- Nicolas -

Au même moment...

Les choses sont devenues vraiment intéressantes... tellement intéressantes... Aby sirote sa limonade favorite en me regardant droit dans les yeux.

- Eh tu m'écoutes Nick ?

Cette imbécile s'est enfin décidée à pointer le bout de son nez à mon café. Je l'inspecte sous toutes ses coutures, et c'est exactement comme jouer au jeu des sept différences.

Je relève les choses qui ont changées chez elle depuis notre dernière rencontre : les cheveux bruns (ça ne lui va pas), les yeux noirs complètement inexpressifs (j'ai l'impression de parler à un poisson mort), la sérénité qu'elle dégage (je répète pour les idiots, Aby semble sereine), ses ongles qui cassent (non-vernis, quel gâchis), elle ne porte plus de bijoux (même si tout ce qu'elle aime se résume à des têtes de morts et des couleurs sombres) et pour finir, je pense qu'elle a pris du poids, surtout au niveau des cuisses (je vais me faire un plaisir de le lui dire). Merde, ça n'en fait que six.

- Je suis en train de te dire que le potentiel petit-ami de ma colocataire est peut-être un loup-garou et toi tu rêvasses !

- Oui oui, j't'écoute, Tête de Nœud...

Elle se penche sur le comptoir et tire sur mon oreille jusqu'à ce que nos deux fronts entrent en collision.

- Si tu m'écoutais vraiment, dit-elle, tu m'aurais harcelée de questions à propos du loup et de sa meute. Ah il y a aussi quelqu'un d'autre sur qui j'ai des doutes : c'est ce gars, Asher, il n'arrêtait pas de me regarder bizarrement...

Mince, j'ai envie de la prendre dans mes bras. Ça fait deux ans qu'on ne s'est pas vu, vous comprenez ? Ce n'est pas comme si j'éprouvais une affection sans nom pour elle ou quoi que ce soit d'autre, enregistrez-le bien dans vos petites cervelles d'humains. Je me dégage de son étreinte :

- Lâche-moi Aby, ou les gens vont croire que je suis hétéro.

Elle regarde autour d'elle, à la recherche d'éventuels spectateurs présents dans le café, avant de me dire :

- Putain Nicolas t'es au courant que t'as aucun client ?

C'est vrai.

- C'est parce que nous sommes fermés.

Et ça c'est faux.

- Tu m'expliques pourquoi le panneau qui indique que c'est ouvert clignote ?

Je fais la moue.

- Nos principaux clients sont les étudiants de ton université. C'est une question de temps avant que les premières années ne découvrent ce bar. Et je te rappelle que les autres sont encore en cours.

Elle me lance un regard amusé. Ça m'avait manqué, la façon dont elle arque ses sourcils qu'elle accompagne d'un sourire en coin. Et pour ceux qui se posent la question, non ce n'est pas ma meilleure amie. Et je n'aime pas particulièrement ce sourire moqueur qui lui donne un charme et un charisme fous. Non, je ne suis pas ce genre de personne fragile.

- Alors t'as réussi à conclure avec l'autre ''ange'' ?

Je soupire. Elle se dandine sur sa chaise, preuve de sa curiosité. Je pense vraiment qu'elle a grossi.

- Tu parles d'un ange, on dirait plus un démon qu'autre chose.

Son sourire s'élargit au mot ''démon'' Elle sait très bien à qui je le compare.

- Quoi, c'est un hétéro ?

Evidemment que c'est un hétéro ! A quel moment me suis-je déjà intéressé à un gay ? On dirait tous des tapettes !

Alors que je lui raconte mon altercation avec Corey – l'ange démoniaque – Aby sort un paquet de feuilles de son sac à dos. C'est visiblement le dossier de la mission.

- Il n'a toujours pas appris à rassembler correctement des feuilles pour en faire un dossier, remarqué-je.

Elle hoche la tête.

- J'ai pas fini de le lire.

Je parie qu'elle n'a même pas commencé à le lire. C'est le genre à toujours y aller au feeling, qui ne s'embête pas avec le côté administratif et officiel.

J'attrape une feuille volante au passage. Non attendez, ce sont toutes des feuilles volantes ! Ce con n'est pas foutu d'agrafer des feuilles et je me demande comment l'Organisation fait pour ne pas le virer.

"Liste des potentiels alliés en cas de danger ou évènement spécifique durant votre mission de surveillance"

Liste, mon cul. Il n'y a que trois noms, dont ma sœur et moi.

Putain.

Je relis pour être sûr.

- Putain de putain de putain.

Aby lève les yeux vers moi.

- Pourquoi tant de vulgarité, Nick ?

Un cri de joie s'échappe de ma gorge avant que je ne puisse m'en rendre compte. Je ne pourrais pas vous le décrire, ne me demandez pas. Je lui tends la feuille. Ses yeux s'écarquillent à la vue du troisième nom.

- Bordel de merde. Christian. Christian Brahms est dans l'coin !

Qui a parlé de vulgarité, Aby ?