine et au bas du corps, ça m'est insupportable. Je suis désolée.
- Désolée de quoi ? parvient-il à articuler. Tu ne dois t'excuser de rien, Rym. Je te prends toute entière. Je te prends avec ton passé et tes cauchemars, avec tes douleurs les plus profondes. Ne t'excuse jamais pour ce que tu as vécu. Surtout si tu ne l'as pas choisi.
Il me caresse le dos de la main pendant qu'il parle. Je me sens rassurée, ses mots me réconfortent.
- C'est moi qui m'excuse pour ce qui t'ait arrivé, Rym. Je suis désolée que tu aies dû subir ça. Et je ne te demanderai jamais aucune explication.
Je hoche doucement la tête en la posant sur son épaule.
- Je suis là pour te protéger maintenant. Plus personne ne te fera de mal.
Je relève la tête vers lui. Je ne me sens plus menacée maintenant que je sais parfaitement me battre et que je sais tirer, mais savoir que Julio est là pour moi me rassure énormément.
- Merci d'être là, je réponds sincèrement.
Et je décide de l'embrasser doucement. C'est un baiser rempli de mille mercis. Je me sens complète dans ses bras, je me sens moi, et c'est la chose la plus belle au monde. Mes démons s'en vont petit à petit, Julio les a tous fait fuir.
- Nous ne sommes pas obligés d'aller à la fête foraine, me prévient-il. On peut simplement rester là et parler toute la nuit.
- Non, j'ai envie d'y aller, j'insiste. Il faut que je profite du présent. Et mon présent, c'est toi et moi dans les manèges.
Un sourire se détache de ses lèvres. J'aime le voir heureux.
- Tu es si beau quand tu souris, je lâche en remettant ma ceinture.
- Et toi tu es belle tout court.
C'est à mon tour d'étirer les lèvres. Je suis vraiment bien en sa compagnie. Il essaie de me faire rire durant le reste du trajet jusqu'à la fête foraine.
- J'espère que tu n'as pas peur des montagnes russes ! je le préviens en resserrant ma queue de cheval.
- C'est toi qui va crier et te blottir contre moi, rigole-t-il en trouvant une place de parking.
Nous descendons de la voiture, prêt à passer une excellente soirée. Je laisse mes cauchemars derrière moi et franchis la grande arcade menant à la grande foire. Nous enchaînons plusieurs manèges d'affilés. Nous nous amusons comme des enfants à Disneyland.
- Tu veux faire du tir à la carabine ? me propose-t-il en s'avançant vers le stand.
Étant donné que je ne rate quasiment plus ma cible, ça peut être drôle de l'humilier.
- C'est moi qui vais t'offrir cette grosse peluche, je le nargue en m'avançant devant les carabines.
- Vous avez le droit à dix tirs, nous explique la femme qui tient le stand. Si vous visez les dix cibles, vous gagnez cette peluche.
Elle nous pointe du doigt l'énorme ours blanc qui tient un cœur entre ses pattes. Je lance un regard de défi à Julio. Nous donnons l'argent à la femme et nous munissons tous les deux d'une carabine. Je sais que je penche trop à droite lorsque je tire, comme me l'a fait remarquer Diego. Je me décale donc légèrement à gauche, plus déterminée que jamais. J'appuie sur la détente et accumule les cibles. Une. Deux. Trois. Quatre. Et ça continue. J'en suis à neuf tandis que Julio n'en a fait tomber que trois et n'a gagné qu'un porte-clef.
- On a peut être ici la grande gagnante de la soirée ! crie la femme, ameutant plusieurs dizaines de personnes.
La plupart m'encourage à ne pas rater le dernier tir. Une certaine pression commence à monter en moi. Je me concentre encore plus qu'à l'entraînement au gang. Je ferme mon œil gauche, me repositionne parfaitement et attends que la cible tournante arrive devant moi. Boum. La cible tombe en arrière et la foule derrière moi hurle de joie. Je sautille sur place, en riant. Je croise le regard fier de Julio et la femme me tend l'énorme peluche. Je la serre fort contre moi, je suis heureuse et fière de l'avoir gagnée.
- Je t'avais dit que je t'offrirai la peluche, je lance à Julio alors que nous nous éloignons du stand de tir.
- Non, garde-la, Rym. C'est ta fierté cette peluche. D'ailleurs, j'ignorais que tu savais tirer !
- Mon père m'a appris à tirer il y a quelques années.
Ce n'est qu'un demi-mensonge. Je cache seulement le fait que je me suis améliorée grâce au gang que j'ai intégré. Nous nous arrêtons pour nous acheter à manger. Nous n'avons plus que ça à faire puisque ça devient compliqué de faire des attractions avec une peluche de la taille de celle que j'ai gagnée. Julio insiste pour me payer des churros auxquels je ne dis pas non. Il se prend la même nourriture pour lui en y ajoutant de la pâte à tartiner au chocolat. Nous déambulons dans les allées de la fête foraine en riant et en mangeant. Je passe une soirée magique !
- Tu fais envie à tous ces enfants avec ta peluche, rigole Julio en croquant dans le churro que j'ai dans la main gauche.
Je lui donne un coup dans l'épaule mais le sachet de churros qu'il a dans les mains cogne contre son t-shirt et de la pâte à tartiner vient s'y déposer.
- Mince, je suis désolée, Julio ! Tiens, il y a des toilettes là-bas, je lui montre du doigt. Je t'attends ici, va te nettoyer.
Il bougonne gentiment dans sa barbe. Heureusement que son t-shirt est noir. En l'attendant, je reste planté au milieu du passage. Je gobe un churro sucré mais quelqu'un rentre brutalement dans mon dos. Je manque m'étouffer pour la deuxième fois de la journée et recrache ma nourriture par terre. Quelques personnes se tournent sur leur passage. Je me relève et pousse des deux mains l'homme derrière moi qui vient de me rentrer dedans.
- Non mais vous vous prenez pour qui ? je crie à travers le bruit de la foule. Et les excuses, elles sont pour les chiens ?
L'homme se retourne vers moi, le visage fermé. Je reste figée en le voyant.
- Diego ? je m'étonne en reculant de quelques pas.
Il ne bouge pas et relève un sourcil. Rafaël a dû lui raconter le mensonge que je lui ai donné tout à l'heure. Mince.
- Diego ? Que se passe-t-il, j'ai entendu crier ? s'approche une nouvelle voix que je reconnaîtrais entre mille.
Merde, Rafaël est aussi ici.
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