Le bruit constant de la foule lui parvenait même de cette salle. La pièce était petite, usée par tous les souffles qui s'y étaient évanouis. Le lavabo se trouvait sur le mur opposé, éclairé de minces filets de lumière qui arrivaient tant bien que mal à se frayer un chemin à travers les rideaux sombres de la fenêtre. Il s'approcha doucement puis ouvrit le robinet. Ensuite, il regarda l'eau se déverser dans le lavabo. Elle était limpide, claire; elle donnait envie.

   De sa fine main, il releva les mèches de cheveux noirs qui tombaient sur son front et plongea la tête dans le liquide frais. Se rafraichir : c'était ce qu'il cherchait au début. Mais ça ne resta pas longtemps la seule chose, il voulait plus encore. Alors il s'autorisa enfin à se laisser rattraper par le flot de souvenirs, ceux qu'il avait tant mis de côté ses derniers temps. C'était un sentiment doux, presque agréable.

   Pourtant, comme il le craignait, ça ne dura pas. Des vagues noires de sentiments tout aussi noirs affluèrent bientôt. Et lui, la pensée enveloppée par toute cette eau, ne les retint pas. Il les accueillit même, les voix de tous ces reproches qui lui avaient été adressés dans son enfance.

« Arrête, tu n'y arriveras jamais »

« C'est ridicule ! »

« Pff, tu me fais de la peine »

« Tu vas te ramasser »

« Tu crois vraiment qu'un gars comme toi peut y parvenir ? »

« T'es fichu mec »

   Il entendit quelqu'un l'appeler ; un bruit sourd étouffé par l'eau. Trop tard, il était déjà aspiré par ses souvenirs.