30. Un rêve bleu
- Julia -
Il est minuit passé et je ne trouve toujours pas le sommeil. Loups-garous, Mages, Organisation... Mais c'est quoi cette histoire, à la fin ?
Dimanche soir, après être rentrée, je me suis endormie tout de suite. C'était surement à cause de ma longue journée.
Et dire que je venais d'apprendre qu'Aby est une Mage et que Zander est un Loup-garou. En temps normal, j'aurais cogité durant des heures.
Me connaissant, j'aurais même dû passer une nuit blanche à penser à ces révélations. Mais, étrangement, je ne me suis pas prise la tête et j'ai dormi paisiblement.
Je commence à me dire que j'arrive peut-être à contrôler mes émotions, que je suis plus apte à faire face à de nouvelles vérités.
Mais c'est faux, mon esprit a juste pris plus de temps que d'habitude pour assimiler toutes les informations de la soirée.
Me voilà donc incapable de trouver le sommeil. Ce n'est pas que je ne peux pas, mais plutôt que je ne veux pas.
Voilà plus de vingt minutes que je me triture les méninges à imaginer à quoi ressemble cette fameuse Organisation. C'est plus fort que moi, je suis trop curieuse.
J'essaie donc de penser à autre chose, et de fil en aiguille, je me remémore la première fois où j'ai pris connaissance de mes capacités.
***
Je ramène mes jambes contre moi, me tassant comme une boule dans le coin du canapé, et me balance d'avant en arrière. Puis je change de position, je me couche sur le côté et attrape la télécommande.
Qu'est-ce qu'il peut y avoir d'intéressant à cette heure-ci ? Mon choix s'arrête sur un dessin animé.
Alors que l'écran s'anime avec des peluches aux couleurs vives, mon regard vide passe à travers le poste de télévision. Le générique aux notes joyeuses résonne au loin, alors que mes oreilles perçoivent un léger fond de musique.
J'attrape un coussin et le serre contre moi, comme si un bout de polyuréthane pouvait me réconforter. J'ai besoin de ma mère.
Celle-ci est occupée dans la cuisine, en pleine conversation. J'ai même monté le son pour ne pas entendre leur discussion. Comme si ce n'était pas déjà assez embarrassant d'attendre qu'ils finissent.
"Va donc dans le salon, on va parler entre adultes et puis s'occupera de toi. Allez, file poussin. Tu peux piocher dans la réserve de biscuits."
Je ne veux pas de biscuits. Je ne veux pas qu'on s'occupe de moi. Je ne veux pas. Des explications, voilà ce que je veux. Ou tout simplement, que tout ça s'arrête.
Je soupire doucement en attrapant un cookie. C'est pas tous les jours qu'on a le droit d'accéder au stock précieux de ma mère, mieux vaut en profiter.
La peluche violette tombe dans un piège. Elle n'arrive plus à contrôler ses mouvements. Peu importe ce qu'elle fait, elle finit par se blesser, ou pire, blesser ses amies douillets.
Soudain, le ciel rose s'assombrit et les arcs-en-ciel disparraissent pour laisser place à des gros nuages avec d'affreux sourires malsains. Je me redresse pour mieux voir. Qu'est-ce qui se passe ?
La sorcière arrive, avec sa horde de singes servants. Les peluches s'écrient en reconnaissant celle qui a posé le piège. Alors que la méchante poupée ouvre la bouche-
- Poussin ?
J'éteins en vitesse la télévision, honteuse d'avoir été obnubilée par ce programme pour enfants dans une telle situation.
Ma mère sourit faiblement. Elle a encore pleuré. Même si elle ne le fait pas devant moi, elle ne peut pas me le cacher.
Ses yeux fatigués me couvent du regard. Ma bouche sèche m'empêche de répondre à son appel.
- Je vous laisse toutes les deux. Julia, dis-lui tout ce que tu as sur le cœur. Elle est là pour t'aider.
Puis, avec un signe de la main, elle s'en va. Mon père en fait de même, mais avec une expression beaucoup trop sérieuse. J'espèrais au moins un calin de leur part.
- Tous les deux vont faire un tour en voiture. Ils ont aussi besoin de se changer les idées. C'est pas évident, avec une fille pareille.
Ma grand-mère s'assoit en face de moi, les mains sur les genoux. Même pas un bonjour. Toujours aussi froide. Je pourrais même faire certains rapprochements entre elle est celle qui s'en est prise à Violette, la pauvre peluche.
