— Un poisson !!!

Je me sentis soulevé par une force venant de pénétrer dans le sac. Une figure en très très gros plan était pratiquement collée à la paroi de mon aquarium miniature. Ses deux grands yeux bruns et légèrement ridés me fixaient avec un mélange d'euphorie et d'admiration.

— J'adOOOre les poissons !

— Miracle ?! s'écrièrent les parents de Darla en choeur.

— Oh ! Ça alors... mais que fait-il donc ici ? dit leur fille tout en articulant exagérément ses mots.

«Meooooow !»

— Tu veux le voir, Choupi ?

Sur ces mots, la vieille dame se pencha, de façon à ce que son chat puisse me dévorer des yeux.

Littéralement.

— Mais qu'est ce qu'il fiche ici ! renchérirent les géniteurs de ma maîtresse.

— Et bien, euh... finalement, peut-être qu'il a des jambes ! hasarda l'enfant.

— Mais où avez-vous trouvé un amOOOUUUr pareil ? Et regardez moi ces petites nageoires... trop mignonnes !

— Bref. On va rentrer à l'intérieur, maintenant ? s'impatienta le mari de la vieille femme.

— Excellente idée ! s'empressa de répondre Darla, mamie, tu permets ?

Sur ces mots, elle me prit des mains de son aïeule et pénétra dans la demeure, sous le regard assassin de ses parents.

                           —●—

Nous sommes à présent le 19 mars 2020.
La veille, le président Macaron nous a officiellement confiné, ce qui signifie, à ce que j'ai compris, de vivre à la manière des sardines dans les boîtes de conserve.

— À table ! ordonna une voix de femme provenant de la cuisine.

À ce que j'ai compris, c'est la fille du mari de la mère de la femme du père de ma jeune maîtresse.

En gros, c'est sa tante, mère de cinq enfants, tous cousins de Darla. Les trois plus grands, Charlotte, Andrew et Nina, âgés respectivement de sept, six et quatre ans, énuméraient des propositions concernant une potentielle escapade à l'étang le plus proche, pour me permettre de participer à une compétition de natation avec des brochets.

Sympa.

— On arrive ! s'écrièrent les trois enfants en choeur.

Alors qu'ils se dirigeaient en courant vers les escaliers, Nina, qui était en tête du groupe, s'arrêta brusquement. Ce geste déstabilisant ses aînés, ils tombèrent tous les quatre lourdement sur le parquet, ce qui forma un tas de mini-humains.

"Strike !"

— Aïe ! Mais qu'est ce que tu fiches ? s'écria ma maîtresse.

— Miracle. Il va se sentir seul, sans nous. Non ? demanda sa petite cousine.

— On a qu'à l'emmener, on le mettra dans le salon. De cette façon, il ne restera pas seul à l'étage, proposa Andrew.

Il revint dans la pièce où je me trouvais et empoigna mon aquarium. Puis, aussi vite qu'il était venu, il repartit rejoindre les trois fillettes.

— Les enfants !!! Pour la dernière fois, à taaaable !!!

                            —●—

Darla et ses cousins m'avaient laissé juste au bord du canapé de la pièce à vivre, avec pour seule amie la solitude, tandis qu'ils déjeunaient tous ensemble dans la pièce voisine.

Soudain, j'entendis une voix accompagnée de grisaillements s'élever de cette salle.

"Coronavirus...grrr...grrr...frontières...morts...médecins...grrr...grrr...  masques..."

Apparemment, ce virus ne semble pas vraiment amical... d'ailleurs, je doute que son étrange cavale ne s'arrête rapidement...

"Meowww"

"Oh non... Pas lui !

Le félin s'approchait petit à petit de mon aquarium et me fixait d'un regard malicieux accompagné d'un sourire carnassier.

Soudain, il sauta sur le canapé d'un bond furtif. Sa masse étant plus importante que la mienne, mon aquarium fit un vol plané avant d'atterrir à l'envers sur le parquet.

" Foutue vie de tartine !"

"Meowww !"

Ok, là, j'ai vraiment peur.

