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Un triomphe amère (nouvelle)

Quand je passe devant ce trophée, je ressens toujours un pincement au cœur que je préfère cacher. Je rechausse mon sourire et accepte les compliments et la fierté de mes parents. 

« On a un médecin dans la famille ! » aime à s’extasier ma mère, en montrant à tout le monde mon serment d’Hippocrate encadré avec soin et érigé en triomphe familial au-dessus de la cheminée. Pour une famille d'ouvriers qui a toujours eu du mal à finir les fins de mois, le couronnement de mes longues études est une victoire qui se célèbre et se recélèbre.

Ce soir, c’est la troisième soirée que ma mère organise pour fêter mon diplôme. « Tu comprends, tout le monde ne pouvait pas venir le même jour et la maison aurait été trop petite. » 

Alors, me voilà, revêtue de ma joie de façade, à faire des bises et à recevoir félicitations sur félicitations.

Comment leur dire que pour moi, ce diplôme, il a un goût amer. Celui de l’échec, trois ans plus tôt. Quand j’ai dû renoncer à la chirurgie, pour revenir au médical pur,... parce que je ne supportais plus l’ambiance des blocs opératoires… parce que je pleurerais en rentrant le soir, et que mes larmes n’étaient pas encore sèches quand j’enfilais ma blouse le matin. Comment leur avouer, qu’en réalité, je suis une ratée.

Ils appellent ça le droit au remords. Un nom qui sonne la défaite et le regret. Et pour moi, le glas de mes rêves de scalpel.

L’avantage quand on vient d’un milieu qui ignore tout des sphères où on évolue, est qu’il est facile de masquer la réalité.

J’ai prétexté que le contact avec les patients me manquait et que je les préférais éveillés qu’endormis. La vérité est toute autre.

J’ai cédé sous la pression. Je n’ai pas réussi à me faire une place. Je n’ai pas su être sourde aux remarques. On ne m’avait pas prévenu. On m’avait bien dit que les études de médecine étaient dures. Je pensais simplement que cela signifiait qu’il fallait beaucoup travailler, sacrifier certains loisirs, des soirées entre potes, le nez continuellement collé dans des bouquins. C’était vrai, certes, mais ce n’est au final qu’une part émergée de l’iceberg. Le principal obstacle, celui que je n’ai pas su surmonter, est tout autre.

Je me suis bien fait avoir, en évoluant dans nos amphis majoritairement féminins, je n’étais pas préparée à ce qui m’attendait en coulisse. Car, oui, la médecine se féminise. Sauf que,... c’est un phénomène récent ! Les femmes sont encore assises dans les amphis (dix ans d’études, c’est long) ou sur leurs premiers postes.Les chefferies de services sont encore très majoritairement occupées par des hommes, et pour les rares femmes qui ont pu y accéder, elles sont devenues hargneuses, presque plus cruelles que leurs homologues masculins envers leurs pairs, comme si elles avaient tellement dû se battre crocs et griffes pour être là où elles sont, qu’elles étaient prêtes à mordre quiconque s’approche un peu trop près de leurs trône.

Derrière les murs blancs aseptisés, règne une jungle sauvage où tous les coups sont permis. Ou comment le métier qui se veut le plus empathique qui soit devient le théâtre d’une guerre froide déshumanisée.

Loin de moi l’idée de vouloir détruire certaines vocations dans l'œuf, les choses changent et cette atmosphère antique tend à s’estomper. Cependant, moi, je suis arrivée dix ans trop tôt. Surtout qu’il y a un domaine en retard sur les autres avec une forte domination masculine et passablement misogyne toujours d’actualité : la chirurgie !

Mon début d’internat était rapidement devenu une suite de : « toi qui as l’habitude d’écarter les cuisses, prends les écarteurs », « eh oui ma jolie, il fait froid dans les blocs, à moins que ça soit moi qui t'excite pour te faire pointer les tétons de la sorte », « c’est quoi ses points de merde que tu me fais là ? Tu ferais mieux de retourner coudre des nappes », « si tu veux un poste après ton internat, tu n’as pas intérêt à tomber enceinte », « qu’est-ce que t’as ? T’as tes règles ? C’est pas un monde pour les fragiles ici », « fais pas cette tête, on rigole, t’as pas d’humour »… Et j’en passe.

Je pensais qu’au bloc, l’essentiel était de faire attention à ce qu’on touchait pour ne pas risquer de se déstériliser, en réalité, il est plus important de faire attention à ce qu’on dit. Tout risque d’être détourné en dérision sexiste quand on est une femme. Mais c’est juste de l’humour, alors on a intérêt à la fermer et à rire. Surtout ne pas montrer de faiblesse, au risque de succomber sous le rouleau compresseur. Et enchaîner les heures, parce que si tu ne viens pas voir les blocs sur tes repos de garde, c’est que tu n’as pas envie de te former. Tu n’es pas ici pour dormir.

J’ai tenu les premiers six mois, en prenant sur moi. Tout ira mieux au prochain semestre, je suis tombée sur un mauvais stage, ça se passera mieux la prochaine fois. Deuxième semestre, aussi catastrophique que le premier. Mais il faut savoir souffrir pour ses rêves, et puis, pour le prochain, je serai en deuxième année, je vais donc pouvoir choisir mon stage plus tôt, j’aurai plus de choix, j’en choisirai un bien !

Nouvelle désillusion. Je m’enfonçais de plus en plus dans la fatigue et le repli sur soi. J'avais la boule au ventre le matin quand je me levais. Je ne pouvais plus continuer ainsi. Je n’arrivais même plus à cacher mon état psychologique. J’allais mal, tout le monde le savait. Tout le monde le voyait.

Puis, il y a eu cette convocation, dans le bureau du chef de service de ce fameux troisième stage. Je n’oublierai jamais ce jour, celui qui a sonné la fin de mes rêves. La gorge nouée, j’avais frappé à cette porte. Quelle faute avais-je commise ? Ce devait être grave pour que je sois convoquée auprès du chef de service. Il m’avait invité à entrer et à m'asseoir, tout sourire. Quelque chose clochait. Il était revenu brièvement sur mon parcours de jeune interne. Il était trop tôt pour le bilan de fin de semestre. Ce n’était pas normal. Et la sentence est tombée :

« Les différents chirurgiens qui ont travaillé avec toi, m’ont rapporté que tu n’allais pas bien et que les choses s’empiraient. Nous en avons discuté ensemble et nous pensons que le mieux pour toi serait de te réorienter vers une spécialité médicale, les horaires sont moins chargés et nous pensons que tu pourrais plus facilement t’y épanouir. Ce que nous voulons, c’est que tu te sentes bien.»

D’un air faussement bienveillant, il m’avait alors tendu le formulaire. Celui du droit au remords. Est-ce que j’avais vraiment le choix ? Voilà comment je suis devenue neurologue. La fierté de ma mère. L’échec de ma vie.

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