- Que s'est-il passé, cette fois ?
Elle attrape mes mains tremblantes et les serre doucement. La connaissant, elle ne cherche pas à me réconforter, on dirait plus qu'elle veut vérifier quelque chose.
Je n'apprécie pas vraiment ma grand-mère à vrai dire, elle est trop crue dans ses propos et me vexe souvent en faisant des remarques blessantes.
On me dit parfois que je suis d'une nature fragile. Ma grand-mère, elle, ne rate pas une occasion de me le rappeler. Surtout quand il y a du monde pour assister à mon humiliation publique.
Même si ma mère me dit que c'est sa façon de prouver son amour, je ne peux m'empêcher de redouter ses visites.
Sans parler de son odeur, à croire qu'elle porte un parfum d'hommes. Je fixe intensément sa paire de pantoufles blanches ignoble qu'elle ne quitte jamais. Je n'ai pas envie de lui en parler.
- Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive. J'ai des hallucinations, j'éprouve des sensations particulières depuis quelques jours. Je confonds réalité et illusions.
J'ai tout expliqué dans les grandes lignes, ça devrait suffir. Il faut qu'elle considère ça comme une crise d'adolescence banale. Juste une gamine qui veut attirer l'attention.
Elle ferme les yeux en soupirant, comme si elle connaissait la réponse avant même d'avoir posé la question.
Ce qui est tout à fait possible, puisque j'ai raconté une version similaire à mes parents, juste avant qu'ils se décident à appeler ma grand-mère maternelle pour lui demander de venir.
Sa voix peu féminine fait trembler les murs.
- Ah ces jeunes, toujours à poser des problèmes aux parents...
Encore ses réflexions. Je me mords la joue pour ne pas craquer. Elle ne m'aide pas. Au contraire, elle me donne encore plus envie d'hurler et de verser toutes les larmes de mon corps.
- Et tes rêves ?
Je réprime un spasme en comprenant ce qu'elle veut dire. Elle me sonde avec ses yeux perçant, ce qui me met encore plus mal à l'aise.
Finalement je regrette, j'aurais simplement dû aller voir le psychologue du lycée.
- Ce n'est pas comme la dernière fois, je n'ai pas fait de cauchemars depuis ce jour-là.
Depuis la mort des parents de Laurel.
Ce souvenir douloureux fait trembler mes mains, toujours prisonnières des siennes. Les pleurs, les cris, l'enterrement... C'est ma pire hantise, je refuse de revivre ce genre d'événement, de songes obscurs.
Je déglutis avec difficulté, une boule douleureuse coincée en travers de la gorge.
- Écoute-moi bien, Julia.
Ma grand-mère me lâche et s'accroupit près de moi tandis que mes cils battent pour se débarrasser d'une larme fugitive.
La gorge nouée, je hoche simplement la tête. Son visage sévère se détend, je dois faire peine à voir.
- Et arrête un peu de couiner tu veux, soupire-t-elle, mes oreilles sifflent.
Son commentaire n'est pas aussi sincère que d'habitude. Je couine une dernière fois avant de me pincer les joues en reniflant comme un pachyderme.
- Tout ceci, montre que tu es comme ma tante. Elle aussi avait ce genre de problèmes, et elle était spéciale.
***
La situation vient d'empirer. Bête que je suis, il a fallu que je songe à mes pouvoirs. Il ne faut pas que je m'endorme maintenant, je risque d'avoir une prémonition.
J'ai prédit tant de choses, tant d'évènements dramatiques. Non, je ne veux vraiment plus avoir ces satanées visions.
Alors que je me fais violence pour ne pas sombrer dans cette somnolence fatale, le plafond que je m'efforce de fixer se met à tanguer. Ma vue se brouille. C'est le premier symptôme.
Je ne veux pas.
Je me remets correctement ma couverture et me retourne dans mon lit. Mais rien à faire, mes paupières semblent peser une tonne.
Je ne veux pas.
Une force invisible paralyse mon corps. J'essaie de me pincer les joues, sans succès. Mes mains bougent à peine avant de retomber lourdement sur le drap.
Je ne veux pas.
Une douce chaleur envahie mon corps, suivie d'une fatigue subite. Mes forces me quittent et laissent place à un sommeil profond, presque artificiel.
Je ne veux p...
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