S'ensuivit une course effrénée dans le salon.
Un chat rapide et agile confronté à un minuscule poisson rouge poussant de toutes ses forces contre la paroi de sa maison aquatique pour tenter d'avancer de quelques millimètres...

Quelle égalité !

— Je ne suis pas un thon ! Je ne suis pas un thon ! m'ébranchiaige*.

Le félin râla et se lècha les moustaches.

— Et les distanciations physiques ? Tu les as oubliées ? Un mètre !!!

Alors qu'il allait abattre sa patte sur moi, une voix se fit entendre.

— Viens Miracle ! On va à l'étang !

Sur ces mots, Darla me souleva dans ses bras et m'emmena vers la sortie en compagnie de ses cousins.

Le chat me lança un regard assassin, sûrement signe que notre petite querelle ne serait pas finie de si tôt...

— Les enfants ? Mais qu'est ce que vous faites ? demanda la génitrice de ma jeune maîtresse.

— On emmène le poisson à l'étang. Il va devenir champion d'eau douce de natation ! s'écria joyeusement Nina.

L'adulte leva les yeux au ciel.

— C'est pas possible d'être comme ça... bref. De toutes façon, vous ne pouvez pas sortir en dehors du jardin. Dois-je vous rappeler que nous sommes confinés ?

—Tu parles ! contra Darla, si on voit les rues de Paris, elles sont bondées de monde !

— Oui, eh bien, ici, nous ne sommes pas à Paris ! Donc je te prierais de rester à la maison ! Tu ne souhaiterais quand même pas attraper le Coronavirus ?

Ah, oui. J'ai oublié de préciser que ce virus peut se dédoubler autant de fois qu'il le souhaite. En gros, pour certaines personnes, c'est foutu !

— Mais il n' y a jamais personne dans les environs ! On est dans un trou paumé !

— Et alors ? Raison de plus ! Sur ce, rentrez à l'intérieur !

Les cousins s'exécutèrent en grommelant un chapelet de jurons.

                        —●—

— Eh ! Les enfants !

La grand-mère des enfants leur fit signe de la rejoindre.

Nous entrâmes dans une pièce extrêmement poussiéreuse, et, à en juger par quelques claquements de dent, à l'atmosphère sûrement glaciale.

" C'est le frigo ! Elle veut nous transformer en surgelés ? À l'instar des pizzas jambon-ananas ? "

La vieille dame sortit un carton relativement grand, et souffla dessus. Prodigieux ! Une image d'une petite bassine remplie d'eau et de canards en plastiques flottant à la surface apparut.

"Nostalgie! "

Quelques minutes plus tard, je nageais dans la petite piscine, affichant le sourire émerveillé des enfants et de leur aïeule. Dommage que les canards n'aient pas le droit de venir avec moi...

Cependant, en tournant dans ce gigantesque milieu aquatique, je me sentis comme démoralisé. On aurait dit que ma trajectoire était infinie, et que j'allais continuer comme cela pour toujours, continuant à jamais la même rengaine.

Je compris alors que ce confinement allait être long.

Très long...

Hey ! J'espère que vous allez bien. Je sais que ce chapitre n'était pas le meilleur (inspiration 😓), mais j'espère qu'il vous aura quand même plu😅 .

Je tiens à préciser que, dû aux grandes vacances, je ne publierai probablement pas de chapitre durant cette période, mais je continuerai de lire vos histoires, de voter et j'ai encore quelques chapitres à publier sur mon artbook.

De plus, désolée si je ne publie pas fréquemment, mais je suis un peux en panne d'inspiration, car, à l'origine, cette histoire était censé être un journal sur le confinement du point de vue d'un poisson rouge. Mais, puisque cette phase s'est atténuée, je trouve que ce "livre" perd un peu de sa valeur...

Mais j'ai le but de finir mes histoires, car je ne souhaite pas les abandonner.

Donc je compte continuer et finir l'expérience de Miracle 🐟🔴 .

Merci beaucoup de lire cet écrit ^^.

Bonne journée et passez de très bonnes vacances 🤠 .

P.s.: *m'ébranchiaige : du verbe pronominal s'ébranchiaiger             (1er groupe), signifiant s'époumoner mais pour les poissons, ces derniers ayant des branchies.